jeudi 12 novembre 2020

"Ceux de 14" au Panthéon

 En regardant la cérémonie du Panthéon concernant Maurice Genevoix et les soldats morts en 14-18, je me suis demandée si c'était bien le moment d'organiser un tel événement après les attentats, la crise sanitaire, le désarroi des commerçants, les problèmes récurrents d'une société fragilisée et vulnérable. Evidemment, le Président Macron possède un talent certain pour les commémorations, les célébrations et les enterrements. Ces temps de ponctuation républicaine apportent une respiration dans le corps social enserré dans un tourbillon de faits réels durs à encaisser. Quand j'avais appris le nom du panthéonisé, Maurice Genevoix, que peu de Français connaissent, j'étais un peu étonnée de ce choix prudent. J'avoue que je préfère de loin d'autres voix littéraires sur cette guerre de 14-18 comme Henri Barbusse et Céline. Dans son discours rassembleur, le Président a évoqué le courage des camarades du Lieutenant Genevoix et il n'a pas oublié Charles Péguy, Alain-Fournier, Jean Giono, Apollinaire. Il a cité des soldats de toutes origines et même une femme soldat, Marie Marvingt qui se déguisa en homme pour aller combattre dans les tranchées. "Ce cortège de braves" entre donc au Panthéon. Ce moment de recueillement, vécu sans public, a certainement provoqué chez les Français un retour sur des passés familiaux. Pour ma part, j'ai songé avec regret à deux frères de ma grand-mère maternelle qui sont morts en 14 au front. Ils avaient 18 et 20 ans et s'appelaient Romain et Denis. Mon grand-père maternel a aussi fait cette guerre comme maréchal des logis et a peut-être croisé dans un champ de mines Maurice Genevoix et beaucoup d'anonymes qui sont partis en fumée. Je n'ai jamais posé de questions à ce grand-père, militaire de carrière. Sur son bulletin de guerre, j'ai lu cette note : "Très bon sous-officier, a donné constamment le plus bel exemple d'énergie et de dévouement. A rendu les meilleurs services accomplissant ses missions avec calme et sang froid et dans des conditions souvent périlleuses en Champagne en juillet 1918". Ce grand-père taiseux n'a jamais parlé de "ses guerres" et moi, jeune fille de quinze ans, je n'ai posé aucune question sur sa vie... Comment peut-on être aussi stupide ? Il est mort dans son silence. Tous ces soldats ont traversé l'enfer en 14 et il fallait peut-être que des écrivains s'expriment avec leur langage pour nous faire partager leurs tourments éternels. Malgré l'absence du public, cette cérémonie m'a semblé réussi par sa gravité. Un retour dans une Histoire française où chacun d'entre nous a senti les fantômes de quelques ancêtres, devenus proches et intimes, près de cent ans après leur disparitions. Dans ce contexte, un grand artiste allemand, Anselm Kiefer, a proposé six sculptures placées dans des vitrines de verre et d'acier et on entendait une œuvre sonore de Pascal Dusapin, mêlant un chœur,  distillant 15 000 noms de soldats morts durant la Grande Guerre. Je vais lire dorénavant "Ceux de 14" de Maurice Genevoix...