vendredi 24 novembre 2017

Rubrique cinéma

En ce moment à l'Astrée, se tient la Quinzaine du cinéma italien. "Un paese quasi perfetto" du réalisateur Massimo Gaudioso se focalise sur l'affrontement ville-campagne, citadins contre paysans, centre-périphérie, monde urbain-monde rural. Le village, Pietramezzana, perdu dans le Basilicate, se meurt : aucune industrie, aucun commerce et dans ce désert, une petite centaine d'irréductibles indiens d'Italie. Pourtant, ce village possédait une mine importante qui s'est fermée dans l'indifférence générale, mettant les mineurs au chômage. Le maire espère pourtant un changement économique : un homme d'affaires du Nord de l'Italie lui promet l'installation d'une usine avec des subventions européennes. Mais, l'obtention de cette somme dépend de deux conditions : la présence d'un médecin et deux cents habitants dans le village. Comment trouver un médecin qui choisirait ce bout du monde abandonné de tous ? Alors qu'ils ne sont qu'une centaine de villageois, comment atteindre le but exigé ? La comédie va démarrer avec l'arrivée d'un médecin esthéticien, obligé de se rendre à Pietramezzana car l'ancien maire du village, devenu policier en ville, l'a surpris avec de la drogue. Il lui propose un échange : le silence s'il part au village. Voilà notre médecin, très snob par ailleurs, au milieu de tous ces drôles de villageois cocasses, burlesques et profondément humains. Ils organisent un espionnage téléphonique pour connaître les goûts mondains de notre personnage urbain. La comédie joue sur ce registre : apprentissage du cricket par les hommes pour faire croire à ce bellâtre qu'ils sont aussi modernes qu'en ville, trouver des sushis énigmatiques à leurs yeux dans l'unique auberge, etc. Les scènes se suivent à un rythme endiablé et sans aucune vulgarité. Quand l'industriel vient s'assurer que les deux conditions sont remplies, un incident remet tout en question. Le médecin finit par s'attacher à ces habitants pétris de chaleur humaine, combattifs malgré le désastre économique, dignes et fiers de leur village abandonné. Cela faisait longtemps que je n'avais pas souri et même ri au cinéma. Je n'aime pas particulièrement les comédies mais une comédie italienne possède un charme irrésistible. Dans cette comédie légère et délicieuse, j'ai vu une dénonciation de l'abandon de nos campagnes, une revendication de la dignité par le travail, et un éloge de la vie simple et bonne... A voir, pour retrouver le goût de l'Italie.

mercredi 22 novembre 2017

"Point cardinal"

Leonor de Recondo vient d'écrire "Point cardinal", publié aux éditions Sabine Wespieser. Comme elle en a l'habitude, cette écrivaine compose ses textes en se saisissant d'un sujet "sensible", l'identité sexuelle, qui peut heurter les lecteurs un peu trop traditionnels. Dans son précédent roman très réussi, "Amours", elle évoquait l'amour au féminin sans fioritures, sans ménager la pudeur des uns et le conformisme des autres. Elle propose dans "Point cardinal", le thème difficile du changement de sexe, le transsexualisme. Laurent, son personnage principal, s'habille en femme dans sa voiture car il fréquente un lieu où des travestis se retrouvent en cachette. Quand il retrouve sa femme Solange et ses deux adolescents, il redevient le mari fidèle et le père modèle. Il a rencontré sa femme au lycée et ont donné naissance à deux enfants : une famille normale, une famille unie, une famille heureuse. Mais, Laurent se découvre une âme féminine. Il se souvient de son enfance où il aimait les vêtements de sa mère, ses parfums et ce goût de la féminité. Il se sent mieux dans son corps en femme. Un jour, sa famille le laisse seul dans la maison et il ose investir cet espace en femme. Cette révélation lui confirme qu'il doit changer son corps. Il est aidé par une transsexuelle qui lui donne toutes les informations pour entreprendre sa transformation sexuelle. Quand sa femme découvre une perruque blonde dans leur chambre, la vérité enfin éclate et Laurent confie son secret : devenir femme. Un séisme psychologique ébranle la famille toute entière : incompréhension de sa femme, interrogation de sa fille et rejet total de son fils. Comment vivre et survivre dans ce maelström de sentiments, face à ce changement ? Laurent ne renonce pas. Bien au contraire, il commence un traitement médical et subira une opération à Bruxelles. Peu à peu, sa femme et sa fille finissent par comprendre cette décision mais, son fils quitte le foyer et coupe les liens avec ce "père-mère", rebaptisé Lauren... Ce sujet délicat est traité avec une délicatesse sobre, intimiste et le style limpide, clair et vivant accentue l'effet de dédramatisation. Laurent est enfin devenu ce qu'il était suivant la devise de Nietzsche : "deviens ce que tu es". Le courage d'être soi, voilà le sujet de ce roman contemporain d'une force tranquille... 

lundi 20 novembre 2017

"Nos vies"

Ce roman, "Nos vies", de Marie-Hélène Lafon, paru en septembre chez Buchet-Chastel,  parle de la ville et de ses solitudes. La première image forte du livre s'attarde sur Gordana, la caissière du Franprix : "Cuirassée parce que la ville est difficile. Gordana n'a pas trente ans. Son corps sue l'adversité et la fatigue ancienne. Le monde lui résiste". La narratrice, Jeanne,  observe avec une acuité profonde la vie de cette jeune femme, qui, à ses yeux, cache une énigme comme tous les personnages qu'elle va rencontrer. Cette énigme de l'autre, des autres, elle la compense, elle la remplace avec son imagination. Elle imagine ces vies fragiles en forme de conte urbain. Qui est Gordana ? Elle a laissé son enfant dans sa famille lointaine, faute de l'emmener avec elle dans cette vie d'immigrée d'un Est inconnu. Un client du magasin entre en scène : la quarantaine, divorcé, solitaire, d'origine portugaise ou espagnole. Il s'appelle Horacio Fortunato.  La narratrice intervient en filigrane pour se raconter entre les lignes et surtout, développe son projet littéraire : "A Paris, dans le métro, pendant quarante ans, j'ai happé des visages, des silhouettes de femmes ou d'hommes que je ne reverrais pas et j'ai brodé, j'ai caracolé en dedans, à fond (...), je me suis enfoncée dans le labyrinthe des vies flairées, humées, nouées, esquissées, comme d'autres eussent crayonné, penchés sur un carnet à spirales". Le personnage central,  l'observatrice, dispose de temps libre par sa retraite récente et sa solitude personnelle se peuple de ces personnages inventés, bousculés par la vie. Elle a été abandonnée par son compagnon, après vingt ans de vie commune. Entre la caissière et l'homme brun, une histoire d'amour va peut-être naître. Tout est permis dans l'imaginaire de l'écrivain. La narratrice dévoile sa propre vie : ses parents épiciers, son milieu modeste, le rejet de son compagnon étranger, ses frères avec leurs familles. Dans ce roman des vies, de la vie urbaine, Marie-Hélène Lafon raconte la solitude avec son style unique, influencé par Pierre Michon et ses "Vies minuscules". Ces destins individuels, broyés par le travail pénible comme Gordana, par l'échec amoureux comme Horatio, sont sauvés par la voix intense de l'écrivaine, par la littérature... Un roman de la rentrée littéraire d'une qualité exceptionnelle et qui n'a pas obtenu de prix... Surprenant, quand même.

vendredi 17 novembre 2017

Hommage à Roger Grenier

Peu connu du "grand public", Roger Grenier s'est éteint le 8 novembre à l'âge de 98 ans. Cet homme discret occupait pourtant un des postes les plus prestigieux de notre pays littéraire : conseiller chez Gallimard pendant une cinquantaine d'années. Ecrivain, homme de radio, journaliste dans sa jeunesse, Roger Grenier a passé son adolescence à Pau. Après une licence de lettres, il s'installe à Paris et entre dans la Résistance pendant la Guerre. Albert Camus l'engage comme rédacteur dans le journal, "Combat". Plus tard, il travaille dans l'audiovisuel où il rencontrera beaucoup d'écrivains et d'intellectuels. En 1964, il rejoint le comité de lecture de Gallimard. Il poursuit sa carrière littéraire toute en douceur et avec une constance remarquable. Ses romans ne se lisent peut-être plus aujourd'hui, mais je conserve encore dans mes souvenirs de lectrice, les histoires émouvantes,  le style pur, d'une élégance bien française, sans fioritures, d'un classicisme intemporel. Il faut relire le "Palais d'hiver", "Ciné-roman", "Partita" et "Il te faudra quitter Florence". Ses biographies sur Tchekhov, "Regarder la neige qui tombe", sur Camus et sur Scott Fitzgerald font date et apportent à ce genre littéraire, ses lettres de noblesse. La mélancolie imprégnait ses écrits avec un sourire teinté de dérision. Il avait composé une ode à sa mère dans un délicieux récit, "Andrélie" et elle lui disait : "Tu es dans la force de l'âge, c'est le moment de te mettre en valeur, alors que je n'avais qu'une idée : ne pas me faire remarquer". Cette phrase résume la vie de Roger Grenier. Lire Roger Grenier quand j'ouvrais un de ses ouvrages ressemblait à un acte amical, comme si je retrouvais un "passeur" de mots, un messager des dieux de la littérature. Sa sobriété et sa modestie légendaires ne l'ont pas empêché de vivre dans un des lieux les plus fascinants : la maison Gallimard... Il a évoqué cette vie de grand lecteur dans les "Instantanées" en trois tomes et dans "Le palais des livres". Le journaliste du Monde conclut son article ainsi : "Roger Grenier ressemble à un petit bonhomme, échappé de Sempé et il n'a pas fini de hanter ce quartier dont il fut l'âme littéraire, la conscience et la grandeur. A jamais". Je voulais rendre un hommage à ce soldat fidèle du monde littéraire...

jeudi 16 novembre 2017

"Une odyssée, un père, un fils, une épopée"

En 2007, Daniel Mendelsohn avait reçu le Prix Médicis étranger pour son récit magnifique, "Les Disparus", une enquête d'une dimension universelle sur l'insupportable élimination des membres de sa famille lors de la Shoah. En tant qu'écrivain, il redonnait vie à tous ces Disparus, gravés dans les pages de l'ouvrage, tel une stèle du souvenir. Dans "Une Odyssée, un père, un fils, une épopée", l'écrivain américain renoue avec le thème de la famille en évoquant Homère. Professeur de littérature classique, latiniste, helléniste, il consacre un séminaire à l'Odyssée et parmi ses étudiants, il accepte la présence de son père, âgé de quatre-vingt et un ans. Leur périple démarre dans les cours à la faculté et se termine dans une croisière en Méditerranée sur les traces d'Ulysse. L'histoire se tisse sur deux niveaux : l'histoire d'Ulysse et de son fils Télémaque, celle du narrateur et de son père. Le récit unifie ces deux sujets entrelacés en posant la question essentielle : la relation père-fils. De l'Antiquité à nos jours, le mystère de la filiation demeure et l'écrivain traite ce thème d'une façon géniale. J'ose employer ce terme car ce récit autobiographique, doublé d'une analyse littéraire magistrale sur l'Odysssée, se lit avec un intérêt croissant au fil des pages. Ce père un peu grincheux d'après son fils (il déteste les embouteillages) donne du fil à retordre à son fils et surtout devant les étudiants, car il n'admire pas Ulysse, trop aidé selon lui par Athéna. Il prend souvent la parole pour contrer les avis de son professeur de fils, d'une patience infinie envers lui. Ce jeu psychologique père-fils ressemble à la relation d'Ulysse envers son père Laërte et de son fils, Télémaque. Après le séminaire, ils partent donc en croisière pour se retrouver enfin et vivre une relation apaisée. Une scène émouvante scelle leur entente quand le père prend la main de son fils, sujet à la claustrophobie en visitant une grotte. Ils ne verront pas Ithaque pour cause de grève dans le canal de Corinthe... Daniel Mendelsohn raconte la fin de vie de son père, mort après une chute dans un parking. Ce très beau récit, un des meilleurs de l'année 2017,  entremêle deux histoires passionnantes, celle d'Ulysse, le fils modèle et celle d'un écrivain américain, le fils moderne, pétri de culture classique. Le recours à Homère le rapproche enfin d'un père complexe et seule la littérature a des pouvoirs merveilleux comme les dieux de l'Olympe...    

mardi 14 novembre 2017

"Un certain M.Piekielny"

François-Henri Désérable participait jeudi dernier à la Grande Librairie et se retrouvait en très bonne compagnie littéraire : Patrick Modiano pour son dernier roman, "Souvenirs dormants" et de sa pièce de théâtre, "Nos débuts dans la vie", Pierre Michon à l'occasion du cahier de l'Herne qui lui consacre un numéro et Marie-Hélène Lafon, héritière de l'école Michon-Bergounioux. Ce jeune écrivain, né en 1987, a présenté son "Un certain M. Piekielny", un roman un peu loufoque sur un personnage imaginé par Romain Gary dans la "Promesse de l'aube". Ce voisin du petit Romain vivait dans le même immeuble à Vilnius et connaissait donc la mère de l'écrivain. Romain Gary évoquait cet homme modeste et timide qui lui avait suggéré : "Quand tu rencontreras de grands personnages, des hommes importants, promets moi de leur dire : au 16 de la rue Grande-Pohulanka; à Wilno, habitait M. Piekielny...". L'écrivain n'a jamais oublié cette promesse et a, paraît-il, cité le nom de son voisin lors de ses rencontres fabuleuses avec le Général de Gaule et d'autres Grands de ce monde. Ce roman raconte la vie agitée de Romain Gary, sa carrière diplomatique, ses amours, ses romans en mêlant aussi la démarche du narrateur, amoureux de la littérature. Il invente la vie de ce personnage fictif : ce M.Pielkielny a-t-il été déporté dans un camp ? A-t-il fui les Russes ? Est-il mort de maladie ? Toutes les hypothèses se heurtent au mystère de son existence comme une ombre insaisissable. Ce roman ressemble à un journal d'enquête sur son mentor littéraire, Romain Gary, légende à lui tout seul, maquillant ses vérités en mensonges vraisemblables. Dans un article du Monde, le journaliste souligne le charme évident du livre avec ce personnage fantomatique qui le relie à l'œuvre de Gary. L'auteur rend un hommage fervent  à la fiction et à son "désir de littérature". Les dernières lignes éclairent le projet de F.-H. Désérable : "Gary écrit le nom de Piekielny sur la page. Le fait-il naître ? Renaître ? Jaillir du tréfonds de sa mémoire ? (...) Je ne sais pas. Il est tout puissant. Il écrit. Il ne pense qu'à cela. Ecrire. Tenir le monde en vingt-six lettres et le faire ployer sous sa loi." Un très bon roman de cette rentrée littéraire qui aurait mérité un prix... 

lundi 13 novembre 2017

Atelier Lectures, 4 : Milan Kundera

Pour résumer en quelques lignes certains aspects de l'univers de Milan Kundera, il vaut mieux lire les critiques littéraires et universitaires qui ont analysé, décrypté, décortiqué les œuvres de l'écrivain. A mon échelle plus que modeste, la "fiction pensive" de Milan Kundera n'est pas toujours facile à présenter. Je préfère donc m'appuyer sur quelques citations, soulignées dans mes lectures. L'auteur, immense lecteur lui-même,  a  théorisé dans "L'art du roman",  la puissance de la fiction, une invention libératrice, symbole du monde européen. "Le roman n'est pas une confession de l'auteur, mais une exploration de ce qui est la vie humaine dans le piège qu'est devenu le monde", écrit-il dans "L'insoutenable légèreté de l'être". En marge de ses idées plus générales, il dénonce par exemple, le bruit, cette "laideur acoustique", "un processus planétaire" quand la musique de divertissement règne partout dans les restaurants comme dans les magasins sans parler du bruissement continue de nos véhicules à deux roues, à quatre roues et compagnie. Un concept m'a beaucoup éclairée sur les illusions de la politique : la notion de kitsch. L'écrivain a montré, voire démontré dans ses premiers ouvrages des années 70, les dégâts du totalitarisme sur l'individu, en relatant avec un humour corrosif, ses propres errements dans la pensée communiste. "Le kitsch, par essence, est la négation absolue de la merde ; au sens littéral comme au sens figuré. Le kitsch exclut de son champ de vision tout ce que l'existence humaine a d'essentiellement inacceptable." Ce phénomène social et politique concerne toutes les idéologies mortifères qui génèrent l'intolérance et le fanatisme. Et ce kitsch, on peut aussi le trouver dans les sectaires de tous genres qui ne voient que leur propre vérité ou dans l'amour romantique faussé qu'il baptise "idylle"... L'écrivain se méfie des enthousiastes, des lyriques, des excessifs, des béats. Dans l'œuvre kunderienne, prévalent la lucidité, l'esprit critique, le sens de la liberté, l'humour grinçant, l'ironie distante, voire un pessimisme jouissif. J'avoue que, avec les années cumulées, j'apprécie davantage ses digressions philosophiques alors que je m'attachais davantage aux personnages et à leurs aventures avortées dans le maelstrom de l'Histoire. J'attends encore sa consécration quand il obtiendra le Prix Nobel de Littérature... Ces Suédois n'ont pas beaucoup d'imagination... Pour me consoler de cette injustice, j'ai "mon" Milan Kundera dans la collection de la Pléiade...

vendredi 10 novembre 2017

Atelier Lectures, 3 : Milan Kundera

Après les coups de cœur, nous avons eu peu de temps pour évoquer le grand écrivain, Milan Kundera. Comme je le fais habituellement, je ne vais pas rendre compte des lectures effectuées par mes amies de l'atelier. Certaines d'entre elles l'ont lu avec beaucoup d'intérêt, mais j'avoue que cet écrivain majeur peut aussi dérouter des lectrices qui ne connaissaient pas son œuvre. Je vais donc consacrer deux billets, l'un sur sa vie, l'autre sur ses romans lus dans l'atelier. Milan Kundera est né en Tchécoslovaquie (la Tchéquie aujourd'hui). Son père, musicologue et pianiste reconnu, lui a certainement transmis sa passion de la musique. De 1950 à 1970, le jeune Milan commence à écrire des poèmes et surtout, s'inscrit dans une école de cinéma. Ses péripéties politiques dans le parti communiste tchèque vont s'accélérer car il sera exclu, puis réintégré et finira par le quitter en dénonçant l'hégémonie de la Russie dans la culture de son pays. Son combat littéraire contre le totalitarisme communiste s'enracine dans sa jeunesse où il ne fallait pas émettre une seule critique contre le système. Il racontera dans "La Plaisanterie" ces mésaventures de jeune homme obligé d'aller dans un camp de vacances pour une rééducation politique conforme à la pensée marxiste. Après l'invasion soviétique en 1968, le pays rentre dans une période où les médias sont muselés et le stalinisme, imposé. Il faut se souvenir que la Tchécoslovaquie s'est libéré du communisme qu'en 1989... En 1975, il quitte définitivement Prague en s'installant à Rennes avec sa femme Vera. Il obtient un poste à l'université et rejoindra Paris plus tard. En 1981, François Mitterrand lui octroie la naturalisation française. Ses livres sont interdits en Tchécoslovaquie. Il publie en 1982 son roman célèbre : "L'insoutenable légèreté de l'être", paru chez Gallimard et adapté au cinéma en 1988. Sa renommée dépasse les frontières et il va recevoir de nombreux prix littéraires durant sa carrière dont le Prix Médicis étranger en 1973 pour "La vie est ailleurs". Son nom est plusieurs fois prononcé pour le Prix Nobel de Littérature. A partir de 1990, il compose ses romans en français, se sentant trahi par les traducteurs. "L'Immortalité", "La Lenteur" et "L'Identité se transforment en romans épurés avec peu de personnages, moins de pages et des réflexions critiques sur notre mode de vie. En 2011, ses fictions et ses essais sont réunis dans la collection prestigieuse de la Pléiade en deux tomes. Cette édition ne comporte aucune note, aucun appareil critique selon la volonté de l'écrivain qui refuse, aussi, d'apparaître dans les médias et de donner des interviews... Son œuvre suffit à nourrir amplement son lectorat. J'apprécie cette attitude de retrait même si elle semble hautaine. Milan Kundera a confié sa vie dans ses livres et surtout sa philosophie, imprégnée d'inquiétude existentielle, d'ironie mordante et de pessimisme historique...

jeudi 9 novembre 2017

Atelier Lectures, 2

Lors du premier atelier d'octobre, j'avais recommandé l'achat d'une nouveauté de la rentrée littéraire. Les coups de cœur ou de griffe concernent donc des romans écrits dans notre belle langue française... Je préconiserai en janvier un achat de romans étrangers... Sylvie et Véronique ont donc découvert "Nos vies" de Marie-Hélène Lafon, publié chez Buchet-Chastel. Véronique a apprécié ce livre alors que Sylvie l'a trouvé "déroutant, nostalgique et triste". Marie-Hélène Lafon, (que l'on a vue dans la Grande Librairie la semaine dernière) est professeur de lettres classiques et revendique le bel héritage de la langue, travaillée à la façon de Pierre Michon et de Pierre Bergounioux. Jeanne, la narratrice, observe les clients d'un magasin d'alimentation dont Gordana, une caissière. Ou le lecteur s'ennuie devant cet objet littéraire singulier, servi par un style sculpté, ou le lecteur adhère au langage et à la vision de l'écrivain... Marie et Annette ont beaucoup aimé le récit autobiographique de Pierre Souchon, "Encore vivant" qui raconte sa bipolarité. Son témoignage sur sa maladie ne manque "ni d'humour, ni de rage" quand il relate son expérience de l'hôpital psychiatrique, son histoire personnelle, ses origines paysannes et son mariage "bourgeois". Un livre coup de poing. Janine a choisi par fidélité le dernier opus de Le Clezio, "Alma". Elle a retrouvé le souffle poétique de l'écrivain qui revient sur ses racines familiales à l'île Maurice. Il est question d'un clochard céleste, de l'oiseau emblématique, le dodo, en voie de disparition, de l'esclavage, de la nature saccagée par le tourisme. Régine nous a présenté le roman de l'écrivain algérien, Kamel Daoud, "Zabor : ou les Psaumes", un monologue dense et parfois difficile à lire. Un adolescent possède le don de l'écriture qui recule la mort. Il est appelé auprès de son père mourant pour le sauver. Mais, va-t-il aider son père qui ne l'a jamais aimé ? Ce livre fort, ambitieux et exigeant rend hommage à la littérature, à la force inouïe de la fiction, source de la liberté. Marie-Christine a retrouvé sa passion de la montagne dans le livre de Paolo Gognetti, "Les huit montagnes", publié chez Stock. Mylène a choisi "Les Bourgeois" d'Alice Ferney. Cette vaste saga familiale concerne une famille, baptisée les Bourgeois, patronyme symbolique d'une classe sociale dominante dans une France du XXe siècle. Foisonnement de personnages, panorama historique, roman familial, destins réussis ou brisés, Alice Ferney a conquis Mylène et d'autres lecteurs(trices)... Elle a terminé la partie "coups de cœur" avec un roman de Nadine Gordimer, 'Bouge", une histoire bouleversante d'un fils, militant écologiste anti-nucléaire, est atteint d'un cancer. Cette maladie l'oblige à retourner chez ses parents parce qu'il ne peut plus vivre avec sa femme et son fils à cause des radiations qu'il subit. Cette expérience va changer sa vie. Les coups de cœur de novembre seront certainement partagés...

mercredi 8 novembre 2017

Atelier Lectures, 1

Nous nous sommes réunies ce mardi pour évoquer les coups de cœur du mois et Milan Kundera. Nous étions nombreuses (14 lectrices, un record) et j'ai recommandé un seul coup de cœur par personne. Comme nous disposons de deux heures, je regarde parfois ma montre pour que chacune prenne la parole et ne la monopolise pas. Tout se passe dans une ambiance conviviale et toutes mes lectrices se comportent à merveille pour une bonne écoute partagée. Geneviève a démarré avec un coup de griffe au sujet du livre de Christine Jordis, "Automnes". Parler de la vieillesse, de l'âge avancé ressemble, parfois, à un pari impossible et l'auteur n'a pas réussi à convaincre notre amie lectrice. Trop de références à Simone de Beauvoir et à son essai sur "La vieillesse", des propos décousus, des conseils trop sages, bref, une erreur peut-être dans les achats de la rentrée littéraire... Le livre tournera parmi nous et peut-être rencontrera-t-il un regard plus bienveillant. Janelou a lu le dernier roman de Brigitte Giraud, "Un loup pour l'homme". Elle a été déçue par l'histoire qui se passe pendant la Guerre d'Algérie où un soldat, qui ne veut pas combattre, choisit d'être infirmier. Janelou estimait que le personnage masculin sonnait "faux"... Dany et Annette ont enfin eu un grand coup de cœur pour "Le jour d'avant" de Sorj Chalandon. L'auteur rend un hommage émouvant à son père, ancien mineur et raconte la vie plus que difficile de ces héros du charbon dans le Nord, à Liévin. Dany a aussi présenté le récit de Delphine Minoui, "Les passeurs de livres de Daraya". En pleine guerre syrienne, des jeunes rebelles se retrouvent dans un lieu protégé : une bibliothèque clandestine. Ils découvrent les livres et apprennent la tolérance grâce à eux. Un essai plein d'espoir. Danièle a beaucoup apprécié le récit autobiographique de Philippe Pollet-Villard, "L'enfant-mouche". L'histoire se passe en 1944, dans un village de montagne. Marie-Angèle adopte une petite fille, Marie et fuyant la capitale, elles se heurteront à l'hostilité des villageois. Elles essaieront de survivre dans cette période noire de la France. L'auteur a raconté l'histoire de sa mère dans ce livre émouvant. La suite, demain.

mardi 7 novembre 2017

"Toutes les familles heureuses"

Hervé Le Tellier se déclare volontiers comme un "oulipien", amateur de contraintes littéraires à la façon de Georges Perec. Homme de radio, cet écrivain singulier possède une voix particulière. Il a donc publié cet automne "Toutes les familles heureuses", édité chez Lattès. Le titre ironique, tiré d'un livre de Toltoï, résume le projet de ce récit autobiographique. Malgré le sentiment de saturation que le lecteur(trice) peut éprouver pour ce sujet, la famille, ce texte renouvelle le genre en posant tout de suite la distance nécessaire pour ne pas sombrer dans la caricature "Familles, je vous hais" d'André Gide. Dès la première phrase, le décor psychologique est planté : "Il y aurait du scandale à ne pas avoir aimé ses parents. Du scandale à s'être posé la question de savoir s'il était ou non honteux de ne pas trouver en soi, malgré des efforts de jeunesse, un sentiment si commun, l'amour dit filial". L'auteur se considère comme un "monstre" en éprouvant une indifférence glaciale quand il apprend la mort de son beau-père, Serge. Il avait un an quand sa mère divorce et se marie avec cet homme insipide, incolore et vivant sous le joug de sa femme, autoritaire et névrosée. Il n'a jamais joué un rôle de père auprès du petit garçon. Hervé Le Tellier annonce dès le début du récit que sa mère est folle. Il décrit la généalogie familiale dans une France du XXe siècle en évoquant son grand-père charismatique, Raphaël, un homme d'influence de l'ancien temps, un patriarche traditionnel. Sa fille, Marcelline, ne se remettra jamais de l'abandon de son premier mari. Sa jalousie envers sa propre sœur devient maladive et elle bascule dans un comportement hystérique souvent agressif. Les relations mère-fils virent toujours aux rapports conflictuels. Sa mère en demande 'trop" et ne supporte pas la liberté de son fils quittant le nid familial dès sa majorité. Le père naturel ne vient jamais en aide et refait sa vie dans l'oubli de son propre fils. Hervé Le Tellier décrypte au scalpel ces adultes  égocentriques et irresponsables. Ce portrait de famille au vitriol pourrait déranger les lecteurs(trices) plus habitués au "bonheur" familial. Ce sujet abondamment traité dans la littérature (je pense aux romans de Lionel Duroy) me semble inépuisable et inépuisé. Hervé Le Tellier ne ressent pas d'amertume envers sa mère malade, la lâcheté de son beau-père et envers son enfance malheureuse. Il écrit à la fin de ce récit dense : "Un enfant n'a parfois que le choix de la fuite ; il devra à son évasion, au risque de la fragilité, d'aimer plus fort encore la vie". Un très beau récit autobiographique qui m'a fait penser à la phrase d'Henri Calet : "ne me secouez pas trop car je suis plein de larmes"...

lundi 6 novembre 2017

Madrid, 6

Le jour de mon départ, je disposais de la matinée avant de prendre un taxi pour l'aéroport. Comme l' appartement était situé près de la magnifique gare d'Atocha, j'ai repris le chemin du Prado pour visiter le jardin botanique. Une bonne surprise m'attendait car la circulation dense des voitures avait disparu. Le Paseo del Arte s'offrait aux passants dans une tranquillité insolite. Une ville sans voitures se transforme en village d'antan et se promener sur ce boulevard vaste, sans crainte de pollution et de bruit, devrait se banaliser dans beaucoup d'autres capitales. J'ai vécu la même expérience à Rome et c'était extraordinaire. Je n'ai pas toujours le temps de me balader dans les parcs quand je reste quelques jours dans une ville mais, à Madrid, la nature se manifeste par la présence de platanes très nombreux dans les rues. Dans le Jardin botanique, créé au XVIIIe, un pavillon accueille des expositions et les allées dessinent l'espace, délimité par des haies courtes. Parterres de fleurs, potagers, arbres centenaires, fontaines et statues forment un parc ombragé, véritable oasis de fraicheur et de quiétude. Ensuite, je me suis promenée tranquillement jusqu'à la place Cibeles, une des plus belles de la ville. La déesse Cybèle, symbole de la fertilité, est représentée dans un char tiré par deux lions. Ce lieu célèbre est très fréquenté par les fans du Real Madrid que je n'ai heureusement pas croisés... Musées, places, parcs, monuments, Madrid mérite vraiment une escapade de quelques jours. J'ai pris le métro, les bus, les taxis sans aucun problème. Dans les restaurants, dans les magasins, dans la rue, j'ai remarqué beaucoup de gentillesse, de courtoisie et de prévenance... Une civilité très agréable à vivre dans une ville bouillonnante et trépidante. Jorge Semprun dans un guide sur Madrid écrivait : "Avec la démocratie, les Madrilènes sont en train de réinventer l'art de vivre ensemble". Ce texte datait des années 80 quand l'Espagne respirait enfin la liberté après la mort du dictateur Franco. J'éprouve une grande admiration pour ce pays qui a su vaincre les démons de la discorde quand la Guerre civile déchirait les familles. J'ai quelques inquiétudes aujourd'hui avec la crise catalane. Mais, la sagesse prévaudra dans ce conflit séculaire... Je garderai longtemps dans ma mémoire les chefs d'œuvre des musées, les Madrilènes charmants, les larges avenues arborées, et l'ambiance sereine de la capitale jaune et rouge aux couleurs du drapeau espagnol.

vendredi 3 novembre 2017

Madrid, 5

Des images de l'Espagne me rendent parfois songeuse et m'agacent souvent. Le flamenco tapageur et rageur d'origine andalouse ne me touche pas du tout et ne symbolise pas ce pays. Ni les castagnettes, ni la guitare ne représentent à parts entières la culture espagnole sans oublier la tradition la plus contestée, la corrida. On peut aimer l'Espagne en se détournant de ces mythologies sociales contraignantes car la presse et les médias résument un pays avec des raccourcis caricaturaux. Je préfère les héros du patrimoine culturel comme Don Quichotte même si son exploitation commerciale fait sourire. Et la peinture espagnole présente un choix de génies à faire pâlir notre pays. De Goya à Picasso, de Zurbaran à Murillo, du Greco à Vélasquez, les peintres racontent l'histoire de l'Espagne. J'ai terminé mon séjour avec la visite du Prado, le Musée incontournable de Madrid. J'avais repéré sur un guide les salles que je ne devais absolument pas rater car dans cet espace labyrinthique, il est facile de s'égarer... Plus de 6000 œuvres m'attendaient mais j'ai préféré me concentrer sur certains peintres que j'aime tout particulièrement. Les Rois d'Espagne ont eu la bonne idée de constituer ces collections qui représentent l'histoire de la peinture européenne. Je me suis arrêtée devant les Fra Angelico, Raphaël (sublime), Bruegel, Patinir (son bleu profond me subjugue), Dürer, Cranach, Bellini, Goya, etc. Mais, la salle consacrée à Jérôme Bosch, par ailleurs très fréquentée, était le point d'orgue de ma visite. Ce peintre flamand du XVe siècle (El Bosco en espagnol) a influencé les surréalistes. Il a décrit les angoisses fondamentales du Moyen Age : les peurs de l'enfer, de la mort, des maladies. Bosch était un fervent catholique et fustigeait les "pêcheurs" impénitents... Dans "le Jardin des délices", les fantasmes, les allégories, les inventions délirantes de Bosch révèlent les profondeurs abyssales de la psyché humaine. Une seule visite dans cette salle où l'on trouve aussi "La Charrette de foin" et "L'adoration des mages", justifierait une escapade à Madrid. J'ai aussi observé les peintures les plus saisissantes de Goya dont celle de "Saturne dévorant ses enfants". J'ai passé la fin d'après-midi dans les jardins du Palais royal, m'amusant dans le labyrinthe végétal avec le sentiment de l'enfance retrouvée.  Le samedi, j'ai voulu revoir le musée de l'Académie royale des Beaux Arts San Fernando, très peu visité des touristes mais qui détient des magnifiques Zurbaran, un Arcimboldo, des Sorolla et des Goya... Et je suis retournée voir le Guernica à la Reina Sofia... Ma passion de l'art n'a pas de limites...

jeudi 2 novembre 2017

Madrid, 4

Pour découvrir Madrid, il suffit d'une petite semaine. Arrivée mardi, je suis repartie dimanche en passant cinq nuits dans un bel appartement ancien, situé dans la calle Atocha. Je prenais le temps de me balader dans la ville en programmant deux visites de musée par jour (parfois trois) pour mieux savourer mes découvertes. J'ai consacré ma journée de jeudi à trois autres musées, à la Bibliothèque nationale avec en fin d'après-midi, une grande balade dans le magnifique parc du Retiro. Le Lazaro Galdiano  abrite une collection particulière d'un éditeur et collectionneur d'art. Je voulais surtout admirer un Jérôme Bosch, son "Saint-Jérôme méditant", un petit tableau surprenant et bien plus sage que l'ensemble de son œuvre. Dans cet hôtel particulier, logent deux toiles de Goya dont "le Sabbat des sorcières", très réputé que j'ai eu le plaisir de revoir. J'ai redécouvert le génie noir de Goya dans ses peintures sur la folie humaine et sur la guerre. Comme j'avais lu une biographie de Michel del Castillo sur le peintre, je comprenais mieux la modernité des toiles goyesques. Dans le même quartier, se situe le musée le plus émouvant de Madrid : le Sorolla. Ce peintre espagnol (1863-1923), de tradition impressionniste, a vécu dans cette belle maison, entourée d'un petit jardin enchanteur avec des fontaines et des statues. Son atelier se visite avec une certaine ferveur de la part des amateurs de peinture lumineuse. Ses toiles accrochées sur tous les murs de l'atelier racontent sa belle vie d'artiste. Il peint la mer, les plages (dont celle de Biarritz), les femmes, les enfants dans une palette de couleurs allant d'un blanc cotonneux au bleu de la mer, au rouge des vêtements, au jaune des intérieurs... Ce peintre dit "luministe" me fait penser à un Bonnard, un Vuillard qui auraient peint en bord de mer... Dans cette maison-musée, tous les objets du peintre sont exposés : ses livres, ses pinceaux, son bureau, son salon, etc. On se balade dans cet espace intime avec le sentiment de se retrouver dans un atelier qui communique à chaque visiteur, une quiétude heureuse. Plus tard, je suis retournée à la Bibliothèque nationale qui présente quelques livres anciens dans un espace muséal. J'aime regarder de très prés des manuscrits enluminés, des incunables, des livres rares. Même à l'étranger, je n'oublie jamais ma passion des livres et de la littérature... J'ai ensuite pris un grand bol d'air au parc du Retiro, aménagé en 1869 où tous les madrilènes se promènent, font du jogging, de la barque, du vélo et se prélassent dans ce très bel espace, poumon vert de la capitale... En quittant le parc, j'ai longé les échoppes des bouquinistes ! Un régal des yeux de retrouver ces milliers de livres au cœur de Madrid...

mercredi 1 novembre 2017

Madrid, 3

Trois musées majeurs se partagent les génies de la peinture européenne : le Prado, le Thyssen-Bornemisza et le Reina Sofia. J'ai réservé ma journée de mercredi pour visiter en priorité le Guernica de Picasso qui m'avait tant impressionnée lors de ma première escapade à Madrid. Comme il pleuvait sur la ville, les musées offrent des refuges plus qu'appréciables. La météo maussade s'oublie vite dès que l'on pénètre dans ces lieux magnifiques. Le Reina Sofia est installé dans un ancien hôpital et couvent du XVIIIe, agrandi par Jean Nouvel et dès que l'on arrive près du musée, le bâtiment présente un mélange d'ancien et de moderne avec ses deux ascenseurs transparents, adossés sur la façade. Seul, l'art du XXe est à l'honneur avec des peintres européens : Picasso, Juan Gris, Braque, Miro, Dali, les Delaunay, etc. J'ai découvert des artistes espagnols dont un très beau tableau de Julio Romero de Torres, intitulé "Lecture" où une femme au regard mélancolique, allongée sur un canapé, tient un livre dans sa main. Une exposition sur la Guerre d'Espagne avec des écrans et des vitrines de livres complétait la collection permanente. Mais, le public se dirige directement vers le deuxième étage où se situe la salle exposant le "Guernica". Un certain silence règne dans l'espace et chacun se recueille devant cette toile immense mesurant huit mètres sur trois. Chacun connaît ce cri pictural contre la barbarie nazie. Des bombes ont décimé le village basque de Guernica et avaient provoqué des nombreuses victimes. Picasso peint la souffrance des corps, l'horreur de la guerre, la violence inouïe en choisissant le blanc et le noir avec des teintes de gris pour dessiner des corps torturés, éclatés. Une lumière apparaît au centre du tableau pour symboliser l'espoir. Je suis restée devant ce tableau pendant de longues minutes et j'ai eu la chance de me retrouver parfois seule avec une poignée de visiteurs, très respectueux et émus par ce chef d'œuvre absolu, peint en 1937. Après trois heures de visite, j'ai découvert un restaurant très coloré, "la Veronica" pour me ressourcer avant d'entamer ma marche vers le Thyssen. Ce musée présente huit cents tableaux acquis par l'Etat espagnol pour la somme modique de 400 millions d'euros en 1992 ! Cinquante salles sur trois étages montrent un panorama époustouflant de la peinture européenne : Hollande, Italie, France, etc. Tous les génies sont devant vos yeux : Carpaccio, Cranach, Le Caravage, Brueghel, Patinir (un peintre rarissime) pour ne citer que mes préférés... Une toile a retenu toute mon attention : une femme qui lit assise sur un lit exposant toute sa solitude (nom du tableau) de Edward Hopper. Encore la peinture et la littérature liées...