lundi 1 mars 2021

"Un papillon, un scarabée, une rose"

 L'écrivaine américaine, Aimée Bender, vient de publier son cinquième roman, "Un papillon, un scarabée, une rose", chez L'Olivier. La petite Francie, âgée de huit ans, voit sa mère s'effondrer dans une crise de folie. Elaine se fracasse la main avec un marteau en imaginant une araignée se baladant sur son corps. Elle a aussi une drôle de manie en enregistrant les scènes de la vie familiale avec des magnétophones cachées sous des feuilles de papier.  Tous ces actes insensés la conduisent dans une institution spécialisée. Francie, avant d'être recueillie par sa tante, passe deux jours chez sa baby-sitter et son angoisse se manifeste par une hallucination : elle voit un papillon dessiné sur un abat-jour s'envoler. Elle part donc chez sa tante qui vient d'avoir un bébé. Dans sa nouvelle famille, la petite Francie se rétablit mais conserve en elle une inquiétude envahissante provoquée par le traumatisme maternel. Le deuxième élément hallucinant, le scarabée, apparaît dans un dessin lors d'un voyage en train. Jeune fille, Francie s'entend très bien avec sa cousine Vicky et la considère comme une petite sœur. Elle prend son autonomie en créant sa petite entreprise. Elle traque des objets surannés, cassés, abimés dans les vide-greniers et les revend sur son site internet. Cette occupation rappelle aussi son passé douloureux qu'elle veut réparer. Pour calmer ses angoisses, elle installe sur le balcon de son appartement une tente dans laquelle elle essaie de retrouver les évènements de son passé chaotique avec une mère déprimée et incapable de s'occuper de son enfant. Elle écrit : "Vu que j'étais très déconnectée de ce qui se passait autour de moi dans mon enfance, cela revient parfois à marcher dans un grand vide, et tout ce que je peux faire, c'est évaluer la qualité de ce vide, s'il pétille, s'il est voilé, ou carrément dans le brouillard, si c'est une morgue". Cette méthode toute personnelle ressemble à un semblant de psychothérapie avec elle-même qui semble la soulager et atténuer son chagrin d'enfant. Elle a quand même gardé des contacts réguliers avec sa mère, restée dans son institution. Le récit se développe avec des retours permanents sur cette enfance volée. Ce travail de mémoire devient un mode de survie, un champ de bataille psychique pour oublier son angoisse permanente . Un question surgit : Francie a-t-elle hérité de la maladie de sa mère ? Avec sa troisième hallucination concertant une rose qui se détache d'un rideau, un doute subsiste. Ce roman d'une sensibilité extrême, émet une musique lancinante sur les modalités de la maladie mentale. La petite Francie tente de se reconstruire après le chaos de la maladie. Comment vivre et revivre avec ce traumatisme premier ? Malgré la gravité du sujet, l'auteur évoque la lente reconstruction d'une enfant blessée par la vie mais sauvée par sa famille d'accueil, généreuse et aimante. Un roman attachant et sensible à découvrir.