vendredi 19 juillet 2013

"Comment j'ai appris à lire"

Dans le Monde des Livres du vendredi 12 juillet, j'ai lu avec attention les pages consacrées à la jeunesse et les livres, autour de l'essai d'Agnès Desarthe, "Comment j'ai appris à lire"  et du numéro de la NRF dirigé par Philippe Forest, "L'enfance de la littérature". Jean Birnbaum dans sa "prière d'insérer" évoque le vibrant récit, intitulé "Comment j'ai appris à lire" en qualifiant l'attitude d'Agnès Desarthe, de loyale, d'honnête à l'égard d'elle-même et des autres et des livres, aussi. Dans son essai, l'écrivaine raconte avec un humour détonant sa  "détestation des livres", son évitement de la lecture, son manque d'intérêt pour la littérature alors qu'elle entreprend des études de lettres et réussit le concours de l'Ecole Normale Supérieure. Ce récit autobiographique sur son identité d'écrivaine relate avec une vérité rare son parcours chaotique dans le goût de l'écriture et le rejet de la lecture. Son obstination dans ce refus de découvrir les plus grands classiques imposés par l'institution scolaire n'est pas courante. Elle ressentait un monde tellement différent du sien qu'elle ne pouvait pas comprendre, ne pouvait pas appréhender l'intérêt de lire. Mais les remparts qu'elle s'est forgés se fissurent quand elle commence à lire des poètes comme Prévert qui la touche par sa simplicité de style, des écrivains comme George Sand, Victor Hugo, Racine, Duras et d'autres passeurs de littérature. Elle explique avec intensité ses défenses qui s'avèrent culturelles car ses racines familiales font partie d'un autre monde. Un écrivain américain va définitivement la fasciner et la combler pour l'aider dans ce passage symbolique qu'est la lecture, et il se nomme Isaac Bashevis Singer. Elle y retrouve le passé de ses origines familiales, un passé que personne ne lui avait raconté. Elle a compris que la lecture pouvait "réparer" les pertes mémorielles. Cet essai a vraiment touché ma fibre ultrasensible de lectrice passionnée. Cet hommage formidable à la lecture se termine ainsi : "A présent que lire est devenu mon occupation principale, mon obsession, mon plus grand plaisir, ma plus fiable ressource, je sais que le métier d'écrire, n'a servi et ne sert qu'une cause : accéder enfin et encore à la lecture, qui est à la fois le lieu de l'altérité apaisée et celui de la résolution, jamais achevée, de l'énigme que constitue pour chacun sa propre histoire". Un essai lumineux !