vendredi 5 juillet 2019

Jean-Paul Kauffmann, 1

J'ai découvert Jean-Paul Kauffmann récemment. Pourtant, Mylène dans l'atelier Lectures avait présenté "Remonter la Marne", publié en 2013 qu'elle avait beaucoup apprécié. Mon intérêt à son égard a commencé à poindre mais pas suffisamment. Je l'ai oublié par étourderie. Un jour, je déniche chez un libraire d'occasion, "La maison du retour", sortie en 2007. J'ai lu ce témoignage avec beaucoup de curiosité car l'auteur racontait son retour douloureux en France après trois ans de captivité au Liban en 1985. Il évoque ce drame terrible, son impossibilité de lire alors qu'il est un amoureux absolu de littérature. Il achète une maison dans les Landes, une région isolée et magnifique. Il la rénove pour en faire sa tanière, son havre de paix, son salut, symbole même de sa propre reconstruction. Avec élégance et pudeur, il livre quelques souvenirs de sa vie d'otage avec un courage d'une dignité rare. A la télévision, je me souviens des trois otages dont les visages apparaissaient sur l'écran et on imaginait bien le calvaire qu'ils vivaient dans leur prison, retenus par des geôliers inhumains. Michel Seurat mourra en détention. De cette expérience traumatisante, le journaliste ne dévoilera que des bribes, pudeur oblige. Il écrit : "Pendant ma captivité, j'ai manqué cruellement de livres. (…) J'ai fait mes délices de la collection Harlequin. Quand on n'a plus rien, s'appuyer sur une histoire - même pas une histoire, des lignes suffisent, des phrases pourvu qu'elles soient à peu près cohérentes -, c'est se constituer un bouclier contre le monde hostile. La lecture plus que la littérature m'a sauvé." Jean-Paul Kauffmann relate ses relations avec deux ouvriers du bâtiment, ces seuls hôtes de la maison, baptisée les Tilleuls, en plein milieu des pins. Son récit autobiographique élude la douleur du passé et permet au narrateur de se ressourcer au sein de la nature landaise : "Dans le calme du soir, les grands pins noirs renvoient vers la maison une odeur profonde de sous-bois. Une odeur qui souligne un silence duveteux et régalant. Le contraire du vide, du manque. Un silence vivant, balsamique. (…) Le mutisme va bien à cette maison calme qui recueille le parfum résineux de la forêt". Cet écrivain inclassable distille dans ses textes un charme incommensurable : des sensations d'être au monde, une inquiétude existentielle, une rêverie latente, une passion des livres. J'ai rattrapé le temps perdu en découvrant "L'Arche des Kerguelen", "31, Allées Damour" et bientôt son dernier livre sur Venise. J'aime cette catégorie d'écrivains qui préfèrent la discrétion à la gloire, le silence au bruit, la vie en littérature au lieu d'un réel trompeur… La suite, lundi.