lundi 4 juillet 2011

Ethnofiction

Cette forme littéraire, "ethnofiction", se décline sous le titre : "Journal d'un SDF", écrit par Marc Augé, ethnologue et écrivain, grand spécialiste de l'observation en milieu urbain, de la modernité, des non-lieux, du métro, etc. Il a composé de nombreux essais qui ont le mérite d'étre écrits dans un français classique et non dans un jargon sociologique illisible. Son dernier livre que j'ai lu avec intérêt est un "conte moderne", fictif et réaliste sur la vie d'un homme qui, à la retraite, est obligé de quitter son appartement en location et se retrouve dans la rue, faute de moyens financiers. Marc Augé se met littéralement dans la peau de cet homme des classes moyennes (il a été inspecteur des impôts) et, qui, avec ses deux mille euros de retraite, ne peut plus assurer une vie décente. Il donne une partie de sa pension à son ex-femme. La dérive commence en quittant son logement et en dormant dans sa vieille Mercedès. Il sauvegarde sa dignité d'homme en voulant rester "propre" et il loue de temps en temps une chambre d'hôtel pour l'hygiène. Il passe son temps à déambuler dans Paris et nous fait part de ses rencontres dans des bars où il reste encore des hommes et des femmes prêts à s'entraider. Il décrit la vie des quartiers avec ses rites, ses clivages de classe, ses strates sociales. Cette tentative littéraire d'ethnofiction me semble intéressante dans la mesure où le lecteur peut appréhender une réalité sociale cruelle pour certains. Ce "journal d'un SDF" pose le problème de la pauvreté et de la grande précarité, de l'angoisse de la crise sociale et du déclassement. Cet opus bref et concis, d'une écriture sobre et efficace devrait être lu par tous les "assoiffés" de richesse et de privilèges, ces "trop riches" dans une société inégalitaire qui abandonne trop de nos concitoyens au bord de la route...