lundi 18 janvier 2016

"Les vies multiples d'Amory Clay"

William Boyd s'est inspiré des vies de Margaret Bourke-White et de Lee Miller, deux reporters photographes, reconnues au XXe siècle. Le personnage romanesque, Amory Clay, naît en 1908 et s'éteint 70 ans plus tard. Dès son enfance, Amory est fascinée par la photographie. Son oncle l'initie à cet art nomade et l'introduit dans le milieu professionnel, un milieu hostile et opaque pour les femmes à cette époque. Motivée par sa passion et par les nécessités matérielles, elle démarre sa carrière dans les portraits de famille et les fêtes champêtres. Elle croit tellement en son art qu'elle s'embarque à Berlin pour photographier le monde interlope de la nuit. Sa patience "féminine", son obstination "virile" et son flair "anticipateur" confirment sa vocation de reporter original et téméraire. Revenue à Londres, elle se fait agresser par des nazis dans les années 30. Parallèlement à son travail, ses relations amoureuses fluctuent tout au long du roman entre amants et un mari avec qui elle a deux filles. Elle écrit dans un journal intime qui ponctue le récit : "Je crois avoir été consciente, même à l'époque, que, seule, la photographie peut réussir ce tour de magie avec tant d'assurance et de facilité : arrêter le temps, capturer cette milliseconde de notre existence et nous permettre de vivre éternellement". L'écrivain lui accorde une vie passionnante dans son métier et une vie décevante dans ses relations amoureuses et familiales. Elle part aux Etats-Unis, au Vietnam, sur les fronts de guerre. Etre une photographe reporter relevait d'un certain miracle à son époque et Amory Clay représente toutes les aventurières, toutes les pionnières, toutes les artistes qui ont conquis leur liberté et leur indépendance avec une détermination farouche et une audace sans faille. Un bon roman, une saga qui se lit avec plaisir, même si l'écriture rejoint le style journalistique, peut-être un effet voulu par l'auteur...