vendredi 18 novembre 2022

Marcel Proust, le jeune homme éternel

Ce jour fatidique du 18 novembre 1922, Marcel Proust s'est éteint dans sa chambre au 44, rue de l'Amiral-Hamelin à Paris. Emporté par une bronchite mal soignée à l'âge de 51 ans, il nous reste une photo émouvante de l'écrivain, photographié par Man Ray au lendemain de sa mort. Il est enterré au Père Lachaise et Barrès a dit sur le parvis de l'église : "Enfin, c'était notre jeune homme !". Depuis le début de l'année, l'écrivain de la "Recherche" n'a jamais été autant fêté, distingué, exposé, commenté, décortiqué, exploré et exploité. J'ai suivi avec attention cette Célébration exceptionnelle en me rendant à la belle exposition du Musée Carnavalet à Paris où j'ai vu sa redingote, sa canne, son lit, des objets familiers que l'écrivain a touchés. France Culture a aussi joué un rôle majeur pour faire connaître cet écrivain génial qu'il faut lire et relire sans cesse. De nombreuses émissions ont évoqué la vie de Marcel Proust, son immense "cathédrale de mots", "La recherche du temps perdu" en sept tomes avec ses trois mille pages, des heures éblouissantes de lecture. Quand je lis Marcel Proust, je me lis comme beaucoup de ses admirateurs et admiratrices. Et son texte me parle, parle de l'amour, de l'amitié, de la famille, de la maladie, et surtout de la place de l'art dans la vie. La littérature, la musique, la peinture, la beauté des paysages, des monuments, de la nature, rien n'échappe à la curiosité multiforme du Narrateur. La vie pour lui est une source inépuisable de sensations et de sentiments. J'avais presque les larmes aux yeux en lisant la mort de sa grand-mère, un grand moment de la Recherche. Je souris quand il décrit avec un humour féroce les travers de la haute société bourgeoise avec les ambitieux Verdurin en tête. Et je reconnais la populaire Françoise, l'employée de maison, souveraine de son royaume, se démenant pour tuer un poulet. Swann, le délicat esthète, le raffiné cultivé, s'amourache d'une cocotte inculte mais comme elle lui rappelle un Botticelli, il s'égare dans cet amour invraisemblable pour une femme "qui n'était pas son genre". Marcel Proust décrit avec génie la puissance de l'amour et la déflagration de la jalousie, la beauté du monde et la noirceur des comportements humains, la vie sublimée par l'art. Je n'avais pas relu Proust depuis des années et comme le temps passe hélas trop vite, j'ai décidé de tout relire pour mieux le comprendre. La magie de la "Recherche" ne peut se ressentir profondément qu'à partir d'un âge certain. Cela tombe à merveille pour moi... Proust m'a accompagnée depuis ma jeunesse en l'étudiant à l'université. Je ne l'ai jamais perdu de vue ensuite mais aujourd'hui, j'éprouve le besoin de le relire encore plus attentivement, plus profondément pour naviguer dans ces phrases tortueuses, méandreuses, composées à partir de sa musique intime. Pour terminer cet hommage, je citerai cette phrase si célèbre : "les vrais livres doivent être les enfants non du grand jour et de la causerie, mais de l'obscurité et du silence". La "Recherche du temps perdu", un vrai livre, le Graal de la littérature.