mercredi 8 juin 2022

Ranger sa bibliothèque

 Après avoir lu Olivier Rolin et son ouvrage décapant, "Vider les lieux", je me suis posée la même question : et si l'on me demandait de quitter ma maison, que deviendraient mes chers livres ? Grave et grande question tellement je suis attachée à mes murs de papier. Mes "bouquins" habitent surtout deux pièces, le salon et une chambre d'ami qui me sert de "magasin"  comme une réserve dans une bibliothèque. Quand j'étais bibliothécaire à la BU de Chambéry, je me suis occupée des magasins où l'on stockait plus de 100 000 livres. Je devais tous les ans me charger du "désherbage" pour gagner quelques mètres linéaires. Cette tâche parfois ingrate mais nécessaire me plaisait beaucoup car, malgré tout, je sauvais quelques auteurs qui auraient fini leur vie dans une déchetterie. Cette pratique professionnelle de mettre au rebut les ouvrages inutiles devait se faire régulièrement. J'écartais évidemment les livres très abîmés, non récupérables, les doublons, les ouvrages obsolètes, etc. Mes souvenirs de bibliothécaire remontent à la surface de ma mémoire et pour revivre ces moments où je devais absolument "faire de la place", j'ai considéré mes étagères comme un magasin et j'ai mis enfin de l'ordre dans mes livres. J'entasse, je conserve, je garde, je relis, je feuillette. Mais, je devais me résoudre à éclaircir les rayonnages. Les livres ont besoin d'espace et de clarté.  J'ai commencé par le salon en montant sur un tabouret et tout en dépoussiérant les étagères, je retrouvais des livres oubliés. Tiens, j'ai donc des Perec à relire : "Penser/Classer" et "Tentative d'épuisement d'un lieu parisien". Et cet écrivain peu connu mais que j'avais beaucoup aimé, Georges Perros, il faut que je me confronte à lui car je l'ai abandonné depuis si longtemps... Et "Noces" de Camus, les Tabucchi, René Char. J'ai regardé avec admiration le mètre linéaire de Pascal Quignard (j'ai pratiquement tout acheté). J'ai retrouvé un Pierre Reverdy, une biographie sur Yourcenar toujours pas lue, et ma pile des documents à lire s'est étoffée tout en rangeant ma bibliothèque du salon. J'ai laissé le désordre s'accumuler dans mes différents meubles et j'ai décidé de bouleverser le rangement habituel. Dans la chambre,  les livres sur les voyages (Italie et Grèce, surtout), les catalogues de musées, la philosophie, les livres de poche, les revues. Dans le salon, la littérature et les livres d'art. J'aime ces instants où je range comme si je mettais aussi de l'ordre dans mes priorités. Une fois par an, cette opération de grand ménage au printemps comporte aussi de belles surprises, des redécouvertes, des envies de relire des auteurs aimés des décennies auparavant. Résultat de cette mise en ordre : quelques livres de poche, des romans médiocres, un résultat maigrichon, un petit mètre linéaire. Décidément, ma bibliothèque tient encore la route et chaque fois que je tenais un roman ou un essai dans mes mains, je me disais : "Ah, j'ai encore quelques années devant moi pour les relire". Sois optimiste !