jeudi 3 décembre 2020

"La Voyageuse de nuit", 1

 Laure Adler proclame avec une certaine fierté et une audace certaine qu'elle assume parfaitement ses 70 ans ! Son essai, "La voyageuse de nuit", publié chez Grasset, confirme son optimisme du bien vieillir. Ce carnet de voyage aborde de nombreux sujets liés à l'âge qu'elle illustre avec des références littéraires et historiques.  Elle évoque dès le début de son livre la figure tutélaire de Simone de Beauvoir qui fut la première écrivaine à traiter ce sujet réputé déprimant, difficile et irritant. Son récit entremêle des anecdotes personnelles avec des statistiques sociologiques, des citations sur le phénomène de la vieillesse, des rencontres avec des écrivains comme Marguerite Duras, Dominique Rolin, Annie Ernaux, Nathalie Sarraute, Mona Ozouf, etc. Elle écrit en constatant son visage dans un miroir : "Ce sentiment qu'on est encore dans le réel, mais de manière moins acérée, plus brouillonne, avoir à y penser alors qu'avant tout cela nous était donné comme une évidence, serait-ce cela vieillir ? Vieillir serait-il divorcer d'avec le monde ? (...) Comment maintenir ouverte et battante cette porte qui mène vers la vieillesse ? Ne pas la refuser. Ne pas s'y habituer". Laure Adler analyse ce sentiment de "prendre de l'âge" qu'il est souvent difficile d'accepter et surtout d'appartenir à la catégorie des "vieux". Alors que par le passé, les hommes et les femmes âgés attiraient le respect et l'admiration, notre société contemporaine considère cette classe d'âge comme des citoyens inutiles, coûteux et encombrants. Laure Adler ne supporte pas cette vision de la vieillesse. Ses conseils frappent juste : "Etre sans arrêt en éveil, sans le vif de l'existence, ne pas se décevoir, tenir bon malgré les embûches et ne jamais se plaindre. (...) Cela suppose un humour certain, une santé de fer, du courage, une prise de distance. La vieillesse ni comme un destin tragique, ni comme un ensommeillement généralisé, mais comme un art de vivre". Cet art de vivre, Laure Adler le cultive à merveille et son optimisme devient communicatif. Cumuler des années ne ressemble plus à un long crépuscule. Bien au contraire : "On gagne plus que ce qu'on perd : on gagne le détachement, une certaine sérénité, un je-m'en-foutisme jubilatoire, une joie des petits instants - le goût du thé, une éclaircie de bleu un jour de de novembre, une chanson à la radio - on sait qu'on est là quand même dans le flux de la vie".  (La suite, demain)