mercredi 21 décembre 2022

"La gloire des petites choses"

 J'avais choisi le dernier essai de Denis Grozdanovitch, "La gloire des petites choses" pour l'Atelier Littérature de décembre. Comme aucune lectrice ne l'a lu, j'ai quand même eu envie d'en parler dans mon blog. Cet écrivain peu connu a pourtant quelques prix littéraires pour son "Petit traité de la désinvolture" en 2002 et pour "Dandys et excentriques" en 2019. Il a aussi une double particularité assez rare dans le milieu littéraire : un passé d'ancien joueur professionnel de tennis et de champion d'échecs. Dès les premières pages, il formule ainsi sa démarche  : "Il me semble qu'elle s'inscrit tout naturellement dans la suite des petites merveilles que je cherche à assembler dans ce recueil pour tenter de témoigner de l'essence poétique lovée au cœur des événements en apparence insignifiants". Commence alors dans ce texte éclectique un festival de citations, de poèmes, de références littéraires. Depuis des décennies, il remplit des carnets, ses compagnons fidèles,  afin de noter les "petites choses" de la journée. En s'appuyant sur ses préférences, il évoque Valery Larbaud, André Dhôtel, Julien Gracq, Georges Haldas, et tant d'autres que je ne peux citer. Ce texte se compose de variations infiniment littéraires pour un seul objectif : débusquer ce sentiment poétique de la vie, un équivalent du sentiment océanique, celui qui vous saisit face à la mer et à l'océan. Le poète grec, Yannis Ritsos traquait cette perception dans "la continuité merveilleuse des mouvements infimes". En lisant ses impressions sur la vie qui passe, l'auteur s'inspire d'un Montaigne qui avançait son texte par "sauts et gambades". Il pense à un grand poète comme Hölderlin, puis revient à lui-même et repart dans une anecdote littéraire. Comme un arbre qui déploie ses branches dans de nombreuses ramifications, son récit autobiographique prend aussi des chemins de traverse, des contournements, des raccourcis, des voies cachées. La poésie reste le thème majeur de son livre et chaque anecdote littéraire s'avère d'un grand intérêt. Grand lecteur, immense lecteur même, il aime fouiner chez les bouquinistes à qui il rend un hommage touchant : "C'est là, me semble-t-il, la vraie république des lettres, car l'on se place ainsi dans la longue chaîne de consciences fraternelles reliées par des affinités". Quel plaisir de découvrir un amoureux de la vie et de la littérature ! Il côtoie par la pensée les écrivains profonds, discrets, authentiques comme Simon Leys, hélas disparu. Il évoque aussi les écrivains tombés en "désuétude" tels Claude Roy, Paul Gadenne, Georges Duhamel et d'autres encore plus ensevelis sous l'oubli. Denis Grozdanovitch choisit ses admirations mais ose quand même critiquer un des poètes les plus célébrés d'aujourd'hui : René Char à l'absconse pensée et à l'imagination hermétique. L'essayiste donne ses propres recettes pour saupoudrer sa vie de quelques pépites poétiques et le moral s'améliorera sans pharmacopée nuisible pour la santé. Un hommage à la poésie du quotidien, un quotidien ré-enchanté.