mercredi 13 janvier 2021

La Meilleure Série de 2020

 Je regarde avec plaisir des séries de qualité surtout anglaises, scandinaves, italiennes, espagnoles et même françaises... Mais dans ce maquis audiovisuel qui est devenu un marché exponentiel, il existe aussi de vrais navets, des objets vulgaires comme on en trouve encore au cinéma. Dans ce labytrinthe d'images spectaculaires, des personnages grotesques apparaissent à l'écran comme des vampires, des zombies, des hurluberlus, des héros caricaturaux, des femmes fatales avec une exploitation des bas instincts (sexe et violence). Il faut passer son chemin devant cette production commerciale. Je ne regarde souvent que les bonnes séries d'Arte, de la BBC, de Canal Plus et j'ai bien repéré les sites qui diffusent de bonnes séries avec les qualités visuelles authentiques, un scénario crédible, un arrière-plan historique, des personnages solides et profonds et une intrigue intelligente. Je pourrai citer quelques titres à voir : "The Crown", "Vikings", "Baron noir", Le Bureau des Légendes", "You", "L'amie prodigieuse", "Unorthodox", "Homeland', "The Affair", "Les Sauvages", "Borgen", etc. Mais, dans toutes les séries de l'année dernière, "Patria", diffusée sur Canal Plus, m'a particulièrement intéressée. Produite par HBO Europe, elle est basée sur le roman du même nom de Fernando Aramburu, publié chez Actes Sud. Créée et écrite par Aitor Gabilondo, les huit épisodes racontent l'histoire de deux femmes : Bitorri et Mirren emportées par la tragédie basque. L'ETA, l'organisation séparatiste basque, dépose les armes en 2011 après des décennies de conflit : plus de huit cents morts par attentats aveugles et horribles. A travers deux familles déchirées par ces années de violence, la série développe le conflit entre deux amies. Bitorri, veuve d'un entrepreneur assassiné par un commando de l'ETA, revient dans son village qu'elle avait quitté après la mort de son mari. Il avait refusé de payer les pots-de-vin exigés par les terroristes. Mirren appartient à la mouvance des Basques en lutte et un de ses fils a rejoint les rangs de l'armée clandestine.  L'obsession de Bittori s'épuise sur la question suivante : qui a tué son mari ? Est-ce le fils de Mirren ? Le récit fictionnel navigue entre le présent des deux familles et le passé du drame insupportable. D'un côté la force tranquille des Basques traditionnels, de l'autre, des militants fanatisés par leur cause politique. Ces "gudaris" de l'ombre étaient soutenus par une large population surtout au Pays Basque espagnol qui les considérait comme des héros. Bittori va enquêter dans le village pour enfin découvrir la vérité. Cette série révèle des êtres magnifiques de dignité, de bonté et de résilience. J'ai beaucoup aimé "Patria" et je lirai le roman de Fernando Aramburu, traduit dans une quinzaine de langues et vendu à plus de 600 000 exemplaires. J'ai vécu cette période intense à Bayonne quand j'étais libraire et tout ce passé sensible m'est revenu à la mémoire comme une piqûre de rappel. Cette époque de terrorisme basque a traumatisé de nombreuses générations et reste encore une écharde douloureuse dans l'identité des basques. Ce livre doublé d'une série a fait naître un débat en Espagne où le radicalisme dans les luttes politiques pose un problème universel. Quand la littérature s'adapte aux séries, la qualité est souvent invitée dans la réalisation télévisuelle. Emotion garantie devant cette "poignante galerie de personnages fracassés" et un éternel retour où la question du terrorisme est toujours d'actualité.