mercredi 12 mai 2021

"Une histoire universelle des ruines"

 Dans mes escapades que j'entreprends depuis que je suis à la retraite, mes préférences se portent souvent vers des villes dont l'empreinte du passé me plonge dans une parenthèse hors du temps. La Grèce et l'Italie réunissent la plupart des traces de la civilisation gréco-romaine et par conséquent, ces destinations me comblent tout particulièrement. Rome et Athènes, Naples et Corinthe, Delphes et Mycènes, Venise et Nauplie, Herculanum et Pompéi, Paestum, la vallée des Temples en Sicile, et tant de lieux que j'ai visités possèdent un esprit où l'on sent la présence fantomatique des ancêtres qui circule entre les pierres, les colonnes, les fresques, les statues, les mosaïques. Un livre monumental m'a attirée récemment et quand je l'ai feuilleté en librairie, je suis repartie avec ce pavé de 750 pages, richement illustré et d'un grand format. Cette Bible des amateurs d'Antiquité et des anciennes civilisations, "Une histoire universelle des ruines", est devenue pour moi une source inépuisable d'informations sur cette notion qui me fascine depuis longtemps : notre rapport au temps, un temps infiniment long et un temps infiniment mystérieux. L'auteur d'une érudition stupéfiante, Alain Schnapp, archéologue, a publié cette somme impressionnante au Seuil dans la collection "Librairie du XXIe". Le premier chapitre traite de la notion de ruine qu'il développe avec des références littéraires, historiques et sociologiques. Chateaubriand définit la fascination des ruines ainsi : "Tous les hommes ont un secret attrait pour les ruines. Ce sentiment tient à la fragilité de notre nature, à une conformité secrète entre ces monuments détruits et la rapidité de notre existence". Plus loin, l'auteur cite Benjamin Péret : "L'attention portée aux ruines est une marque de respect de soi et des autres, l'affrontement de la nature et de la culture s'efface devant l'inconstance de la mémoire humaine et celle des civilisations". Ce beau livre se compose de plusieurs chapitres : "Le sentiment du passé dans l'Orient ancien, les ruines apprivoisées dans le monde gréco-romain, la voie chinoise, les ruines de l'empire et l'Europe médiévale, le monde pré-islamique et islamique, de Pétrarque à la découverte de l'Amérique, l'universalité des ruines, etc." L'éditeur précise que cet ouvrage est l'œuvre d'une vie consacrée à l'archéologie. Historien de l'art et de l'architecture, des savoirs et des sensibilités, Alain Schnapp se met à la portée des lecteurs(trices) en proposant un "parcours, une méditation et même un véritable roman des ruines, forcément poétique".  Comme tous les ouvrages encyclopédiques, ce outil documentaire nous invite à entreprendre un long, très long voyage à la recherche des traces que les humains ont déposé dans le paysage : des mégalithes aux pyramides, des tombes étrusques aux temples grecs, des thermes romains aux théâtres grecs et tant d'autres signes des civilisations englouties par le temps. Entre l'oubli et la mémoire se joue une lutte incessante : ce livre-monument laissera des traces heureuses et contemplatives chez tous les passionné(e)s d'archéologie. Cette "Histoire universelle des ruines", un guide indispensable pour comprendre le lien temporel entre les vieux mondes et les nouveaux !