vendredi 7 février 2020

"Une machine comme moi"

Dès qu'un roman de Ian McEwan paraît chez Gallimard, je me précipite pour le lire. Ce grand écrivain anglais a marqué depuis des décennies la littérature mondiale avec "Samedi", "L'Intérêt de l'enfant", "Dans une coque de noix" et bien d'autres titres qui m'ont toujours intéressée et interrogée. Dans ce dernier opus, "Une machine comme moi", l'auteur pose le problème de la robotisation dans la société. Il est question d'un androïde, baptisé Adam, par son acquéreur, Charlie, un quadragénaire londonien rentier. Ce robot, copie conforme d'un humain, est doté de fonctionnalités prodigieuses grâce à des programmes informatiques sophistiqués. La publicité le présentait comme "un compagnon, un interlocuteur digne de ce nom dans les échanges intellectuels, un ami et un factotum qui pouvait faire à la fois la vaisselle, les lits et réfléchir". L'intelligence artificielle fait une entrée littéraire déterminante avec l'écrivain anglais. Adam sait tout faire, possède une culture vertigineuse, représente-t-il "le jouet ultime, un rêve séculaire, le triomphe de l'humanisme ou son ange exterminateur". Ces deux personnages se retrouvent dans un Londres en 1982 qui ressemble à celui d'aujourd'hui mais quelques détails intriguent : les Beatles sont toujours au complet, les Anglais ont perdu la guerre des Malouines, Alan Turing, le génial mathématicien, créateur de l'informatique, est toujours vivant. Adam dialogue avec Charlie, écrit des poèmes et tombe amoureux de sa compagne, Miranda. Le trio s'installe dans une relation amoureuse malgré la jalousie de Charlie. Adam est programmé pour dire la vérité et il avoue à Adam que Miranda a fait un faux témoignage lors d'un procès qui a envoyé un homme en prison. Charlie a aussi rencontré un jeune enfant, Mark, maltraité par ses parents qui n'hésitent pas à le "vendre" au couple. Miranda va alors tout faire pour l'adopter en sollicitant les services sociaux. Le pauvre Adam se sent déstabilisé face à un Adam sensuel et mélancolique, qui mime à merveille les émotions et les comportements humains. Miranda l'ébranle dans son rêve de famille. Leur vie commune va se compliquer avec l'attitude de plus en plus dérangeante du robot humain. Charlie ne peut plus supporter l'emprise grandissante de son jouet. Je ne dévoilerai pas la fin de cette intrigue originale… Ian McEwan manie l'humour noir, l'ironie, dans cette fiction érudite. Il pose des questions essentielles sur notre époque : les humains vont-ils disparaître à l'avantage des machines ? La société ultra connectée nous mène droit au mur, semble penser cet écrivain philosophe. Nos consciences légères et nos libertés individuelles commencent à fusionner dans la boucle Internet et l'intimité se dégrade inexorablement. Ce roman ambitieux donne un certain vertige tellement l'auteur soulève des questions épineuses mais passionnantes. A lire absolument. Un des grands romans de 2020.