vendredi 29 mars 2019

Rubrique cinéma

Je suis allée voir "Green Book" du réalisateur américain, Peter Farrelly. Ce film, tiré d'une histoire vraie, a reçu de nombreuses récompenses dans le cadre des Oscars. En 1962, Tony Lip, un videur italo-américain, expédie les clients bagarreurs dans la rue. Ce père de famille appartient à la communauté pauvre des Italiens vivant dans le Bronx. L'histoire se passe aux Etats-Unis et dans ces années-là, la ségrégation régnait. Tony veut améliorer sa situation financière et postule auprès du Docteur Don Shirley. Ce pianiste de renommée mondiale le choisit pour sa carrure et sa façon d'être. Il est hors de question qu'il serve de domestique. Il accepte de conduire le musicien lors d'une tournée qui va durer deux mois, loin de son foyer. Pour trouver les hôtels, ils sont obligés d'utiliser un guide, "Le Green Book" qui signale les hébergements réservés exclusivement aux personnes de couleur. Tout sépare les deux protagonistes. L'un est blanc, l'autre noir, l'un est cultivé et esthète, l'autre plutôt analphabète. Don vit seul, Tony s'entoure d'une tribu italienne. Lorsque leur tournée démarre, le film prend un rythme de croisière où chaque étape démontre l'implacable racisme dans ce pays pourtant si neuf. Le pianiste n'a pas le droit d'utiliser les toilettes pour les blancs. Un responsable du concert lui montre une cabine dans un jardin. Il ne peut pas partager un repas avec ses collègues musiciens. Tony découvre peu à peu l'immense et insupportable ségrégation que subit son patron. Ce temps-là n'est pas si lointain et John Kennedy améliorera peu à peu la situation. Au fil des incidents plus que déplorables, Tony prend conscience du racisme d'autant plus que lui aussi, en tant qu'italien, endure souvent des quolibets. Des scènes dramatiques succèdent aussi à des moments musicaux où le pianiste exerce avec génie son art du piano. Ils vont se connaître, se comprendre, mais aussi s'affronter sans complaisance. Le pianiste compose les lettres que Tony envoie à sa femme et ces échanges sont des perles d'humour dans ce film formidable d'humanité. Les préjugés vont disparaître et l'amitié généreuse scellera ce couple invraisemblable. Ce film, avec une bande son magnifique, ne peut qu'émouvoir les spectateurs écœurés par l'injustice et le racisme institutionnel de cette époque sombre. Un beau film humaniste et plein d'espoir. 

jeudi 14 mars 2019

Atelier Lectures, 2

Danièle a poursuivi la séance "coups de cœur" avec trois livres : "Le jeu de l'oie" de Erri de Luca, "Gratitudes" de Delphine de Vigan et "L'université de Rebibbia" de Goliarda Sapienza.  Le dernier ouvrage d'Erri de Luca complète son puzzle autobiographique sous la forme d'un testament littéraire. L'écrivain italien adresse une lettre à un fils imaginaire et lui parle de sa vie, de ses engagements politiques et de sa vocation littéraire. Encore un livre essentiel qui nous aide à méditer le sens de la vie. Delphine de Vigan vient donc de publier un beau roman sur la vieillesse, la perte de la parole et une réparation qui passe par les soins d'un orthophoniste bienveillant. Danièle a surtout présenté le récit autobiographique de Goliarda Sapienza. L'écrivaine italienne, connue pour son magnifique "Art de la joie", a vécu une expérience originale en prison dans les années 80, suite à un vol de bijoux. Elle raconte son environnement dans une cellule qu'elle partage avec deux autres détenues. Solidarité,  amitiés, amours, mais aussi disputes, cris, bagarres, tous ces événements forment un monde à huis clos que l'écrivaine traite avec un humour, teinté de tendresse et d'empathie. Goliarda Sapienza décrit ces femmes, souvent liées à des affaires de vol et de trafic de drogue, comme des compagnes, marginalisées par la misère sociale. Ce récit autobiographique qui se lit d'une traite transforme l'enfermement en moments de liberté. En écoutant Danièle, je me demandais pourquoi je n'avais pas encore proposé cette écrivaine italienne, sœur symbolique de la magnifique Elsa Morante. J'envisage de proposer Goliarda Sapienza dès la rentrée prochaine. Mylène a proposé un roman de Ronit Matalon, "Et la mariée ferma la porte", édité chez Actes Sud. La mariée s'enferme dans une chambre avant la cérémonie. Par son mutisme et par son refus de sortir, elle provoque des réactions en cascade de ses proches. Ce vaudeville cocasse pose aussi des questions sur la société israélienne. L'écrivaine a disparu en 2017 en publiant ce dernier roman. Il faut aussi découvrir "Le bruit de nos pas", grand succès de librairie. Mylène a évoqué un haut-le-cœur concernant le roman de Leonor de Recondo, "Point cardinal", évoquant un père de famille qui veut changer de sexe. Le sujet délicat du transsexualisme a fait l'objet d'un débat entre nous. Je pense pour ma part que la littérature doit se saisir de tous les thèmes sociétaux qui peuvent déranger mais n'est-ce-pas la vocation de l'art dans tous ses domaines ? Voila pour les coups de cœur des lectrices de l'atelier. Les livres nous offrent toujours des découvertes, des talents confirmés, des idées de lecture, des moments de plénitude, mais aussi d'inquiétude…

mercredi 13 mars 2019

Atelier Lectures, 1

Ce mardi 11 mars, malgré quelques absentes, nous étions une bonne dizaine à nous retrouver à l'AQCV pour partager les coups de cœur. Marie-Christine a démarré avec "Persévérer" de Jean-Louis Etienne. En 1986, l'explorateur a marché sur la banquise pendant deux mois pour atteindre le pôle Nord. Depuis cette aventure initiatique, il a poursuivi ses projets en traversant l'océan Arctique et les déserts glacés. Sa morale se tient dans ces mots : même si le chemin est difficile, il faut persister dans la voie de ses rêves. Publié en poche en 2016, ce récit est un modèle du genre : un éloge de l'aventure et une sagesse de vie. Odile a poursuivi les coups de cœur avec un roman d'Eric-Emmanuel Schmitt, "L'évangile de Pilate", édité en 2006 dans le Livre de poche. Dans la première partie du livre, il est question d'un homme un peu spécial, un agitateur, un faiseur de miracles. Jésus de Nazareth attend les soldats qui vont l'arrêter et le crucifier. On connaît la suite… Dans la deuxième partie, Pilate, le préfet de la Judée, dirige une enquête sur la disparition d'un corps qui a réapparu vivant. Ce roman se lit avec plaisir et a reçu le prix des lectrices de Elle en 2001. Annette a présenté deux coups de cœur. "L'infinie patience des oiseaux" de l'écrivain australien, David Malouf, se déroule en 1914. Le personnage principal, Ashley Crowther, revient dans son pays, l'Australie, pour s'occuper de la ferme de son père. Il découvre un paysage sauvage, peuplé de bécasses, d'ibis, et d'une trentaine d'espèces d'oiseaux. Il rencontre un jeune homme qui va partager la même passion pour la nature. Ils veulent créer un sanctuaire pour les oiseaux migrateurs. Les deux protagonistes vont être rattrapés par la guerre. Une amie journaliste va poursuivre leur projet. Ce roman poétique, publié en 1982, vient d'être réédité chez Albin Michel. Annette a évoqué une nouveauté de la rentrée de janvier, "Né d'aucune femme" de Frank Bouysse en nous prévenant de sa noirceur totale. Les âmes sensibles n'apprécieront pas ce roman pourtant fascinant qu'Annette qualifie de "conte médiéval fantastique", sombre comme un diamant noir. L'histoire tragique de la petite Rose, marquée par le Mal, se dévoile au fil de cahiers trouvés par hasard. L'écrivain confirme son immense talent romanesque, appuyé sur un style remarquable. Dans le Monde des Livres, un critique littéraire a déclaré : "Imaginez que dans la foule des romans publiés en ce début d'année, il en est un qui tutoie la perfection". Conclusion : il faut absolument découvrir "Né d'aucune femme"... La suite, demain.

lundi 11 mars 2019

"L'Insoumise, Simone Weil"

Rien ne vaut une bonne biographie pour connaître un écrivain ou un philosophe. J'ai toujours lu des biographies sur mes écrivains préférés : de Camus à Duras, de Yourcenar à Quignard, et on appréhende mieux leurs œuvres à partir d'éléments significatifs de leur vie réelle. Je n'avais pas eu la curiosité de connaître la philosophe mystique, Simone Weil, l'estimant trop éloignée de mon univers personnel. Le professeur de philosophie l'a citée à plusieurs occasions dans le cadre de l'atelier du jeudi. J'ai donc emprunté le livre de Laure Adler, "L'Insoumise, Simone Weil", publié chez Actes Sud en 2008. La journaliste et écrivaine ne présente pas la philosophe comme une biographe classique et laborieuse. Elle bouscule la chronologie et commence par la mort de Simone Weil à 34 ans, consumée par le surmenage et les jeûnes successifs quand elle se trouve à Londres en 1943 où elle a rejoint la Résistance et le Général de Gaule. Laure Adler la présente de cette façon : "Elle, c'est la franchise, la droiture, la lutte pour les plus pauvres. Elle, dès son plus jeune âge, a lutté sur tous les fronts : politique, moral, psychique, spirituel, pour que la société soit de plus en plus juste. Elle, elle a donné sa vie pour ses idées et n'a pas barguigné sur les souffrances que cela impliquait que d'atteindre un idéal". La biographe insiste beaucoup sur la féminité rejetée de Simone Weil : ses parents l'appelaient "notre deuxième fils". Elle s'habillait avec des pantalons (à l'époque, c'était rare), une grande houppelande pour se réchauffer. La coquetterie ne faisait pas partie de sa culture. Seul, le monde des idées pour changer la vie l'intéressait, la passionnait. En 1931, elle enseigne la philosophie et s'intéresse au marxisme. Elle partage la condition ouvrière et devient même une militante syndicale, approche les milieux anarchistes. Le sentiment de la justice inspire sa vie. Juive agnostique, elle se convertit au catholicisme en 1936. Férue de grec ancien, elle commente la philosophie de Platon en qui elle voit le père de la "mystique occidentale". Laure Adler montre aussi d'autres facettes de la philosophe, jugée trop austère. Elle aimait la vie, l'amitié, les baignades, le soleil. Mais, son obsession de la justice l'entraîne auprès des Républicains espagnols lors de la guerre civile. Cette intellectuelle flamboyante refuse le compromis, la médiocrité et le conformisme au risque de se brûler. Laure Adler insuffle à son texte une émotion en filigrane en s'appuyant sur un style vivant, inspiré, communicatif. Elle ose même un style familier pour incarner cette héroïne du XXe siècle. Sa biographie se lit comme un roman sans ambition universitaire. La philosophe partie trop tôt a vécu selon son idéal de justice et de foi. En fermant le livre, j'avais l'envie de la retrouver dans ses écrits en particulier, "La pesanteur et la grâce" et "L'enracinement". 

vendredi 8 mars 2019

"Voyage au pays des bibliothèques"

En lisant "Le Monde" du 22 février, j'ai donc appris par Michel Guerrin dans sa chronique qu'Erick Orsenna, inlassable défenseur de la lecture, avait remis un rapport sur les bibliothèques à notre Président Macron. Ce rapport est édité avec la complicité de Noël Corbin. Les deux compères posent l'éternelle question qui agite le milieu des professionnels de la lecture : "Comment inciter à lire des livres ?" . Les deux auteurs évoquent leur passion de la lecture : "La lecture est la condition de l'accès à toutes les connaissances". Ils se sont mobilisés car le constat sans appel est tombé : les Français lisent de moins en moins. Mais, selon le journaliste, l'inquiétude disparaît vite quand ils expliquent la mutation irréversible de la bibliothèque d'antan. Temple des livres, elle est devenue un lieu social et culturel en intégrant les supports audiovisuels, des animations, des expositions, des rencontres, des formations et même à Chambery, une initiation au tricot… Ce bond dans une offre culturelle proche des gens a permis une fréquentation en hausse, 23% depuis 2005. Le journaliste remarque la grande satisfaction des auteurs du rapport mais, pointe une question éludée dans l'ouvrage : et les livres, que deviennent-ils ? Ceux qui ne lisent jamais de livres sont toujours aussi nombreux, les gros lecteurs plus âgés ne sont pas remplacés par des jeunes qui lisent de moins en moins. Erik Orsenna finit par avouer un certain changement : seuls 12% d'usagers empruntent des livres… Le journaliste rappelle aussi que la littérature de qualité inspire peu les emprunteurs et les espaces dédiés aux livres commencent à rétrécir. La bibliothèque va bien, dit-il, et les livres vont mal. Le Président Macron a promis de soutenir financièrement les médiathèques pour augmenter leurs horaires d'ouverture, plus tard le soir et pourquoi pas le dimanche. Le rapport ne répond pas à l'inquiétante désaffection des usagers (quel nom pour parler des lecteurs(trices) !) à l'égard des livres. Cette situation va peut-être évoluer dans le bon sens avec des médiathèques plus ouvertes. J'en doute quand même, mais un miracle peut surgir dans notre jeunesse. Il faudrait mettre le livre "à la mode" comme un objet connecté ou un jeu vidéo. J'ai passé ma vie de bibliothécaire à formuler ce vœu si cher à mon cœur : que la lecture soit quotidienne et partagée par un maximum de lecteurs, des bébés aux personnes âgées. J'ai mis toute mon énergie pendant plus de quarante ans au service des livres. Je ne pouvais pas imaginer qu'Internet allait tout chambouler… Mais, tant qu'il y aura comme moi des amoureux(ses) des livres, de la lecture et de la littérature, l'espoir demeure…  

jeudi 7 mars 2019

Pierrette Fleutiaux

J'ai appris le décès de Pierrette Fleutiaux d'une crise cardiaque. Née en 1941 à Guéret, son père dirige l'école normale primaire et sa mère est professeur de sciences naturelles. Elle obtient l'agrégation d'anglais à la Sorbonne. En 1968, elle part à New York où elle est correctrice dans une agence littéraire, puis, traductrice à l'ONU et professeure au lycée français. Anne Philippe l'introduit dans le monde de la littérature en publiant son premier roman en 1975, "L'histoire de la chauve-souris". Elle obtient le prix Femina pour "Nous sommes éternels" qui demeure son plus grand succès de librairie. J'ai découvert cette écrivaine à cette époque-là et j'ai tout de suite remarqué la qualité de son écriture et de son univers romanesque. J'ai surtout apprécié trois de ses livres, les plus récents. En 2003, la maison d'édition Actes Sud publie "Des phrases courtes, ma chérie", récit bouleversant, où elle raconte sa mère, atteinte de la maladie d'Alzheimer. Elle écrit :"On fait avec le vieux parent comme on a fait avec ses enfants : on voudrait qu'il mène une vie saine, fasse du sport, ait de bons amis, se porte bien et ne vous colle pas aux basques. On fait ce qu'on sait faire. On devient tyrannique". Ce récit autobiographique d'une force émotionnelle impressionnante m'avait vraiment touchée surtout quand on partage une expérience similaire. La description de la maison de retraite avec le personnel, les proches et les amis se transforme en projet littéraire de premier plan. Un microcosme aussi réduit prend une dimension universelle sous la plume de l'écrivaine. J'ai lu aussi son témoignage sur la dureté de la vie politique en France avec son livre, "La saison de mon mécontentement", publié en 2008. Elle pose la question de la place des femmes dans la société à l'occasion de la présence de Ségolène Royal au second tour des élections présidentielles. Ce pamphlet, qui dénonce la misogynie ambiante avec un humour distancié traduit la fibre féministe de l'écrivaine. Après la mort d'Anne Philippe en 2010, elle lui rend hommage dans un très beau récit, "Bonjour, Anne, chronique d'une amitié". Comme j'appréciais Anne Philippe qu'on ne lit plus, hélas, j'ai beaucoup aimé ce récit intime, pudique et délicat. Son dernier roman, "Destiny" évoque la rencontre d'une grand-mère avec une jeune Nigériane qui a fui son pays. Cette relation un peu chaotique et fragile s'enclenche entre ces deux femmes si différentes. Voix singulière de notre littérature nationale, Pierrette Fleutiaux a aussi géré avec générosité la Société des gens de lettres. Les critiques littéraires ont toujours signalé sa discrétion naturelle et son élégance morale. J'ai toujours pensé que les écrivains, femmes et hommes, vont tout droit au paradis tellement ils ont enchanté le monde par leur présence. Merci, Madame Fleutiaux.

mercredi 6 mars 2019

Attention, les robots sont arrivés

La semaine dernière, j'ai franchi la porte de la Médiathèque de Chambéry en me heurtant, pour la première fois dans ma vie de lectrice, à quatre "magnifiques" robots, installés au rez-de-chaussée. J'avais un peu évoqué la question de la robotisation des prêts et des retours des documents avec une bibliothécaire. Elle m'avait confié quelques "bonnes raisons" : plus de problèmes de santé pour les employés avec les gestes répétitifs, anonymat des emprunts, volonté des élus, plus de modernité… Les arguments me semblent un peu faibles car la raison principale réside certainement dans le non-remplacement des agents qui partiront à la retraite. Il faut donc s'adapter à ces machines très performantes par ailleurs. A mon premier essai, certains de mes prêts n'avaient pas été pastillés. Il suffit de déposer les ouvrages sous l'écran et le logiciel reconnaît les livres et d'autres supports. Ensuite, le lecteur(trice) range les volumes sur des chariots correspondant aux étages de la médiathèque. Deux employés surveillent les transactions et proposent leur aide si besoin. Une fois le traitement effectué, on peut s'éparpiller dans les secteurs et une fois la cueillette terminée, retour à nos robots mutiques et inhumains. Il faut déposer la carte de lecteur sous un scanner et au fur et à mesure que l'on pose les livres sur la console, les emprunts s'affichent sur l'écran. En terminant la saisie, il ne surtout pas oublier de retirer sa carte et de fermer l'application. Bilan : plus de contacts avec les bibliothécaires retranchées dans leur bureau d'accueil, disparition des paroles de civilité, remplacement des relations humaines par les nouvelles technologies. Pourtant, une bibliothèque reste toujours un des lieux où la socialité existait encore. Les robots vont bientôt envahir les espaces commerciaux. Des milliers d'emploi vont disparaître. C'est quand même regrettable pour les personnels de bibliothèque qui jouent un rôle social en accueillant le public. Dommage, dommage… Quand la modernité technologique chasse l'humain, j'éprouve un sentiment de nostalgie pour le temps d'avant. J'ai demandé à des employés si dans un futur proche, je poserai des questions à des hologrammes… 

mardi 5 mars 2019

Rubrique cinéma

Le film de François Ozon, "Grâce à Dieu", relate l'affaire sordide du père Preynat, prédateur sexuel et pédophile notoire sur des petits scouts de Lyon. Le film ressemble à un documentaire tellement les personnages sonnent vrai. Le réalisateur s'attache à montrer les dégâts psychiques de l'agression sexuelle sur ces enfants devenus adultes. Alexandre, cadre bancaire et catholique fervent, vit à Lyon avec sa femme et ses cinq enfants. Il représente une frange de la population lyonnaise très respectueuse des traditions religieuses. Cet homme rangé et sage découvre que le prêtre qui a abusé de lui continue son sacerdoce auprès d'enfants. Le passé surgit douloureusement et il décide d'alerter le diocèse de la ville pour dénoncer cette situation scandaleuse. Il prend contact avec la psychologue du diocèse. Cette femme l'écoute mais, ne semble pas comprendre la gravité des actes du prêtre. Alexandre finit même par rencontrer le père Preynat qui avoue sa maladie sans mesurer les conséquences de ces actes criminels sur les scouts. Il décide de porter cette affaire hors du diocèse qui veut étouffer l'affaire. Il s'adresse à la police mais les faits sont prescrits. Le policier joue un rôle majeur dans cette histoire car il relance l'affaire en déterrant un dossier d'une mère qui avait dénoncé les agissements du prêtre. Le film prend alors un rythme plus soutenu avec l'entrée successive des victimes du prêtre. Ces quadragénaires ont refoulé ces agressions sexuelles et hésitent à porter plainte contre ce prêtre pédophile. Les familles concernées encouragent leur fils à dénoncer ces faits monstrueux. Ils s'organisent en association, "La parole libérée". La presse relaye l'affaire et les témoignages sur ce prédateur se multiplient. Enfin, les victimes s'expriment et font sauter la chape de plomb. L'archevêque Barbarin tient un rôle peu flatteur dans cette histoire tragique. L'Eglise avec le Pape ne réagit pas vivement pour écarter ses brebis galeuses… Le film dénonce la loi du silence et rend hommage à toutes ces victimes traumatisées à vie. Ils vont peut-être renaître quand la justice sera faite. En espérant que la justice soit faite… Le film n'a pas été interdit malgré un scénario accablant, les coupables sont encore présumés innocents… Les comédiens, Melvil Poupaud, Denis Ménochet et Swann Arlaud incarnent à merveille les protagonistes de l'histoire. Un très grand film courageux sur la question délicate de la pédophilie dans le milieu des prêtres, protégés par une hiérarchie aveugle...

lundi 4 mars 2019

Le Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon

Je suis allée à Besançon pendant les vacances de février et je me suis empressée de visiter le musée des Beaux-Arts et d'Archéologie, fermé depuis quatre ans pour une rénovation spectaculaire. Notre Président l'a inauguré le 16 novembre 2018. Situé sur la belle place de la Révolution, cette ancienne halle aux grains s'est transformée en musée municipal. Crée en 1694, soit près d'un siècle avant le Louvre, ce musée est un des plus anciens édifices publics de France. Les collections se sont constituées au fil des siècles grâce à des donations importantes provenant d'abbés, de la famille Granvelle, des confiscations révolutionnaires. Le rez-de-chaussée abrite une des collections qui m'a vraiment agréablement étonnée, la collection archéologique, en particulier la période gallo-romaine. J'ai admiré une très belle mosaïque trouvée dans une maison de Besançon. Des objets trouvés dans les fouilles de la ville complètent des pièces importantes comme la sculpture en bronze d'un taureau à trois cornes, baptisé Taureau d'Avrigney, découvert en 1756. Cet objet cultuel témoigne aussi de la mythologie celtique. J'ai même retrouvé quelques vases grecs dans une vitrine de présentation. Ensuite, le parcours se déroule d'étage en étage à l'aide d'une montée en spirale et les tableaux flamands, hollandais, espagnols, italiens sont accrochés sur les murs en béton. Cette cohabitation entre des peintures anciennes et les murs gris me semble un parti pris audacieux sur le plan architectural. J'ai remarqué un ensemble de toiles de Lucas Cranach, dont un "Adam et Eve", des Rubens, des Brueghel, des natures mortes magnifiques de Willem Claesz Heda, un Bronzino, un Bellini, Titien, Tintoret, Guardi, Tiepolo, etc. Je n'en revenais pas quand j'ai aperçu dans un angle de mur un tableau merveilleux de Joachim Patinir, un peintre que j'aime beaucoup. Voir à Besançon un Patinir, quelle belle surprise ! Les salles du XIXe présentent des immenses compositions et le XXe est représenté par des Bonnard, un Vallotton, Un Picasso, etc. Ce musée va devenir un atout majeur pour visiter cette belle cité très agréable avec ses trams bleus, son Doubs majestueux et son centre historique d'une harmonie architecturale rare. Un belle parenthèse culturelle dans mon séjour… 

vendredi 1 mars 2019

"De si bons amis"

Joyce Maynard n'est pas une écrivaine américaine très connue du public français mais j'ai déjà lu quelques titres d'elle qui sont vraiment intéressants comme "Les filles de l'ouragan", "l'Homme de la montagne" et "Les Règles d'usage". Dans son dernier ouvrage paru chez Philippe Rey, l'auteur raconte une drôle d'histoire amicale. La narratrice s'appelle Helen, jeune quadragénaire en instance de divorce. Elle-même, fille de divorcés, n'a jamais trouvé un équilibre familial au sein de ses parents instables. Helen a perdu la garde de son fils de huit ans à cause de son alcoolisme. Elle partage sa semaine entre les séances aux Alcooliques anonymes et ses petits boulots de serveuse. Dans une de ses soirées mondaines, un couple fortuné, les Havilland, la remarque et l'invite chez eux. Ava Havilland a subi un accident de voiture qui l'a laissée paralysée. Swift, son mari, vieux dragueur un peu vulgaire mais chaleureux adopte immédiatement Helen. Leur séduction passe aussi par leur immense fortune. Helen commence à croire que sa vie va enfin changer avec l'aide généreuse de ce nouveau couple d'amis. Elle trouve auprès d'eux une source d'amour qu'elle a toujours fantasmée pour masquer sa propre fragilité. Proie facile, la jeune femme succombe peu à peu aux sollicitations de ce couple. Sa présence auprès d'Ava devient vite un esclavage déguisé. Quand Helen rencontre un gentil comptable sur un site internet, le couple s'immisce dans cette relation en demandant des détails intimes. Peu à peu, le couple fortuné commence à détruire cette relation avec des moqueries et du mépris. Swift s'attache aussi au petit garçon et l'invite pour une sortie en bateau. Un accident sur le lac va enfin ouvrir les yeux d'Helen. Mais, elle perdra son amoureux dépité. Joyce Maynard décrit le danger des relations toxiques, de la manipulation et  de l'emprise morale d'une jeune femme en perdition. Helen finira par découvrir le secret de ce couple maléfique et infernal. Ce thriller psychologique captivant se lit avec beaucoup de plaisir… Un très bon roman à découvrir.