lundi 29 septembre 2014

Rubrique cinéma

Un seul film vu en septembre au Forum en séance privée ! En effet, j'étais seule dans la salle (cela m'arrive rarement...) pour découvrir "L'Institutrice" du cinéaste Nadav Lapid, Ce film, venu d'Israël, est vraiment singulier par son sujet (la poésie) et par sa rythme (une lenteur voulue). Une institutrice découvre chez un petit élève de cinq ans, un don inné pour la poésie. Elle-même est inscrite à un atelier d'écriture poétique et quand elle lit dans le cercle des participants, un poème du petit garçon, en le faisant passer pour l'un de ses poèmes, les apprentis poètes le trouvent très réussi. S'installe entre l'institutrice et l'enfant une relation plus étroite d'autant plus qu'il croit que sa maman est morte alors qu'elle l'a abandonné après avoir divorcé. Ce petit génie de la poésie, Yoav, subjugue Nira, l'enseignante et elle contacte son père pour révéler sa découverte. Mais, cette rencontre est décevante car ce père, pragmatique et entrepreneur ne veut pas d'une vie "poétique", qu'il assimile aux perdants, aux "losers", aux assistés et aux parasites sociaux... L'institutrice au contact du petit garçon voit sa vie changer : elle porte un regard plus critique sur l'engagement de son fils dans l'armée, sur son mari gentil mais peu romantique. Elle ressent le mépris de la société sur la poésie et quand elle franchit la ligne rouge en invitant le petit prodige dans une soirée dédiée à la poésie, le père de l'enfant lui interdit de le revoir. Elle va alors commettre un acte radical en le kidnappant dans sa nouvelle école. Le jeune garçon réagit en l'enfermant dans la salle de bain de la chambre d'hôtel et elle va comprendre qu'elle a fait une grande erreur... La police intervient pour libérer l'enfant et l'histoire se termine dans une réalité brutale loin d'un monde nimbé de poésie. J'ai lu une critique paru dans le Monde du 10 septembre qui m'a éclairée sur le projet du réalisateur. Nadav Lapid pose des questions importantes  sur la place de la poésie dans une société dévorée par le matérialisme, sur la vulgarité d'un monde dominé par la bêtise médiatique des variétés, des jeux et des talk-show, etc. Je sais que ce film n'a pas rencontré le succès auprès du public mais j'aime bien ces OVNI cinématographiques...

mercredi 24 septembre 2014

La Toscane, 5

Dernier étape de mon voyage en Toscane : Bologne, à 100 kms de Florence, une commune "rouge" dans tous les sens du terme, politique et architectural. Je voulais visiter le musée d'art moderne, le MamBo, un musée d'art contemporain, avec un espace consacré au peintre contemporain, Giorgio Morandi. J'ai réservé ma première visite à cet artiste peu connu en France mais qui demeure une icône en Italie. J'avais vu des toiles de Morandi à Rome et je désirais retrouver ce poète pictural, obsédé par les objets les plus simples (bouteilles, pichets, verres) en les transfigurant en natures mortes absolument fascinantes. Un grand poète français, Philippe Jaccottet, a même écrit un ouvrage (Le Bol du pèlerin) sur ces natures mortes aux couleurs beige, blanc, marron ou grise... Je n'ai pas été déçue car j'ai vu devant mes yeux des dizaines de toiles de dimension modeste, un hommage à la simplicité, à la modestie et à la contemplation. Une recherche rare et unique dans l'art contemporain. Après Morandi, j'ai arpenté le centre ville avec sa cathédrale San Petronio, sa piazza habituelle, sa fontaine, son palais communal dans des teintes rouge brique. Mais ma surprise fut totale en pénétrant dans la bibliothèque publique de Bologne, la SalaBorsa, installée dans un ancien couvent et transformée en médiathèque, lieu d'étude, lieu de vie, lieu de rencontres. J'ai tout de suite remarqué dans le patio, une grande cafétéria, jouxtant les secteurs adulte et jeunesse. En Italie, se restaurer dans un lieu semblable ne semble poser aucun problème... Les médiathèques françaises sont loin de proposer une convivialité semblable... Une bonne idée à adopter dans certaines grandes structures comme la médiathèque de Chambéry à Curial... Bologne est une ville italienne très vivante, très authentique, loin de la beauté suffocante de Florence et de Venise. On la sent tout simplement vivre au rythme de sa jeunesse étudiante et turbulente. Les palais sont moins nombreux mais j'ai constaté les 40 kms d'arcades longeant les rues pour une déambulation à l'abri du soleil ou de la pluie. Une belle cité, intellectuelle et rebelle, et elle avait donc tout pour me plaire ! J'ai terminé les  billets de mes cinq étapes en Toscane et en Emilie-Romagne. Ce petit périple à travers une région riche en patrimoine culturel, naturel et humain, m'a bien confirmé cette idée que j'ai depuis longtemps : j'apprendrai un jour la langue italienne pour parachever l'admiration que j'éprouve pour ce pays... 

mardi 23 septembre 2014

La Toscane, 4

Florence (Firenze) mérite deux bonnes journées, mais en septembre, c'est encore la haute saison et j'ai tout de suite remarqué la présence "massive" de touristes du monde entier, en particulier du Japon (?). Malgré la fièvre dégagée par ces "visiteurs-consommateurs", fort sympathiques au demeurant, et fort importants pour l'économie de la ville,  j'ai trouvé mon rythme de croisière dès que je me suis éloignée du Duomo, de la place de la Seigneurie et du Ponte Vecchio... Comme à Venise, dès que l'on quitte la place San Marco, on peut respirer un peu plus librement. Je sais que je fais partie de cette masse de curieux avides et boulimiques mais je suis vite découragée quand il faut attendre des heures pour pénétrer dans un musée... J'ai donc eu une chance inouïe quand je suis rentrée aux Offices, munie de ma Firenze Card malgré la file d'attente. A l'intérieur, des grappes de touristes devant le Botticelli et puis, en les contournant, on peut déambuler dans les salles pour retrouver les peintres que j'aime : Le Caravage, Uccelo, Rembrandt, Le Greco, Goya, Raphaël, etc. Ces grands musées sont tout de même difficilement accessibles et admirer ces œuvres d'art dans le calme et dans la quiétude relève de l'exploit. J'ai préféré m'éloigner du centre pour visiter d'autres lieux moins fréquentés et j'ai vu une merveille que j'avais raté il y a 25 ans. Il s'agit du couvent de San Marco, fondé au XIIIe siècle. Le peintre Fra Angelico et ses élèves, illuminés par leur foi, ont décoré les cellules des moines, et on y trouve aussi la célèbre Annonciation, réalisée en 1440. Le musée n'était pas encore investi par les cars et quand je suis partie, j'ai croisé des compatriotes en file indienne... J'ai discuté avec une employée de l'office du tourisme qui me conseillait de revenir... en novembre ! En deux jours, j'ai aussi visité encore un musée archéologique complétement désert (!?), quelques églises, les bords de l'Arno, le Palais Pitti et ses jardins du Boboli. Pour terminer ma balade florentine, j'ai découvert la bibliothèque Laurentienne située dans l'église San Lorenzo. Michel Ange a dessiné les lutrins et le plafond et ce lieu respire l'étude, la concentration et la connaissance. J'ai eu la chance de voir une exposition sur des incunables-bestiaires avec de très belles illustrations. Une de mes meilleures visites. Je conseille donc d'éviter la haute saison (d'avril à octobre) pour visiter ces grandes cités italiennes... Stendhal qui a profondément aimé Florence serait quand même étonné de voir son Duomo aussi investi par ces milliers de pèlerins déguisés d'une drôle de manière avec leur appareil photo en bandoulière et leur tablette numérique...

lundi 22 septembre 2014

La Toscane, 3

Après Sienne, je rêvais de découvrir Arezzo pour les fresques de Piero della Franscesca dans la Basilique San Francesco. Et dans la vie, il faut réaliser quelques uns de ses rêves... Chose faite à Arezzo, une petite ville nichée dans une vallée et j'avais loué une chambre d'hôte dans une maison de campagne toscane au milieu d'un champ d'oliviers, de cyprès et de pins parasol. La propriétaire parlait un français élégant et cet accueil charmant présageait un bon séjour. J'ai donc parcouru les premières rues qui m'ont conduit sur la Piazza Grande, lieu central, lieu de vie culturel, religieux et politique. Une "piazza" concentre dans un espace donné une église (Duomo), une mairie (Palazzo vecchio), des palais, une fontaine, etc. Arezzo a la particularité d'offrir deux maisons d'écrivains : la Casa Petrarca et la Casa Vasari. Ma passion de la littérature conduit mes pas dans ces espaces privilégiés assez rares dans le patrimoine culturel. C'est toujours émouvant de visiter ces lieux où ont vécu ces génies de la littérature italienne. Cette ville a vu naître un grand cinéaste, Tonio Benigni, et on retrouve dans son film, "La vie est belle", des scènes tournées dans Arezzo. Dans l'après-midi, j'ai enfin poussé les portes de la Basilique (il faut réserver une place) pour admirer les fresques murales de Piero della Francesca, la "Légende de la vraie croix" peinte de 1452 à 1466. Un choc esthétique que je peux comparer au syndrome très connu de Stendhal... Pour finir la journée, j'ai visité le musée archéologique (encore un !), installé dans un ancien monastère, au pied d'un amphithéâtre romain où j'ai approfondi ma connaissance de la civilisation étrusque... Dans ce musée déserté par les touristes, une œuvre originale a retenu mon attention : la "Chimère", une sculpture en bronze du IVe siècle av JC. Encore une journée riche d'images, de sensations et d'émotions. La Toscane est réputée pour sa culture du vin, de la cuisine mais c'est surtout un pays où poussent les musées, les palais, les églises, les peintres, les sculpteurs et les poètes...

dimanche 21 septembre 2014

La Toscane, 2

Après Volterra, direction Sienne, que j'avais déjà visité dans les années 90, et quand je suis arrivée sur la célébrissime Piazza del Campo où se déroule le traditionnel Palio (course de chevaux entre les quartiers), rien n'avait changé... Je me suis sentie rajeunir (c'est bien agréable) et j'ai retrouvé la même impression d'émerveillement face à l'architecture médiévale de la ville. J'avais loué une chambre dans une vieille maison de maître et je disposais d'un jardin suspendu. Il faut vraiment être en pleine forme pour Sienne dont les rues montent, descendent, montent, descendent et aucun moyen de locomotion n'est disponible pour épargner nos jambes. Alors, j'ai marché, marché et beaucoup marché. Les touristes étaient assez nombreux dont pas mal de Français, et je m'attendais à les retrouver dans la Pinacoteca Nazionale, mais grand soulagement de ma part, j'ai arpenté les salles de peinture pratiquement en solitaire. Devant mes yeux, des dizaines d'œuvres de l'école siennoise à seulement admirer dont le sublime Simone Martini. Ces peintures sur bois d'artistes souvent méconnues racontent l'histoire du Christ, du rôle majeur de la religion dans la société de l'époque. Il faut regarder attentivement les paysages peints dans ces peintures du XIIIè siècle. Après ce musée installé dans un palais (comme toujours en Italie), et qui fermait l'après-midi (!), j'ai redécouvert le Duomo tout en marbre blanc et noir, avec des centaines de pavements exécutés entre 1359 à 1547. Dans cette cathédrale, se cache une très belle bibliothèque patrimoniale "La Piccolomini" dont les murs sont recouverts de fresques du Pinturicchio en 1509. il existe un lieu insolite à découvrir : l'hôpital Santa Maria della Scala, fondé au XIe siècle et destiné à accueillir les pauvres, les orphelins et les pèlerins. Cet hôpital gigantesque dans un bâtiment gothique a servi de modèle car les soignants devaient se laver les mains (au XIVe)... Dans cet espace, les Siennois ont installé un musée archéologique dans un dédale de couloirs sous des voûtes peu éclairées où sont exposés des poteries, des urnes et des objets de nos Etrusques toscans, un labyrinthe fabuleux d'une fraîcheur bienvenue. J'ai appris que le grand écrivain Italo Calvino s'est éteint dans cet hôpital qui a fermé ses portes en 1995. Une grande découverte pour moi ! Encore une étape bien passionnante dans mon parcours toscan... Je remercie le guide Toscane-Ombrie du Routard, une Bible pour toutes ces informations que je livre dans ce blog !

samedi 20 septembre 2014

La Toscane, 1

Retour de voyage ce vendredi 19 septembre à Chambéry après six heures d'autoroute entre des camions indisciplinés et des automobilistes souvent amoureux d'une vitesse excessive !   Je n'ai pas écrit depuis une bonne semaine pour des raisons de séjour toscan et je vais relater ce parcours dans ce blog en plusieurs billets. J'ai choisi ma première étape pour voir la mer à Vada dans la commune de Rossignano au sud de Livourne. La plage était quasi déserte en septembre et j'étais seule à me baigner dans une eau claire, parsemée de petits poissons... Le rêve ! Le lendemain, j'ai pris la direction de Volterra, petite bourgade perchée sur une colline et la vue des remparts m'a tout de suite donnée une forte impression : j'avais mis le pied dans le Moyen Age. Une fois débarrassée de la voiture, j'ai franchi une grande porte et me voilà sur la Plazza di Priori où se trouve le Duomo, une cathédrale romane qui détient des œuvres religieuses très intéressantes. J'ai voulu découvrir cette commune surtout pour ses origines étrusques : le  musée Guarnacci dispose d'une collection unique de 600 urnes funéraires dont les décorations offrent un aperçu fascinant sur cette civilisation qui reste encore mystérieuse. J'ai surtout été attirée par une sculpture emblématique de ce lieu, "l'Ombra della Sera" (l'Ombre du soir), un "Giacometti" étrusque étonnant et émouvant. On suppose que cette statuette votive, déterrée en 1879, représentait un soldat ou un prêtre, était longue d'une soixantaine de centimètres et  servait de tisonnier.... Toujours à Volterra, j'ai arpenté un parc archéologique et j'ai admiré les ruines d'un théâtre antique romain avec ses 2000 places et ses colonnes corinthiennes, hautes de cinq mètres. Une surprise m'attendait le soir avec des concerts dans le Palazzo Pubblico au milieu des fresques médiévales... Souvent, quand on visite une commune, une impression domine et Volterra m'a offert une connaissance approfondie de cette civilisation déjà très avancée. Les bijoux raffinés, les objets domestiques, les statuettes votives, les rites liés à la mort, leur écriture encore mystérieuse racontent l'histoire incroyable de ce peuple, venu d'Asie mineure, installé en Toscane en - 900 avant JC et vaincu par les Romains en 395 avant JC. J'ai quitté Volterra en pensant à tous ces hommes et à toutes ces femmes qui nous susurraient à travers les siècles une parenté universelle...

jeudi 11 septembre 2014

"Une éducation catholique"

Catherine Cusset poursuit son projet d'autofiction avec ce dernier ouvrage, "Une éducation catholique" qui fait suite à "La haine de la famille" et "Un brillant avenir". Elle raconte sa relation particulière avec la religion catholique et dresse un portrait virulent de ses parents dont le père est croyant et la mère, athée. Petite fille, la narratrice éprouve une foi ardente, adore les Saints, la messe, le catéchisme, la communion. Croire en Dieu lui semble évident, et la religion représente pour elle un devoir, un effort, un "dépassement de soi, la victoire sur soi". Mais le sentiment le plus fort de son enfance, c'est la haine qu'elle ressent pour sa sœur aînée.  La narratrice ne supporte pas cette sœur qui la méprise et l'ignore. Dans cette famille si peu aimante, elle se refugie dans l'amitié passionnelle avec les camarades de sa classe, passant de l'une à l'autre, de Laurence à Nathalie, de trahison en trahison pour finir par Ximena, une jeune fille originale, au caractère bien trempé. Elle va vivre toute son adolescence avec cette amie autoritaire et exigeante, qui, elle, s'est débarrassée de Dieu. Puis, la narratrice raconte ses relations avec les garçons, un chemin de croix pour elle, mais elle ne parle plus de religion après l'âge de 13 ans. L'éducation catholique se transforme en éducation amoureuse et sa recherche de l'amour fusionnel sera semée d'embûches. Ce dernier roman autofictionnel se lit avec plaisir et j'ai retrouvé le talent plein d'humour ironique, servi par un style très vif, rapide, sans fioritures et efficace de Catherine Cusset. La narratrice finira par trouver son âme sœur après bien des déboires comme on dit sentimentaux...  A travers ce texte autobiographique, elle a écrit une "éducation sentimentale", vécue du côté féminin...

mercredi 10 septembre 2014

Visite en librairie

Pour humer la traditionnelle rentrée littéraire, il ne suffit pas de regarder les sites internet d'Amazon, de la FNAC, de Decître, et de bien d'autres libraires, des grandes enseignes comme des librairies traditionnelles qui proposent aux lecteurs(trices) de très bons conseils de lecture. Je vais de temps en temps flâner dans les sites de Mollat  à Bordeaux, de la librairie Compagnie à Paris, de la Rue en Pente à Bayonne, etc. Mais, évidemment, rien ne vaut une bonne discussion avec une libraire (souvent des femmes) et cet après-midi, j'ai fait un petit tour dans ma librairie préférée pour feuilleter les nouveautés, lire les résumés, parcourir un extrait, faire le point sur mes futures lectures. J'en ai profité pour acquérir deux ouvrages de Pierre Michon. La librairie Garin avec une quarantaine de confrères propose "un petit guide de référence à l'usage du lecteur curieux" au titre suggestif : "S'il n'en restait que 100". Le guide est divisé en quatre parties : romans français, premiers romans, romans étrangers et essais. Un cadeau utile pour choisir intelligemment quelques titres pour l'automne. Laurence, la responsable de la librairie, m'a conseillé quelques écrivains, en particulier, Emmanuel Carrère, Patrick Deville, Aurélien Bellanger, François Roux, David Foenkinos, et surtout Eric Reinhardt. D'après son expérience de libraire, la rentrée littéraire 2014 est très prometteuse, voire exceptionnelle. Pour affiner mon choix, j'ai acheté le Matricule des Anges, le mensuel de la littérature contemporaine qui met en avant les petits éditeurs courageux, les écrivains peu connus mais très intéressants, des poètes, des essayistes. Le numéro de septembre évoque la rentrée littéraire sans mentionner les auteurs habituels. Le Magazine littéraire de septembre met à l'honneur Françoise Sagan, (que reste-t-il de Sagan ?), propose un grand entretien avec Murakami et de nombreux articles sur les nouveautés. Je crois que je vais dévorer après mon intermède toscan, de très bons romans...

mardi 9 septembre 2014

Pierre Michon, suite

Après avoir lu ce chef-d'œuvre (j'ose qualifier ainsi "Les vies minuscules"), j'avais envie de comprendre et de connaître ce maître des mots, du style et de la langue française. J'ai donc trouvé à la médiathèque de Chambéry,  le livre en question : "Le roi vient quand il vient", publié chez Albin Michel en 2007 et malheureusement épuisé en librairie. Heureusement que les bibliothèques conservent des documents, introuvables dans le commerce ! Le sous-titre, "Propos sur la littérature" évoque le projet de Pierre Michon : offrir à son lectorat tous les entretiens qu'il a donnés depuis 1984. Il prévient aussi qu'il a peu touché les articles écrits mais qu'il a retravaillé les interviews enregistrés. Cette somme de trente textes, éparpillés dans des revues littéraires, se révèle passionnante à découvrir et cette initiative de l'éditeur devrait servir de modèle pour d'autres écrivains. Je pense en particulier à Pascal Quignard dont les entretiens ne sont jamais futiles et superficiels... J'ai compris l'univers de Pierre Michon à travers ses influences littéraires : Melville, Flaubert, Beckett, Rimbaud, Giono, Hugo, Borges, Villon, etc. Il évoque ces écrivains majeurs avec amour et gratitude. Il rend un hommage constant à la littérature et je cite une de ses phrases : "La littérature est une forme déchue de la prière, la prière d'un monde sans Dieu." Plus loin, il décrit sa démarche créative : "Ceux qui ont vainement demandé au monde leur dû, c'est-à-dire tous ceux qui ont existé, les anciens vivants, aspirent à un corps de mots, plus solide, plus chantant, un peu mieux rétribué, un peu moins mortel que l'autre. Ils nous font signe de les rappeler." Le personnage de Joseph Roulin, le facteur de Van Gogh, illustre le devoir d'écriture de Pierre Michon. Le dernier texte concerne un écrivain "mythique",  le solitaire d'Angers, Julien Gracq et sa prose majestueuse (parfois précieuse). Ce livre de 393 pages est un bonheur de lecture pour ceux et celles qui aiment la littérature... Et j'ai commencé à acquérir tous les titres de Pierre Michon pour les lire avec une attention décuplée et les intégrer dans mon Panthéon littéraire personnel...

lundi 8 septembre 2014

Une rencontre

Il peut arriver dans une vie de lectrice d'ignorer un écrivain. On connaît sa réputation, sa célébration, son influence auprès de ses confrères et de la presse littéraire. Mais, la négligence, les préférences et la méconnaissance l'emportent sur le désir de la découverte. Un jour, j'ai trouvé un folio de cet auteur dans la librairie d'Emmaüs. Je l'ai intégré dans un choix de livres pour mon atelier. Quand il a été question de cet ouvrage, la lectrice avait éprouvé une admiration pour ce petit folio et je me suis dit qu'il fallait que j'entreprenne sa lecture cet été. J'avais aussi rencontré Pierre Dumayet (un passeur merveilleux de littérature) à Bron dans le cadre d'une fête du livre et quand je me suis entretenue avec lui, je lui ai posé la question fatidique : quel sont vos écrivains préférés ? Je me souviens d'un  nom en particulier, celui de... Pierre Michon. Je n'avais pas été étonnée mais après cet aveu si important, j'ai continué à ignorer ce conseil si précieux. Je crois qu'il faut parfois attendre de longues années pour enfin ouvrir un livre d'un écrivain un peu secret, un peu complexe, dont l'univers ne nous attire pas d'emblée. Quand j'ai commencé "Les vies minuscules" publié en 1984, j'ai retenu mon souffle et j'ai plongé dans la prose poétique de Pierre Michon, dans son monde tellement particulier, un monde ancien, paysan, humble, de petites gens, mais qu'ils racontent à la façon d'un Homère de la Creuse. Le recueil cité rassemble huit histoires : vie d'André Dufourneau, vie d'Antoine Peluchet, vies d'Eugène et de Clara, etc. Ces histoires sont racontées par un narrateur, témoin de ces vies perdues, oubliées.  Je n'ai pas l'intention de résumer ces récits qui ressemblent à des nouvelles mais je vous cite une phrase de Pierre Michon : "Le désert que j'étais, j'eusse voulu le peupler de mots, tisser un voile d'écriture pour dérober les orbites creuses de ma face ; je n'y parvenais pas ; et le vide têtu de la page contaminait le monde dont il escamotait toute chose (....)". Un style unique,  un monde perdu décrit comme une civilisation disparue, un écrivain rare et magnifique. J'ai emprunté un ouvrage sur lui à la médiathèque pour mieux appréhender cette œuvre. J'en parlerai demain...

vendredi 5 septembre 2014

"Dans les yeux des autres"

J'ai lu en deux jours "Dans les yeux des autres" de Geneviève Brisac, édité aux Editions de l'Olivier. J'aime le style direct, vivant de cette romancière, nouvelliste et essayiste. Elle a consacré de nombreux essais sur Virginia Woolf, Flannery O'connor, Karen Blixen et Alice Munro. Elle écrit aussi pour le cinéma et le théâtre. Son dernier opus de cette rentrée littéraire me semble très réussi : une histoire entre deux sœurs, leurs compagnons et l'épopée d'une frange de militants d'extrême-gauche, tendance troskyste. Anna est une femme idéaliste, a dédié sa vie à l'écriture. Sa sœur, Molly, pratique un métier utile, concret et bien réel : elle pratique la médecine dans un centre social. Elles vivent ensemble dans une maison de la banlieue parisienne.  Anna traverse une crise d'inspiration : elle ne publie plus de livres et se sent abandonnée. Elle décide de relire ses carnets de jeunesse et leur passé de militantes resurgit avec la présence de Marek, son amant attitré et Boris, celui de sa sœur. Il ne faut pas oublier la présence de Mélini, la mère égocentrique et loufoque. Le portrait à charge de Mélini donne des pages succulentes sur la relation mère-fille. Les aventures rocambolesques de ces militants enragés rappellent les années 70 en France quand des groupuscules voulaient faire la Révolution et chambouler l'ordre républicain. Les amours entre eux fluctuent, les relations entre les deux sœurs se fragilisent. Geneviève Brisac offre aux lecteurs(trices) un très bon roman sur une génération avec ses illusions utopiques, ses engagements extrêmes, sa descente aux enfers (Marek meurt en prison), et le retour à une vie "normale" : une vie d'écrivain pour Anna et une vie de médecin pour Molly. Je pense à un livre de Simone Signoret "La nostalgie n'est plus ce qu'elle était"... Ce roman décrit l'erreur d'une génération dans une utopie politique irréalisable. Les hommes sont souvent défaits par l'échec alors que les deux sœurs se construisent malgré tout un avenir. Mon premier coup de cœur de la rentrée.

jeudi 4 septembre 2014

La rentrée littéraire

Quand les nouveautés de la rentrée littéraire apparaissent sur les catalogues de la médiathèque, je m'amuse à pointer certains titres pour remarquer le nombre de réservations déjà enregistrées. On retrouve ainsi le goût du public pour certains écrivains, en particulier, Amélie Nothomb (il vaut mieux l'acheter en librairie, si on l'aime bien). Je me souviens des romans policiers nordiques (Camila Lachberg) dont le nombre de réservations atteignait la bonne dizaine. Si chaque lecteur garde l'ouvrage un mois au minimum (délai officiel), il faut donc attendre presque une année entière pour le lire. J'ai fait, comme beaucoup de lecteurs, quelques réservations pour les emprunter vers le mois de novembre. J'ai déjà obtenu le Geneviève Brisac et le Catherine Cusset : pas mal comme cadeaux de la rentrée... Les bibliothécaires sont donc dans leur période de choix et avec un budget restreint, certains écrivains ne franchiront pas les fourches caudines de nos professionnelles du livre qui veulent faire "plaisir" à leur lectorat et prennent rarement des chemins de traverse pour proposer un choix plus audacieux, plus original. Je suppose qu'elles ne vont pas acquérir (je l'espère) la dernière "bombe littéraire" de la journée, tellement ce récit autobiographique vengeur et revanchard me semble pathétique. Livrer son ex-compagnon, aussi goujat soit-il, aussi menteur, soit-il, ne se fait pas (elle aurait pu attendre 2018) et ne mérite pas un tel traitement médiatique proche de l'hystérie. Pauvre Président et pauvre République... Et quand j'entends la presse et la télé mêler VT, l'ex-dame, à la rentrée littéraire, je préfère en sourire... Cette journaliste d'un hebdo populaire dans le mauvais sens du terme, a voulu dire sa vérité mais la vérité n'est pas toujours bonne à dire... Et je ne le lirai pas car je n'ai pas envie de pénétrer dans les querelles d'un couple séparé. Décidément, la vie politique en France commence à se berlusconiser à outrance. Ne dépensez pas 20 euros pour rien, consacrez-les aux premiers romans pour encourager les jeunes pousses de la littérature, consacrez-les aux écrivains que vous aimez et laissons tomber les coups de pub pour des faux livres...

mercredi 3 septembre 2014

J.-B. Pontalis, suite 2

Mon deuxième "Pontalis" se nomme "Fenêtres", publié en 2000 et disponible en Folio. Le métier de cet écrivain, (psychanalyste), a eu une influence déterminante sur ses écrits car le lecteur(trice) éprouve une curiosité stimulante en lisant ce type de textes, mélange de littérature teintée de psychanalyse ou de psychanalyse, teintée de littérature. L'art de cet écrivain libère les appréhensions légitimes concernant une science "médicale" souvent obscure et à la seule portée des spécialistes ou des lecteurs très avertis. Quand j'ai découvert la psychanalyse en classe de philo (en 1970...), j'ai pensé que cette approche du comportement humain répondait à des questions fondamentales comme celle de tout questionnement philosophique : "Qui suis-je ?". Freud apporte sa réponse : chaque individu possède un ça, (l'inconscient), un moi, (la construction personnelle) et un surmoi (la construction sociale). J'ose simplifier cette notion de base qui constitue malgré tout une sacrée révolution intellectuelle. Pontalis parle souvent de Freud, et de biens d'autres psychanalystes en toute complicité avec ses lecteurs(trices).  Ses ouvrages se lisent donc avec évidence et son talent de conteur fait tomber toutes les barrières. Ce livre ressemble à un "petit lexique à usage personnel (...), ce n'était pas seulement des mots qui me venaient à l'esprit, mais des images, des traces que des rencontres avec des patients, des amis, des lectures avaient laissé en moi." En feuilletant le sommaire, les thèmes du livre sont toujours imprégnés de nostalgie car ils abordent les âges différents de la vie, l'usure du temps, la mémoire, l'enfance, le "vieillir", l'amour, etc. Quand Pontalis évoque les manières de lire, il écrit : "L'expérience de lecture préfigure celle de l'analyse. Toutes deux sont transport, transfert, hors de soi. Toutes deux sont épreuve de l'étranger. D'un étranger qui serait au plus près de l'origine."  Ces "Fenêtres" méritent d'être ouvertes... pour se changer d'air !

mardi 2 septembre 2014

J.-B. Pontalis, suite

J'aime beaucoup parcourir l'œuvre entière d'un écrivain et j'organise une rencontre mensuelle avec J.-B. Pontalis. J'ai donc lu cet été deux ouvrages de cet écrivain-psychanalyste : "L'amour des commencements" et "Fenêtres", parus dans la collection Folio. Et j'ai encore une bonne dizaine de titres à découvrir, promesses de plaisir garanti. Le premier cité, publié en 1986, n'a pas pris une ride et dans un post-scriptum, l'écrivain explicite sa démarche assez complexe d'écriture autobiographique, basée sur son expérience d'analyste. Il est très difficile, quasi impossible de résumer les chapitres intitulés de cette façon : "l'amour du lycée", "les creux", "l'effacement", "le grand Autre", "les voix non familières", etc. Pontalis égrène des souvenirs du lycée, des séjours en Normandie, des rencontres amicales, des réflexions teintées de psychanalyse d'une clarté évidente et toutes ces anecdotes composent un ouvrage d'une lecture facile et immédiate. Pour savourer du "Pontalis", il faut se laisser porter dans son rythme de phrases, dans son style inimitable, classique et contemporaine. Sur l'acte d'écrire, il donne quelques définitions plus que subtiles et j'ai envie de les citer : "écrire, c'est aussi rêver, c'est aussi être en deuil, se rêver, être animé d'un désir fou de possession des choses par le langage et faire à chaque page, parfois à chaque mot, l'épreuve que ce n'est jamais ça ! D'où la fébrilité et la mélancolie qui accompagnent toujours, en alternance, l'acte d'écrire. (...) Ecrire, (...) c'est vouloir donner forme à l'informe, quelque assise au changeant, une vie - mais combien fragile, on le sait- à l'inanimé. Tant qu'il y aura des livres, personne, jamais, n'aura le dernier mot". J'évoquerai "Fenêtres" dans un billet suivant.

lundi 1 septembre 2014

Rubrique Musées

J'avais évoqué la naissance de nouvelles rubriques dans mon blog pour la rentrée, en particulier une rubrique sur les musées. J'ai déjà parlé du musée des Beaux Arts de Chambéry à l'occasion de l'exposition sur le photographe Patrick Faigenbaum. Mais pour explorer ces lieux où nichent les plus beaux objets du monde (peintures, sculptures), il faut acquérir un guide et j'ai trouvé cet outil dans une banale maison de la presse : il s'agit du "guide officiel des Musées" des régions Rhône-Alpes et Auvergne à un prix très abordable, 4,90 euros. Dans les douze départements de cette grande entité géographique (notre future région en 2015), les musées sont répertoriés avec un résumé explicatif, les horaires d'ouverture, les sites Internet, les tarifs. Ils sont très nombreux, tous ces musées, et du plus important au plus modeste,  cet ouvrage donne envie de les découvrir. J'ai envie d'en citer quelques uns sans signaler leur localisation et certains ont une vocation souvent "ethnographique" pour une meilleure connaissance de la mémoire régionale : le Musée du Cheminot, Musée de la Châtaigneraie, Musée de l'Olivier de Nyons, Musée de la Pogne, Maison du Pays de la Noix, Musée des Tissus, etc. Il faut noter la présence très régulière dans chaque département des musées sur l'Histoire (archéologie et Résistance), sur les techniques (l'aviation, les trains, l'électricité, l'industrie minière, etc), sur les particularités locales (spécialités culinaires entre autres) et enfin, les musées d'art souvent localisés dans les métropoles régionales (Lyon, Saint-Etienne, Valence, Chambéry, Grenoble, Valence). Pour les amateurs de littérature, j'ai trouvé un musée James Joyce dans l'Allier, Alphonse Daudet dans l'Ardèche, Madame de Sévigné au Musée-Château de Grignan, Stendhal à Grenoble, Jean Giono à Lalley, Jean-Jacques Rousseau à Chambéry. Je recommande ce tout petit guide à tous les amateurs de musées car il y en a vraiment pour tous les goûts. Une mine d'informations utiles, parfois succinctes mais il suffit de surfer ensuite sur Internet pour ouvrir les portes virtuelles de la mémoire humaine dans tous les domaines...