mercredi 2 mars 2016

Umberto Eco

Quand j'ai appris la disparition d'Umberto Eco, j'étais attristée. Cet éminent professeur italien et universellement connu pour son œuvre diversifiée, a marqué la vie de tous les amoureux du livre. Umberto Eco ou l'homme-livre, l'esprit-livre, cet immense intellectuel européen est né en 1932 à Milan. Sémiologue, essayiste, philosophe, son éclectisme le rapproche des encyclopédistes du XVIIIe siècle. J'ai eu le privilège de le rencontrer à Grenoble dans les années 90 lors d'une conférence à l'université de Grenoble. Je me souviens encore de sa leçon inaugurale sur le thème de la littérature, le seul domaine, disait-il,  où l'amour, les sentiments, la folie, la tristesse, l'angoisse sont décrits en profondeur sans la sécheresse des sciences humaines. Je l'ai toujours suivi dans sa défense du livre, de l'objet livre qui survivra aux nouvelles technologies : lire et toucher un livre appartiennent au monde matériel, biologique. Son poids, son papier, son odeur et le petit bruit des pages tournées ne seront jamais remplacés par un écran virtuel. Dans son ouvrage "Lector in fabula", il analyse le rôle du lecteur, qui selon sa thèse, devient un co-créateur. Le lecteur interprète, saisit l'histoire à sa manière et multiplie les sens du texte. Le roman, "Le Nom de la rose", a été vendu à des millions d'exemplaires alors qu'il semblait hermétique, voire aride. Mais, ce thriller médiéval adapté au cinéma a rencontré un succès phénoménal grâce à l'audace du philosophe médiéviste qui décryptait l'atmosphère troublante d'un monastère, milieu où s'affrontaient les conflits latents entre le pouvoir de la papauté et celui de la royauté. Umberto Eco représente à mes yeux un intellectuel généreux, un professeur fou de livres et de connaissances, un apôtre de la "bonne vie" intelligente et cultivée. Il possédait une bibliothèque de 30 000 volumes et si Dieu existe, il recevra Umberto Eco avec un bonheur intense en sachant que dorénavant, il peut lui confier la gestion de la Grande Bibliothèque Céleste aux côtés de Roland Barthes et de Borges, ses collègues, hommes-livres par excellence...