lundi 13 avril 2015

Littérature au féminin, 3

Le deuxième écrivain, Nathalie Sarraute, étudiée dans le cours de littérature, ne ressemble en aucun cas à Colette. L'une a une image de sensualité et de familiarité, l'autre appartient à la sphère intellectuelle et élitiste. Mais elles partagent la même vocation : la passion d'écrire. Nathalie Sarraute fait partie de l'avant-garde du  "Nouveau roman" avec Bernard Pinget, Michel Butor, Robbe-Grillet pour citer les plus connus. Née en 1900 et morte en 1999, elle a donc traversé le siècle dernier. Issue d'une famille bourgeoise russe, d'origine juive, elle entreprend des études à Oxford, Berlin et Paris. Elle devient avocate mais se fait radier du barreau à cause des infamantes lois anti-juives sous Pétain. De culture cosmopolite, elle découvre très tôt Proust et Joyce et entre en "littérature". Elle se consacrera toute sa vie à l'écriture. Il faut retenir quelques dates de ses œuvres : "Tropismes" en 1939, "Portrait d'un inconnu" en 1947, "Les fruits d'or" en 1963.  Elle signera une pétition sur le droit à l'insoumission dans la Guerre d'Algérie en 1960. Nathalie Sarraute a élaboré le concept littéraire de tropismes, ces mouvements de la pensée qui échappent à la conscience, "la source secrète de notre existence".  La révolution freudienne a marqué son inspiration et elle a utilisé dans ses romans un nouveau langage, un nouveau style, une nouvelle approche de la structure romanesque. La déconstruction des personnages est un parti pris dans ses œuvres ainsi que les non-dits, les lapsus, la sous-conversation. Elle définira le roman comme une tentative d'explorer ces "mouvements intérieurs que sont les phrases stéréotypées, les conventions sociales, qui, sous les apparentes banalités langagières, expriment la violence, génère l'angoisse ou la peur." (citation de mon professeur).  Cette théorie littéraire, "L'ère du soupçon", peut éloigner les lecteurs de cette œuvre dense, éminemment intelligente, assez hermétique pour le lecteur(trice), amateur d'intrigues et d'action. Dans la préface lumineuse de son roman, "Portrait d'un inconnu", Jean-Paul Sartre évoque la vision de Nathalie Sarraute sur le "mur de l'inauthentique", la seule relation de fuite des individus, de soi à soi et de soi aux autres... Je conseille pour approcher cette femme écrivain singulière et complexe, son chef d'œuvre, "Enfance", écrit en 1983, un texte autobiographie sur la petite Nathalie.