lundi 27 mars 2023

La retraite philosophique

 Le numéro de mars de Philosophie Magazine épouse complétement l'actualité : "Est-ce qu'on travaille trop ? Réforme des retraites, grande démission, lassitude". Depuis plusieurs semaines, la réforme des retraites rythme la vie quotidienne du pays. Manifestations massives et paisibles de la part des syndicats (vérifiées à Chambéry où j'ai croisé des grévistes la rage au cœur), blocages divers, trains annulés, services publics fermés, tous ces mouvements contre la réforme n'aboutissent à rien sauf à une colère et à un dépit qui auront un jour des conséquences politiques imprévisibles. Et quand des bandes de délinquants mettent le feu aux poubelles dans les rues de Paris, l'atmosphère sociale devient irrespirable. Pourquoi notre président n'a-t-il pas lu la revue de mars sur le travail ? Il aurait compris le malaise des actifs surtout après la crise du Covid. Et oui, les Français et les Françaises travaillent moins que leurs collègues européens. Et oui, il y aura des milliards de déficit et les gouvernants ne veulent pas augmenter les cotisations, ni les impôts. Cette réforme problématique économique crispe les actifs car pour ceux et pour celles qui devaient partir à 62 ans, on leur dit brutalement : "Allez, faites un petit effort de 24 mois, ce n'est pas grand chose !". Les règles changent trop vite alors que la majorité du peuple rejette cet effort injuste. Dans un article signé de Cédric Enjalbert, un sentiment d'injustice domine chez les protestataires et "ébranle aussi un imaginaire, renvoyant à la promesse d'un "après" , libéré des contraintes de la vie professionnelle, pas nécessairement contemplatif d'ailleurs". Le monde du travail se complexifie aussi et on parle de "démission volontaire" et d'épuisement professionnel. Le dossier sur le travail est particulièrement passionnant à lire. Notre Jean-Jacques Rousseau a même dit : "C'est pour parvenir au repos que chacun travaille : c'est encore la paresse qui nous rend laborieux". Avant d'imposer par le haut cette décision présidentielle, un chantier sur le travail aurait permis de dégager des compromis souhaitables. Dommage ! Dans la revue, on trouve aussi un test sur le profil de travailleur, une réflexion de Denis Maillard, un philosophe spécialiste de la question qui cite Voltaire : "J'ai toujours envisagé la retraite comme le port où il faut se réfugier après les orages de la vie". La revue aussi propose cinq réformes nouvelles sur la retraite, etc. Pour éclairer une actualité brûlante, il est bon de lire des analyses approfondies, des points de vue originaux et de retrouver la pensée des philosophes sur le thème du travail. La lecture d'articles donne du recul, de la distance. Ah, si Monsieur M. avait lu la revue !