jeudi 2 avril 2020

"La vie parfaite"

Silvia Avallone, écrivaine italienne, née en 1984, avait écrit en 2010, un roman, "D'acier", qui avait obtenu un succès retentissant en Italie, recevant le prix des lecteurs de l'Express. Je l'avais découvert à l'époque et j'avais bien apprécié cette fresque sociale. L'action se déroulait à Piombino, une ville ouvrière de Toscane où les héros du livre travaillent dans une aciérie qui employait plus de 20 000 ouvriers en 1960. Puis, elle a publié deux autres romans avant "La vie parfaite", parue chez Liana Levi en 2018. Adèle, une jeune fille d'origine modeste, apprend qu'elle est enceinte et choisit de garder le bébé. Son compagnon, Manuel, préfère sa vie de délinquant à une vie de famille et il est en prison. Adèle vit avec sa mère et sa sœur dans un appartement de la cité des Lombrics, près de Bologne. Le père vient de sortir de prison et n'est pas le bienvenu. Ces trois femmes, seules et esseulées, se sentent malgré tout solidaires face à l'adversité. Elles acceptent ce nouveau bébé en rêvant d'une vie meilleure. Mais, Adèle, va-t-elle aller au bout de ce projet en réalisant que son "Manuel", sorti de prison, ne partage pas du tout cette vision d'un avenir familial ? Dans un autre quartier, Dora Cattaneo, une professeure de son lycée, souffre à la folie du manque d'enfant. Elle a essayé d'en avoir un avec son mari mais, abandonne la procréation pour l'adoption. Le roman évoque la maternité à travers le portrait de ces deux femmes, si dissemblables par leur condition sociale et si ressemblantes par leur maternité, subie ou désirée. Comme dans tous ces romans, les personnages dégagent une volonté de vivre démesurée, excessive. Les émotions s'exacerbent et chacune joue une partition discordante. Adèle hésite, doute, veut abandonner son bébé car elle sait qu'il aura un avenir plus rassurant dans une famille unie. Son compagnon, impétueux et inquiétant, ne peut pas devenir père. Son meilleur ami, Zeno, qui aime Adèle depuis des années, veut la protéger et accueillir ce bébé. Silvia Avallone introduit dans son texte des références des "Frères Karamazov" de Dostoïevski. Manuel est le double de Dimitri, exalté et instable, et Zeno, Ivan, posé et réfléchi. Les deux garçons ont grandi ensemble dans ce quartier populaire : l'un a basculé dans la mafia, l'autre a choisi les études universitaires. Deux ruptures avec leur milieu d'origine. Adèle et Dora, deux destins contrariés avec la grossesse accidentelle de l'une et le désir d'enfant inassouvi de l'autre. Leur vie "parfaite" est loin de l'être mais existe-t-elle vraiment ? L'écrivaine offre un roman néo-réaliste, basé sur de nombreux dialogues qui rendent le texte vivant et vibrant. L'empathie de Silvia Avallone se révèle tout au long des pages à travers les personnages féminins, victimes de l'absence masculine à part Zeno, un garçon différent par sa gravité et son sérieux. En lisant ce livre, j'ai pensé à nos amis italiens et à leur vitalité légendaire. Même dans le drame qu'ils vivent surtout en Lombardie, j'avais l'impression d'être à leurs côtés grâce à la littérature...