lundi 30 mars 2020

Lectures éclairantes

En ces jours de confinement, chacun cherche à structurer ce temps entre parenthèses en installant dans son quotidien des rituels rassurants. La lecture appartient évidemment à un de ces rituels que je pratique depuis mon enfance. J'ai même beaucoup de chance d'aimer ces moments où mes yeux se posent sur des mots, nichés dans le papier. Le matin, je consacre une heure à consulter la presse quotidienne, mais je ressens souvent un manque de réflexion devant tant d'articles factuels redondants qui relatent la situation dramatique de l'épidémie dans notre pays et ailleurs sur la planète. Je reçois tous les soirs les articles de la revue "Philosophie Magazine", intitulés "Les carnets de la drôle de guerre" très souvent passionnants à lire. Pour ne pas subir cette catastrophe sanitaire avec fatalisme et incompréhension, les intervenants évoquent leur confinement et propose des commentaires très éclairants. J'ai retenu les propos d'Emanuele Coccia, un philosophe italien : "L'angoisse que nous éprouvons aujourd'hui résulte en grande partie de ce que nous réalisons que le plus petit être vivant est capable de paralyser la civilisation humaine la mieux équipée d'un point de vue technique. Ce pouvoir transformateur d'un être invisible produit, je crois, une remise en cause du narcissisme de nos sociétés". On peut découvrir des portraits de philosophes comme Thoreau et son livre, "Walden ou la vie dans les bois". Ces lectures stimulent la pensée et apaisent le sentiment d'insécurité et d'anxiété sur la propagation de ce virus agressif et tueur. Je lis aussi le journal du confinement de Cynthia Fleury sur le site de Télérama. Cette professeure, titulaire de la chaire Humanités et santé au Conservatoire national des arts et métiers, relate jour après jour sa vie dans son appartement parisien et analyse la situation avec une intelligence très empathique. Certains articles dans les journaux apportent aussi des analyses pertinentes. J'ai retenu celui de Corine Pelluchon, professeure de philosophie, qui écrit : "La solitude peut faire souffrir, mais aussi donner ou redonner envie de l'autre et des autres. Elle peut aussi nous confronter à la question du sens. C'est l'occasion de réfléchir à ce qui, pour chacun de nous, est vraiment important, de distinguer ce dont on ne peut se passer et ce qui relève de la distraction au sens pascalien du terme, au sens où cela nous détourne de nous-mêmes ou relève d'une fuite en avant". Ce matin encore, dans le journal "Le Monde", je découvre la réflexion de Claire Marin, auteur de "Ruptures", professeure de philosophie : à la question, "Comment voyez vous le monde d'après ? Je sais par contre ce que j'espère. Une prise de conscience à l'échelle collective de repenser notre lecture du monde social, la valeur des métiers, le sens d'une vie en commun, le rapport à la nature. Une réflexion sur la précipitation effrénée de nos vies, la démesure de nos déplacements, de notre consommation". En ces temps sombres où un ennemi invisible peut s'accrocher à nos basques, il ne faut pas baisser la garde, mais bien au contraire se renseigner, s'informer, se nourrir de textes lumineux, rester curieux(se), ressentir l'intensité d'un moment exceptionnel dans la vie de chacun d'entre nous. Il s'agit de poursuivre son bonhomme de chemin sans sombrer dans une angoisse mortifère. Nos soldat(es), chargés des soins, des transports, de l'alimentation, de l'ordre, vivent en danger tous les jours, alors que le confinement semble un grand luxe à côté de tous ces militants de la vie. On se souviendra tous et toutes de ce mois de mars 2020, un mois où le printemps est passé inaperçu…