jeudi 10 avril 2014

Atelier de lectures, 3

Comme je ne veux pas écrire des billets trop longs, j'ai préféré poursuivre aujourd'hui l'évocation de nos deux grandes dames des lettres françaises. J'ai lu aussi un des derniers livres de Marguerite Duras, "Ecrire" que j'ai trouvé vraiment passionnant, en particulier le texte sur un jeune aviateur anglais, mort le jour de la victoire. Ce texte provoque une émotion et une empathie communicatives. Je le conseille pour comprendre sa démarche littéraire, créatrice et loin des clichés de superficialité, d'élitisme, d'incompréhension. Je la cite : "à la question : c'est quoi du Duras ?" Elle répondait : "c'est laisser venir quand il vient, l'attraper comme il vient, à sa place de départ, ou ailleurs, quand il passe. (...) J'ai appelé ça la littérature d'urgence. Je continue à avancer, je ne trahis pas l'ordre naturel de la phrase. C'est peut-être ça le plus difficile, de se laisser faire. Laisser souffler le vent du livre..." (Extrait d'un article de Télérama du 02/04/2014). Lire Duras à tous les âges de la vie, réserve des surprises et l'on redécouvre des aspects de son écriture, des scènes, des personnages que l'on n'a pas remarqués 20 ans avant (ou 30)... Pour moi, elle est une écrivaine-poète, une intellectuelle sensuelle, une femme libre et sans contraintes (sa vie, ses livres, ses amours, ses passions). Elle, la révolutionnaire, est rentrée dans la Pléiade malgré de très nombreux détracteurs (qui n'ont certainement pas vraiment lu son œuvre). Elle est désormais dans la grande et la belle famille des "Classiques", ces classiques de la littérature, ni "ennuyeux", ni "hermétiques", mais tout simplement à la portée d'un lecteur(trice) curieux et ouvert au monde. Marguerite Yourcenar est aussi dans la collection de cuir de Gallimard, mais bien installée depuis de nombreuses années. Elle n'a pas du tout vécu à la "durassienne", mais elle a consacré sa vie à la littérature, dans sa petite maison en bois, "La Petite Plaisance" de Mount Desert aux Etats-Unis. J'ai toujours aimé cette phrase très connue qui montre "l'apatrisme" de Yourcenar. Belge de naissance, Française de langue, américaine par amour et surtout une grande voyageuse à travers le temps et dans le monde. La phrase emblématique qui me sied à merveille : "Le véritable lieu de naissance est celui où l'on a porté pour la première fois un coup d'œil intelligent sur soi-même : mes premières patries ont été les livres." Les lectrices de l'atelier ont donc découvert ou relu "Les mémoires d'Hadrien", (1951), une plongée dans l'Antiquité romaine, le portrait d'un empereur puissant, poète et amoureux d'Antinoüs. Ce roman historique et philosophique montre déjà le génie littéraire de Yourcenar. Janine a aimé les "Souvenirs pieux" , le premier tome de la série "Le Labyrinthe du Monde" écrit en 1974. Et Evelyne a découvert l'essai "Le tour de la prison", récit de voyage surtout axé sur le Japon. Je regrette que Marguerite Yourcenar "intimide" quelque peu par son style très classique, son érudition faramineuse et fascinante, et il faut peut-être faire des efforts pour escalader cette œuvre exigeante, mais quand on arrive au sommet, quelle récompense ! Un classique, c'est une source de vie, de culture et d'harmonie... Relisez ou découvrez ces deux écrivaines, des femmes exceptionnelles et essentielles !