mardi 28 septembre 2010

70 ans de reliure à Chambéry

En retirant une réservation à la Bibliothèque de Chambéry, j'ai été attirée par des vitrines qui exposaient des livres anciens et bien que cette exposition était un peu cachée du public et très mal éclairée, j'ai admiré les reliures dont certaines dataient du XVIème siècle. Je connais la richesse extraordinaire du fonds ancien et patrimonial de la ville et tous ces trésors sont jalousement conservés dans un magasin blockhaus... Je comprends parfaitement le souci de conserver ces documents mais je me prends à rêver de les voir sur des étagères de la bibliothèque. Ces très vieux ouvrages ont défié le temps et se portent pour certains à merveille. Ils nous envoient un clin d'oeil du passé si lointain et pourtant si proche de nous. Toutes ces reliures en cuir ont pour moi un charme incommensurable... Je ne m'extasie pas devant un e-book, vulgaire objet en plastique, alors que des reliures en cuir avec leurs couleurs automnales me réconfortent ! Et dans 500 ans, j'imagine un lecteur visitant une expo de livres électroniques : seront-ils lisibles comme nos incunables, seront-ils en bon état comme nos livres anciens ? J'en doute, mais ne soyons pas pessimistes. J'ai trouvé une parade : quand tous les livres en papier disparaîtront, je m'enfermerai dans les magasins des bibliothèques pour les protéger et les montrer aux jeunes enfants pour leur dire : "il était une fois un objet merveilleux qui traversait les ans et nourrissait l'esprit de tous les hommes et de toutes les femmes de bonne volonté..."

lundi 27 septembre 2010

Le coeur régulier

Le dernier roman d'Olivier Adam tient toutes ses promesses et figure aussi sur les listes des prix littéraires de l'automne. On retrouve l'atmosphère "adamienne", c'est à dire une compassion très forte pour ses personnages cassés par la vie, les perdants, les sans-rien, les dissidents du sentiment, les "paumés"... et surtout les "suicidés". L'héroïne du roman, Sarah, s'interroge sur la mort de son frère Nathan, qui a toute sa vie voulu écrire et ne pas se "conformer" aux modèles que la société nous impose. Le Japon tient lieu de décor où l'on découvre un personnage, retraité de la police, qui aide les candidats au suicide à survivre. Olivier Adam, tout en douceur, fait le procés de notre mode de vie égoïste et indifférent au sort des "déprimés", véritables boulets pour la société. Un passage du roman reflète la compassion sans larmoyance de l'auteur : "Toujours il en revenait là, la violence morale qui s'exerçait à l'école, au travail, dans le couple. L'usure et les humiliations, la pression sociale, le culte du rendement, du gagnant, du vainqueur, le cynisme et l'exclusion, comment tout cela pouvait vous briser les os." Sarah finira par comprendre, après un voyage initiatique au Japon, sa vie tissée de mensonges et de malentendus. Elle finira par atteindre un "coeur régulier", qui lui permettra de vivre dans une certaine sérénité. Ce roman possède toutes les qualités pour emporter la faveur du public et peut se passer de la comédie des prix littéraires !

jeudi 23 septembre 2010

La vie est brève et le désir sans fin

Ce titre pour mon billet du 23 septembre ressemble à un vers d'Aragon ou d'Eluard... En fait, il s'agit du roman de Patrick Lapeyre aux éditions P.O.L, paru à la rentrée. Ce livre fait partie de la première sélection pour le prix Goncourt. Je l'ai lu avec intérêt mais aussi avec agacement tant le personnage principal est d'un "mou" à pleurer. Sa vie amoureuse oscille entre une femme de tête, sa femme légitime qu'il aime surtout pour le confort matériel qu'elle lui apporte et une maîtresse fantasque. Il est traducteur mais ne gagne pas très bien sa vie. Il rencontre cette anglaise insaisissable et marginale. Il tombe éperdument amoureux d'elle. Elle aussi hésite entre lui et son amant anglais. Ce roman traite de l'adultère moderne, chasse-croisé pitoyable où le mensonge règne. La double vie détiend un ressort romanesque évident mais il manque dans ce roman une empathie que le lecteur n'éprouve pas pour ces personnages sans relief. Mais ce sentiment de vacuité ressenti par tous les personnages est un sentiment ultra-contemporain. J'ai bien apprécié la critique sociale "pince-sans-rire" des milieux privilégiés qui sont décrits avec un humour froid et distancié. Je n'ai pas l'impression que le roman obtiendra le prix Goncourt mais je peux me tromper ! On sent bien que Patrick Lapeyre décrit les affres d'un homme paumé, en proie aux tourments du choix, un partenaire faible et sans caractère... Si j'ai lu jusqu'au bout ce livre, c'est par devoir de bon lecteur qui respecte les écrivains, même ceux qui ne me touchent pas au coeur.

lundi 20 septembre 2010

La passerelle de Lorrie Moore

On a l'habitude de trouver de la "bonne littérature" aux éditions de l'Olivier. Ce nom d'éditeur m'attire car l'olivier est mon arbre préféré (j'en ai deux dans mon jardin de Savoie !). Je sais que les romans qui poussent chez cet éditeur sont en grande majorité des romans fort intéressants. J'ai terminé aujourd'hui celui de Lorrie Moore, "La passerelle" ou l'histoire d'une adolescente qui se cherche et apprend à grandir. Elle va devenir baby-sitter d'une petite fille métisse adoptée par un couple étrange qui cache un secret pesant. Le tableau de cette Amérique rurale laisse un goût bizarre de profond ennui et de malaise. Ce livre sort d'un tableau de Hopper ou d'un roman de Carson Mac Cullers.
Tassie, l'héroïne du roman, ressemble à des millions de jeunes filles en quête de l'amour, du bonheur, de la réussite sociale mais elle va vite se rendre compte que la vie n'est pas toujours conforme à ses rêves. Son jeune frère s'engage à l'armée et se fera tuer en Irak. Cette Amérique de l'après 11 septembre se révèle fragile et doutant de son avenir. J'aime retrouver dans la littérature américaine cette musique du désenchantement et de l'ironie.
Feuilletez donc le catalogue de cet éditeur : vous en serez enchanté...

vendredi 10 septembre 2010

Revue de presse

Comme je ne travaille plus, j'ai enfin le temps de lire dans la journée et de parcourir la presse sur Internet. La lecture du "Monde" (format papier que je reçois chez moi) prend au minimum une heure par jour si on veut vraiment lire une dizaine d'articles.J'assimile la lecture du journal à une marche dans la nature... Il paraît que pour se maintenir en forme physique et intellectuelle, il faut marcher une heure par jour. La lecture est un sport cérébral qui fait du bien, qui apaise comme des longueurs de piscine ou des kilomètres de marche. Cette semaine, j'ai donc repéré un article concernant la littérature. Ce mardi 7 septembre, le journal a présenté un dossier : "Quels sont les écrivains qui vivent de leur plume ?" Le constat est sans appel : très peu d'écrivains vivent de leur plume. Ils représentent une infime minorité. Des noms sont cités : Gavalda, Nothomb, Vargas, Pancol, Lévy, Musso, Pennac, etc. On ne devient pas riche en se consacrant à l'écriture à part les auteurs de best-sellers. Beaucoup d'écrivains ont un deuxième métier : journaliste, enseignant, éducateur (comme Jean-Baptiste Del Amo). Ils ont beaucoup de mérite pour la plupart d'écrire et de travailler pour survivre. Dans la société actuelle, la situation s'est même aggravée entre les auteurs à succès très riches et ceux qui ne parviennent pas à rencontrer leur public. La morale reste tout de même du côté de ceux qui alternent vie professionnelle et vie créative. Kafka travaillait dix heures par jour dans un bureau pour écrire et n'a jamais gagné sa vie grâce à son oeuvre. Le monde cite les aides de l'Etat : bourses, résidences d'écrivains, ateliers d'écriture. Mais l'Etat est en crise et toutes ces aides seront-elles reconduites ? Notre ministre du budget n'a pas encore pris des dispositions tellement les sommes sont... ridicules !
Vive la littérature et merci à tous ceux et toutes celles qui s'adonnent à cet art si difficile d'expliquer le sens d'être au monde...

mardi 7 septembre 2010

Le premier qui l'a dit

Je vais rarement au cinéma quand il fait beau, préférant la clarté de la journée au noir des salles de cinéma... Mais, la pluie est arrivée et j'ai pris le chemin du cinéma dans mon quartier. Nous étions quatre femmes dans la salle pour voir un film dont je présumais l'intérêt. Et j'ai passé une après-midi formidable alors qu'il faisait gris dehors.
Ce bijou du cinéma est italien, il n'est pas classé dans le box-office des fréquentations, style de 500 000 à 5 000 000 de spectateurs. Tous les ingrédients sont réunis pour rendre ce film adorable, attachant, tonique, optimiste et délicieusement décalé quand on pense aux grandes productions américaines. Ce film atypique raconte l'histoire d'une famille en Italie, de deux frères qui n'osent pas avouer leur homosexualité face au patriarche intolérant et macho... Je ne veux pas en dire plus mais l'aîné va déclarer son orientation sexuelle pendant un repas de famille alors que le frère cadet qui devait faire son "coming-out" doit se taire pour ne pas "tuer" son père. Comble de l'ironie, son père lui demande de prendre les rênes de l'entreprise de pâtes. Ce film traite avec beaucoup d'humour et d'optimisme l'homosexualité qui finit par être comprise surtout de la part des femmes... Le fils cadet finira par avouer... son amour de l'écriture.
J'aime beaucoup écouter l'italien et je finis même par comprendre (je comprends l'espagnol) sans lire les sous-titres et je retrouve avec plaisir l'atmosphère d'une ville italienne : magique !

lundi 6 septembre 2010

Retour sur Mai 68

J'ai parlé de mon professeur de philo quand j'étais lycéenne à Bayonne et ma soeur m'a donné un article du journal Sud-Ouest où je me suis reconnue dans la foule des manifestants devent l'Hôtel de ville. En ces temps de malaise social et de pertes d'acquis sociaux, souvenons-nous avec émotion de ce mois-là où la France entière s'est arrêtée de travailler, d'étudier, de subir. Quelle chance pour moi d'avoir vécu cette période pourtant si courte où la vie pouvait changer ! J'ai gardé dans ma bibliothèque de "bibliophile" trois petits bouquins dont je ne me séparerai jamais : "Les citations de la révolution de Mai" chez Pauvert, "Les murs ont la parole" chez Tchou, "A toi l'angoisse, à moi la rage", chez Edmond Nalis. Je picore quelques slogans qui n'ont rien perdu de leur actualité :
- "La révolution combat aussi pour la beauté. Aidez-nous pour chasser la laideur du monde"*
- "On ne compose pas avec une société en décomposition"
- "Je prends mes désirs pour des réalités, car je crois à la réalité de mes désirs"
- "Ne me libère pas, je m'en charge"
- "Ne changeons pas d'employeurs, changeons l'emploi de la vie"
- "Nous avons une gauche préhistorique" (tiens, tiens...)
- "Parlez à vos voisins"
- "Non, je ne digère pas, j'éclate"
Cet esprit de Mai 68, libre, joyeux, trépidant, poétique et audacieux a duré vraiment une fraction de secondes car tout s'est remis en place trop vite, la tradition a gagné mais ce petit mois de mai a semé beaucoup : le féminisme a jailli, la peine de mort a été abolie, les universités se sont ouvertes aux enfants d'ouvrier et d'employé, la démocratie a respiré...
Et j'ai suivi des études supérieures, la première de la fratrie et de toute la famille élargie. N'enterrons donc pas Mai 68, bien au contraire, que ce souffle perdure en nous malgré le temps qui passe.

vendredi 3 septembre 2010

Hommage à Pierre Hadot

Ce philosophe français, professeur honoraire au Collège de France est l'auteur de nombreux ouvrages dont "Exercices spirituels", "La citadelle intérieure" et "Qu'est-ce que la philosophie antique ?". J'ai fini de lire "La philosophie comme manière de vivre", entretiens de Pierre Hadot avec J. Carlier et A. Davidson. Lire de la philosophie est déjà un exercice spirituel qui demande concentration et curiosité. Mais pourquoi ne pas essayer ? J'ai apprécié ce livre qui présente l'oeuvre de Pierre Hadot de façon simple et abordable pour les lecteurs amateurs de philo. Quand j'étais au lycée en terminale, la philosophie était ma matière préférée et mon professeur de philo s'est tu pendant trois mois de septembre à novembre pour nous laisser "réfléchir" et nous organiser en atelier... C'était en 1970, époque soixante-huitarde, originale et loufoque ! Ce prof "révolutionnaire" m'a marquée et son héritage est toujours vivant car il avait vu en moi une appétence indéniable pour l'histoire des idées et des concepts. J'aurais préféré passer une licence de philosophie mais j'étais intimidée par l'aridité des styles, le jargon obscur (Descartes, Kant, Hegel, etd.) et la littérature me semblait plus "humaine". On traîne ainsi des regrets et pour compenser ce manque, je lis de temps en temps de la philosophie. Pierre Hadot peut devenir un passeur de textes et ce rôle est capital.
Je retiens de ce livre qu'il nous faut lire ou relire Platon, Sénèque, Marc Aurèle, Epitecte et tant d'autres. Avant d'entrer dans ce monde lumineux de la philosophie antique,
il est nécessaire de se faire accompagner et Pierre Hadot est un guide qui n'intimide pas.
Le dernier chapitre de l'ouvrage contient un passage sur le bonheur du présent : "Nous pouvons donner une valeur en quelque sorte absolue à chaque instant de la vie, si banal soit-il, si humble soit-il. (...) La concentration sur le présent implique une double libération : celle du poids du passé et de la crainte de l'avenir."
Pierre Hadot s'est éteint cette année et il a eu tout de même une notice nécrologique dans Le Monde. Evidemment, aucun journal télévisé n'a fait mention de sa disparition : il vaut mieux être une rock-star, un champion ou un homme politique. Un philosophe, cela ne sert à rien, sinon à penser et les médias audiovisuels préfèrent l'événementiel superficiel et spectaculaire !

mercredi 1 septembre 2010

Rentrée : tout va trop vite...

J'ai lu un article passionnant dans le Monde magazine, daté du samedi 28 août relatant le point de vue d'un sociologue allemand, Hartmut Rosa, qui vient de publier un essai majeur, "Accélération" aux Editions La Découverte. Il dénonce dans l'article que tout va trop vite dans la société moderne : accélération technique, accélération sociale, rythmes toujours plus rapides. Vivre pressé, stressé, angoissé, pressuré, écrasé. L'interview de ce sociologue, dont je n'avais jamais entendu le nom, nous éclaire sur cette folie de toujours en faire plus qu'il ne faut. Dans le milieu professionnel où j'ai travaillé ces dernières années, j'ai ressenti cette "culture" de changer sans arrêt tel logiciel, telle application, toujours plus performante que celle d'avant, alors que chacun s'efforçait d'assimiler l'outil en question qui allait de toutes façons être remplacé l'année suivante. Cette course déraisonnable vers le toujours plus rapide, plus adapté aux besoins, souvent plus onéreux, me complexait car je prenais de l'âge et me "ringardisais"... Mais cette course sans fin conduit peut-être tout droit dans le mur (fin de l'article) ! Le monde a changé, oui, c'est certain mais quel monde !
Je cite une phrase de l'article : "A l'âge de l'accélération, le présent tout entier devient instable, se raccourcit, nous assistons à l'usure et à l'obsolecense rapide des métiers, des technologies, des objets courants, des mariages, des familles, des programmes politiques, des personnes, de l'expérience, des savoir-faire, de la consommation."
Article frappant qui va m'inciter à me procurer cet ouvrage au plus vite. Le lire en toute quiétude (tiens ce mot est vraiment démodé aujourd'hui...) au coin de mon poële à bois, cet hiver, loin de l'agitation urbaine et sociale !