vendredi 12 novembre 2021

"Bellissima"

Simonetta Greggio avait écrit un joli récit biographique sur une écrivaine mythique, Elsa Morante, en 2018. Cette autrice française mais italienne de culture avant tout, poursuit un projet autobiographique de l'Italie après les publications de "Dolce Vita 1959-1979" et "Les Nouveaux Monstres 1978-2014" . Dans ce troisième volume, "Bellissima", la narratrice raconte l'histoire de sa famille, de ses parents et de la sienne. Elle avoue dès les premières pages : "Qu'est-ce qui m'a poussée, jeune fille, à abandonner mes proches, ma maison, ma langue maternelle ? Pourquoi ai-je laissé derrière moi mes amis, mes petits frères, ma mère, mon pays ? Qu'est-ce qui fait qu'un homme tendre comme mon père est devenu un monstre, à un moment donné ? Quel est ce mal qui m'a rongée jusqu'à presque en crever ? Cela s'appelle Italie : ma douleur, mon amour, ma patrie". Née à Robino en 1961, près de Padoue, Simonetta Greggio se souvient de son enfance et de sa crise existentielle avec ce pays : "Pendant longtemps, j'ai refoulé - vomi  - mon Italie". Elle mêle à ses souvenirs intimes les événements tragiques de son pays, rongé dans les années 70 par les extrémistes de la Brigade rouge. En 1960, son père se met au service de "l'Ingénieur", un promoteur corrompu, issu de la Mafia. Sa mère, surnommée "Bellessima", pour sa beauté, tient un rôle principal dans cette famille qui cache bien des secrets indicibles que la narratrice dévoile au fil du récit : la violence d'un père monstrueux en particulier qualifiée de "fasciste". Elle évoque le poète et cinéaste, Pasolini, dont l'assassinat sur une plage près de Rome n'a toujours pas été élucidé : "Un monde qui écrase le cœur de ses écrivains n'est pas un monde qui les mérite". De chapitre en chapitre, elle fouille le passé opaque de sa famille en révélant l'origine juive de sa mère longtemps occultée. Mais un événement traumatique dans l'enfance de la narratrice donne une clé de son projet littéraire. A huit ans, la petite Simonetta a réussi à échapper à un prédateur sexuel dans une forêt et ce souvenir la hante pour jeter une "ombre infinie" sur sa vie. Son arrachement à sa famille et à ce milieu nocif constituait la seule issue pour sortir de ce cauchemar récurrent. Les chapitres courts se succèdent sans souci de chronologie revenant sur des anecdotes significatives de sa vie privée et de l'histoire de l'Italie. Ce récit romanesque fourmille de nombreuses allusions sur les figures marquantes de la vie intellectuelle italienne. La colère, le dépit, la rancœur pèsent dans les mots de Simonetta Greggio mais aussi l'amour, la passion et une fidélité radicale dans le bon sens du terme pour son identité première, l'italienne... Pour tous les amoureux et toutes les amoureuses de ce pays si attachant, il faut lire Simonetta Greggio.