mardi 3 mars 2015

Atelier d'écriture

Marie-Christine nous a proposé d'écrire une petite nouvelle sur une rencontre imaginaire. Il fallait utiliser la troisième personne. Voilà mon texte, un mélange de vécu et d'imaginaire...
"Elle prenait régulièrement l'avion pour voir sa famille, car elle avait quitté sa terre natale pour des raisons professionnelles. Elle croisait des passagers solitaires comme elle et quand elle s'asseyait dans un siège, près d'un inconnu, soit le silence régnait, soit la conversation s'engageait. Elle préférait se taire, savourant sa bulle éphémère. Ses journaux, ses revues et ses livres s'étalaient sur le siège vacant quand elle se retrouvait l'unique passagère. Dans les deux heures de vol, son temps se suspendait entre le vrombissement du moteur, ses soubresauts dans les turbulences inquiétantes. L'avion entamait sa descente toute en douceur et le soulagement se diffusait chez les passagers quand l'appareil touchait brutalement le sol. Certains s'affairaient pour saisir leurs bagages et d'autres, fiévreux, ouvraient leur portable de peur d'avoir raté le contact téléphonique de leur vie. Un jour, une jeune femme prit place près d'elle. Elle l'avait repérée dans la fille d'attente car elle portait à l'épaule un étui de violoncelle. L'hôtesse lui prit son instrument de musique pour le déposer dans la soute à bagages. Cette jeune musicienne s'installa par miracle près de la voyageuse nostalgique. Oserait-elle lui parler ? L'anonymat reste la règle absolue. Le vol se déroulait en toute quiétude. Et la timidité l'emportait et chez l'une et chez l'autre. A dix minutes de l'arrivée, le silence fut rompu. "Je vous reconnais et je vous admire". La musicienne n'avait pas l'habitude de recevoir un tel compliment, habituée à l'indifférence des passagers. La conversation s'engagea enfin sur la carrière de la violoncelliste, ses tournées, sa vie monacale et nomade. Leur amour commun de la musique créait une complicité immédiate, chaleureuse et secrète. En se quittant, l'admiratrice demanda à l'interprète : "Quel est votre compositeur préféré ?" Sa co-passagère lui répondit :  "Bach, évidemment" .