mardi 20 août 2019

"Cafés de la mémoire"

Chantal Thomas est connue pour ses romans historiques, "Les Adieux à la Reine" et "L'échange des Princesses", adaptés au cinéma. Mais, je préfère ses ouvrages autobiographiques en particulier, "Souvenirs de la marée basse". J'ai emprunté à la médiathèque "Cafés de la mémoire" où l'écrivaine met en scène son enfance à Arcachon, son adolescence et sa jeunesse avec ses études et ses errances. Elle raconte son premier souvenir de café à Nice au moment du Carnaval. Elle déguste des huîtres avec du vin blanc et à partir de cet instant emblématique, elle se souvient de tous les cafés qu'elle a fréquentés depuis ses années adolescentes. Chantal Thomas considérait ces espaces comme des lieux mystérieux et interdits quand elle était petite fille. Seuls, les hommes les fréquentaient dans les années 60. Jeune fille, elle brave la tradition en pénétrant dans ce milieu masculin. Une aventure, une plongée dans l'inconnu.  Son grand-père jouera un rôle majeur dans cette célébration des cafés car elle pressentait  qu'il revenait heureux après avoir bu quelques "martinis". Après sa mort, la jeune Chantal s'invente une vie "aux ouvertures nomades". Elle entre au lycée : "Il y avait la plage d'un côté et le lycée de l'autre. L'eau, le vent, le soleil, le temps de la plage comme une rêverie infinie (…) et, en hauteur, dans la forêt, la vie du lycée, la société close d'une classe". Elle découvre la philosophie avec un professeur brillant qui déclenchera chez elle sa vocation d'intellectuelle, car elle se nourrit profondément de la littérature de l'époque avec une passion particulière pour le couple mythique et incontournable que formaient Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre. Lycéenne, la narratrice raconte son plaisir inouï d'entrer dans un café pour boire un "cuba libre" avec sa meilleure amie, Sonia.  Notre jeune bachelière part à Bordeaux pour une licence de philosophie et commence à vivre sa vie, une vie d'étudiante, libre et dissipée. Et commence son Odyssée des bars et des cafés à Bordeaux, véritables incubateurs de liberté : bar des Quatre sœurs, bar des facultés, café des étudiants, café des Spectres. Tout se joue dans ces espaces chaleureux : rencontres, amitiés, amours, discussions intenses. Ces moments privilégiés forgent la personnalité de Chantal Thomas, une écrivaine-essayiste, fidèle à Casanova et à l'esprit des Lumières. Le récit autobiographique fourmille d'anecdotes (dont sa rencontre avec Roland Barthes) sur cette période fondatrice d'une vie d'adulte à Bordeaux et à Paris. Ce récit brosse le portrait d'une génération libertaire, libérée et très imprégnée de l'esprit soixante-huitard.  Chantal Thomas, petite sœur de Simone de Beauvoir, raconte son émancipation, celle d'une jeune fille de province, née à Arcachon en 1949. Je me suis souvent reconnue dans ce récit en partageant avec l'écrivaine, le goût de la liberté, des cafés, de la littérature. Et, comme j'ai passé une partie de mon enfance dans un bar, vraie ruche humaine au centre du village, que mes parents animaient avec une énergie incroyable, je ne pouvais qu'apprécier cet ouvrage, publié en 2008.