lundi 23 décembre 2019

"Le soin est un humanisme"

La nouvelle collection, "Tracts", de Gallimard propose des essais courts (45 pages) et percutants, susceptibles de nourrir les débats de société et d'apporter des éclaircissements pour comprendre notre monde contemporain si complexe. Quelques titres à retenir : "Jojo, le gilet jaune" de Danièle Sallenave, "L'égalité" de Pierre Bergounioux, "L'Europe fantôme" de Régis Debray. Cynthia Fleury vient de publier dans cette collection pertinente, "Le soin est un humanisme". J'avais lu de cette philosophe et psychanalyste, "Les Irremplaçables" que j'avais beaucoup aimé. Pour connaître cette philosophe, son portrait est disponible sur le site de France Culture dans l'émission "des Chemins de la philosophie". Je l'ai entendue évoquer sa bibliothèque personnelle dans son appartement de Paris, envahi par des milliers de livres. Née en 1974, cette philosophe semble posséder plusieurs vies. Elle a enseigné la philosophie politique à l'université, a été chercheuse au Museum national d'histoire naturelle, professeure à l'Ecole des Mines, et dirige également la chaire de philosophie à l'Hôpital de l'Hôtel-Dieu. Cynthia Fleury tient aussi une chronique dans l'Humanité. Sa carrière polyvalente, ses interventions médiatiques, sa présence dans les colloques, troublent un peu son image de philosophe dans le sens traditionnel du terme et elle n'attire pas que des admirateurs(trices). Cette intellectuelle brillante et chevronnée ajoute évidemment à sa carrière fulgurante des essais dont le dernier, "La fin du courage" a été adapté au théâtre cet automne. Dans son texte, "Le soin est un humanisme", elle développe une définition du soin, un geste en dehors de la marchandisation. Pour la philosophe, la bienveillance doit primer et l'Homme se définit comme un être de relation et de responsabilité. Dans son travail, le soignant ne doit pas gérer la maladie comme un acte monétarisé. Son rôle essentiel se résume dans l'attention aux autres et au monde. La philosophe évoque la vulnérabilité de chacun d'entre nous, qu'elle ne considère pas comme un obstacle ou un handicap. Bien au contraire, la fragilité peut devenir une force intérieure qui mène vers autrui. Elle emploie l'adjectif "d'irremplaçable" car nous le sommes tous. Cet Autre serait le malade qui a besoin de soin, un soin possible, réfléchi, renforcé. Un soignant ne guérit pas que le corps, l'âme ou l'esprit du malade réclament les mêmes soins . En bonne psychanalyste, Cynthia Fleury confirme sa croyance au langage surtout poétique pour vivre en "capacitaire", un des concepts qu'elle déploie dans sa pensée. Pour conclure, je retiens cette belle phrase à méditer : "Tel est le chemin éternel de l'humanisme : comment l'homme a cherché à se construire, à grandir, entrelacé avec ses comparses, pour grandir le tout, et non seulement lui-même, pour donner droit de cité à l'éthique, et ni plus ni moins aux hommes. Quand la civilisation n'est pas soin, elle n'est rien".