jeudi 4 juin 2020

"Le monde n'existe pas"

Le huitième roman de Fabrice Humbert, "Le monde n'existe pas", pose le problème de la vérité et du mensonge, du réel et du rêve, de la vie et de l'art. Situé aux Etats-Unis, l'écrivain raconte le destin de deux personnages principaux : le narrateur, Adam Vollmann et Ethan Shaw, son amie du lycée. Un jour, Adam, journaliste au New Yorker, voit sur un écran géant à Times Square, le portrait de son ex-ami. Abasourdi par cette nouvelle, il décide de mener une enquête sur Ethan. La police le recherche car il a violé et tué une jeune fille d'origine mexicaine. Qui est Ethan Shaw ? Le bel Ethan était devenu un ami très proche d'Adam : "Autrefois, j'avais un ami. Je l'ai rencontré il y a bien longtemps, par un jour d'hiver, sautant de sa voiture et grimpant quatre à quatre les marches du lycée Franklin. C'est le souvenir le plus vivace que j'ai de lui, une impression inégalable d'éclat et de beauté". Adam refuse de croire que son ami en fuite correspond à ce jeune homme solaire, un grand sportif, une star du lycée. En fait, Adam ne portait pas ce nom à l'époque du lycée dans la ville de Drysden. Il s'appelait Christopher Mantel. Il avoue son homosexualité et relate les nombreuses brimades de certaines brutes épaisses de son lycée. Seul, Ethan le protégeait en le choisissant comme ami. L'adulte d'aujourd'hui se souvient de cet adolescent torturé, tourmenté, culpabilisé : "Il y a, dans les flottements et les errances de cet âge, une fragilité mêlée d'affirmation qui détermine l'existence toute entière". Adam arrive à convaincre son patron de presse pour se rendre dans la petite ville où il mène une enquête complexe. La victime, Clara, rêvait de devenir cosmonaute et avec ce meurtre, elle est devenue la petite fiancée de l'Amérique. Adam rencontre la mère de Clara, essaie de contacter d'anciennes élèves pour mieux connaître la jeune fille. Au fil du temps, il va découvrir des secrets cachés dans cette ville américaine typique. Je ne dévoilerai pas où se cache Ethan, sa culpabilité ou son innocence. Derrière la vision médiatique, la vérité va finir par se dévoiler.  Ce roman aux allures manifestes de polar interroge le monde des médias mensongers, de son cynisme généralisé. Le titre du roman résume la portée universelle des faux semblants, des identités troubles, de l'effet fiction dans la réalité. Tout est fiction pour Fabrice Humbert : "Je prétends que tout ce que nous vivons est un livre ou un film. En tout cas, une fiction, recomposée ou non". Ce livre questionne notre rapport à l'actualité, aux "fake news", à l'imagination complotiste, à une certain vertige de l'imposture. Un très bon roman de ce début d'année.