mardi 13 décembre 2016

"L'insouciance"

Dès que j'ai ouvert "L'insouciance" de Karine Tuil, je ne l'ai plus quitté... Ce roman avec son souffle romanesque emporte le lecteur(trice) dans les méandres tempétueux des trois personnages principaux. Quelques romanciers d'aujourd'hui ont conservé un héritage précieux : raconter une histoire palpitante, contemporaine, politique et psychologique. Karine Tuil a choisi trois figures significatives de notre société : un lieutenant, Romain, revenu d'Afghanistan, un patron juif, François, accusé de racisme et Osman, un fils d'immigrés ivoiriens, conseiller du Président de la République. Le militaire a vécu une attaque traumatisante sur le terrain afghan et les séquelles post-traumatiques le perturbent dans sa vie de couple. Il se détourne de sa famille et tombe fou amoureux d'une journaliste, Marion qui le rencontre à Chypre, une étape thérapeutique pour les soldats français. Cette journaliste est mariée à François Vely, un capitaine d'industrie dans la téléphonie. Cet industriel richissime soupçonne sa jeune femme de le tromper avec ce militaire modeste et ravagé par la guerre. Il nie ses origines juives et se retrouve malgré lui dans une histoire familiale mouvementée car son fils devient un religieux fervent. Il est aussi soupçonné de racisme anti-noir à cause d'une photo people où il s'assoie sur une sculpture représentant une femme noire. Osman, lui aussi est en crise. Il démissionne de son poste après avoir commis un mouvement d'humeur quand un conseiller du président lui demandait comment il vivait ses origines d'immigré africain. Karine Tuil leur donne la parole simultanément et des évènements se télescopent car les trois personnages se retrouvent confrontés à leurs origines sociales, ethniques et culturelles. Je ne dévoilerai pas l'accélération du récit dans la dernière partie quand les trois hommes se retrouvent dans un pays du Proche-Orient et l'un d'entre eux est enlevé par un groupe armé... Je regrette que ce roman n'ait pas obtenu un prix littéraire car le thème de l'identité percute notre société et produit des tensions évidentes. Une écriture fiévreuse, un sujet sensible, des personnages en crise, des amours difficiles, une société "intranquille", tous ces ingrédients composent un très bon roman, l'un des meilleurs de cette rentrée.