lundi 29 juillet 2019

Le Château des Ducs de Savoie

Dimanche après-midi, j'ai proposé à ma sœur qui vit en Côte basque de découvrir le Château des Ducs de Savoie… Comme il pleuvait un peu, je me suis dit que ce serait une visite idéale pour passer un bon moment dans le passé de notre capitale savoyarde. J'ai joué le rôle de la touriste de base pour prendre un billet vers 14H afin de pénétrer dans l'enceinte du Château. Un guide nous a donc raconté l'histoire de ce bâtiment, datant du XIe siècle. Modifié à plusieurs reprises depuis le XIIIe, il a conservé sa fonction administrative en abritant la Préfecture et le Conseil général de Savoie. Evidemment, les ailes fonctionnelles sont fermées au public et ne sont visibles que dans le cadre des Journées du patrimoine en septembre. J'ai écouté le guide avec attention et découvert des anecdotes historiques insolites. Souvent, je me passionne pour toutes les capitales européennes et j'attache moins d'importance à la ville où j'habite comme si la familiarité du lieu lui ôtait toute sa magie. J'avais déjà vu le Château, l'édifice le plus visité de la cité, mais je n'avais pas remis mes pieds depuis une bonne vingtaine d'années. Le guide a donc ouvert les portes de la Tour Trésorerie qui présente des cartes sur Chambéry. Après un quart d'heure d'explication sur le rattachement de la Savoie à la France en 1860, un quidam toujours plus malin que les autres, conteste un fait historique et discute avec le guide en nous faisant perdre des minutes précieuses pour poursuivre la déambulation. Ces énergumènes, la plupart du temps du genre masculin (les femmes n'interviennent presque jamais) font preuve de cuistrerie et m'indisposent au plus haut point. C'est pour cette raison que je fuis les visites guidées dans mes pérégrinations. Puis, les portes de la Sainte Chapelle se sont ouvertes pour découvrir les très beaux vitraux du XVe ainsi que la nef unique, l'abside polygonale, le décor gothique flamboyant, la façade de style classique, l'autel en marbre et en bois doré du XVIIIe. Cette chapelle a abrité longtemps le mythique Saint Suaire, le linceul du Christ (que la science conteste) qui se trouve à Turin. Le guide raconte l'histoire du lieu en essayant d'illustrer ses propos avec des anecdotes humoristiques qui tombent souvent à plat. Il faut bien maintenir l'attention du groupe… Une heure après, la troupe docile s'est dirigée vers la rue Juiverie, les allées où se cachent quelques hôtels particuliers. Nous avons abandonné le groupe après deux heures de visite et malgré le ciel gris, la ville garde un certain charme diffusé par son identité médiévale. Mais, j'avoue que je préfère de très loin me balader seule dans les rues de la ville, de regarder les façades des hôtels particuliers, de parcourir les allées solitaires, de lire un bon guide, de flâner librement sans attendre les uns et les autres… Les découvertes organisées ne semblent pas du tout me convaincre mais j'ai quand même grapillé quelques informations sur ma patrie d'adoption : la Savoie aux couleurs italiennes... 

mercredi 24 juillet 2019

"Un été avec Baudelaire"

Antoine Compagnon, professeur au Collège de France et grand spécialiste de la littérature française avait écrit "Un été avec Montaigne", "Un été avec Proust" et récidive en proposant "Un été avec Baudelaire", publié en 2014 aux éditions Equateurs. J'avais envie de redécouvrir en fait un poète que je connais assez mal. Autant Montaigne est apprécié par Antoine Compagnon pour son humanité, son empathie, ses doutes et sa sagesse, autant Baudelaire n'attire pas une sympathie immédiate que l'auteur qualifie "d'homme blessé et amer, un cruel bretteur, un fou génial, un agitateur d'insomnies". Son œuvre semble aussi disparate, fragmentaire, diverse et sombre. Le poète est né en 1821 d'une mère, âgée de 28 ans alors que son père avait dépassé la soixantaine. Ce père, ancien prêtre, est mort alors que le petit Charles avait six ans. Sa mère se remarie avec un général et le petit garçon devenu grand gardera un souvenir rugueux de cet homme strict et peu commode. Sa mère, devenue veuve, se retire à Honfleur. Baudelaire subit un procès retentissant avec "Les Fleurs du Mal" en 1857. Le réalisme morbide du recueil attentait aux bonnes mœurs. Antoine Compagnon cite beaucoup d'extraits de poèmes et en particulier, analyse la fascination de Baudelaire pour la mer qui pour le poète donne le sentiment de l'Infini, une idée de la Transcendance : "Pourquoi le spectacle de la mer est-il si infiniment et si éternellement agréable ? Parce que la mer offre à la fois l'Idée de l'immensité et du mouvement". Antoine Compagnon n'occulte pas les aspects négatifs de Baudelaire : il n'aimait pas la démocratie, le progrès et l'émancipation des femmes… Il faut surtout retenir que la femme pour lui demeurait une énigme inatteignable et ses poèmes aux allures nervaliennes comme "La passante" possèdent des accents hypermodernes. Antoine Compagnon décrit le dandysme de Baudelaire comme une manifestation d'un individualisme farouche et élitiste. Cet ouvrage abonde d'anecdotes qui illustrent la vie du grand poète. Ce petit livre initiatique donne vraiment envie de relire plus attentivement les œuvres de Baudelaire et pour ma part, j'ai acquis pour ma liseuse ses œuvres complètes pour la très modique somme de deux euros… Je pourrai ainsi embarquer Baudelaire dans mes bagages et redécouvrir ce classique incontournable. 

lundi 22 juillet 2019

"L'amour harcelant"

Le premier roman d'Elena Ferrante, "L'amour harcelant", publié en 1995, traduit par Jean-Noël Schifano, vient d'être réédité en 2018. La narratrice, Délia, annonce dès la première ligne, la mort de sa mère, Amalia, par noyade. Elle a été retrouvée portant sur elle un soutien-gorge neuf, coûteux, acquis dans une boutique de luxe de Naples. Délia, sa fille cadette, décide de mener une enquête pour démêler les fils de cet évènement tragique et énigmatique. La disparition d'Amalia plonge Délia dans un foisonnement de souvenirs, parfois lumineux, souvent obscurs. Elle se rappelle la présence envahissante de cette femme agaçante : "Avec elle, je ne savais être que contenue et insincère. Elle s'en retournait à Naples dès ma première ombre d'impatience". A la veille de sa mort, sa mère l'avait alertée par téléphone qu'elle se sentait pourchassée. Le lendemain, son corps est retrouvé. Délia se charge de la cérémonie à laquelle n'assiste pas son père, séparé de sa femme depuis longtemps. Après l'enterrement, tous les membres de la famille s'éparpillent et Délia se retrouve seule pour affronter la vérité. Qui était donc Amalia ? Qui se trouvait avec elle sur cette plage ? Cette femme formait un couple difficile avec son mari, trop jaloux, trop violent, trop machiste. Pour gagner sa vie, cet homme irascible peignait des toiles faciles pour les vendre grâce à l'intermédiaire d'un mystérieux Caserta. Délia visite l'appartement de sa mère et se réapproprie le passé en fouillant ses affaires intimes. Elle tente d'éclaircir la nature du lien entre Amalia et Caserta. Etaient-ils amants ? Sans doute… Dans un Naples hallucinant, elle cherche des indices, interroge le fils de Caserta, va même affronter son tyran de père. Elle se rend compte que sa mère restera une énigme même si elles partageaient des attitudes communes. Sa quête fiévreuse et désespérée aboutira à une fusion finale où elle devient Amalia. L'amour harcelant concerne en fait tous les liens amoureux des personnages : mère-fille, fille-mère, mari-femme, amant-maîtresse... La ville de Naples, chaotique et anarchique, ressemble à ses habitants au tempérament volcanique, le Vésuve les influence certainement... Ce premier roman, sombre et violent, ne plaira pas peut-être pas aux innombrables lecteurs(trices) de la saga, "L'amie prodigieuse",  beaucoup plus lumineuse. Je l'ai lu avec beaucoup d'intérêt en retrouvant dans ce premier projet littéraire les fondamentaux de son œuvre : la violence dans les relations hommes-femmes, la ville de Naples, le choix d'une narratrice, double de l'écrivain. Un roman surprenant et intranquille… 

vendredi 19 juillet 2019

Balade à la Médiathèque de Chambéry

Aujourd'hui, je devais rendre des documents à la Médiathèque et j'en ai profité pour rester un bon moment à butiner dans quelques rayonnages, à flairer les nouveautés, à feuilleter quelques journaux. J'aime ces moments entre 13h et 14h où le silence règne dans tous les étages, où la fraîcheur climatisée protège de la chaleur étouffante de la ville. Peu de lecteurs, de lectrices et je n'ai croisé que quelques employés de la médiathèque. Espace laïque, profane par excellence, le lieu prend l'allure d'une vieille église, d'un temple protestant, d'un lieu sacré en fait. Une bibliothèque à mes yeux diffuse ce charme incommensurable du recueillement, de la concentration et ô miracle, aucune sonnerie de téléphone n'atteint mes oreilles. Les usagers (quel mot affreux) ont déserté, se sont éparpillés en montagne, sur les bords des lacs ou dans des destinations plus lointaines. Je commence donc par le secteur littérature au premier étage. Peu de nouveautés disponibles, elles aussi se sont embarquées dans les valises des vacanciers. J'ai le temps de fureter les étagères d'un espace qui me convient beaucoup, celui de la littérature. Les bibliothécaires ont adopté une classification simplificatrice, les quatre lettres LITT, (ou littérature) pour caser tous les ouvrages incasables. Tout ce qui n'est pas fictionnel se retrouve dans ce secteur peu fréquenté par ailleurs. J'aime me pencher sur ces livres où le mélange des genres me procure toujours des réflexions jouissives tellement la cohabitation entre écrivains me semble incongrue. Les grands écrivains classiques côtoient les contemporains parfois inconnus. J'ai donc mis dans mon sac, Marie-Hélène Lafon et son "Album", "Un été avec Baudelaire", "Glaneurs de rêve" de Patti Smith, "Le fils perdu" de Olivier Barrot. Des livres qui s'ajoutent au programme déjà saturé de mes lectures d'été. Je suis tombée sur la Pléiade, "Les mémoires d'Outre-Tombe" de Chateaubriand. J'ai lu quelques lignes en admirant le style magnifique mais, je l'ai abandonné sur le rayonnage. Je suis pourtant à la retraite, me suis-je dit, mais non, cette œuvre me demanderait trop de temps à la relire quarante ans après… Je suis montée au deuxième étage pour le rayon philo et j'ai trouvé un Clément Rosset, "Le régime des passions". Le titre m'a plu et hop, dans mon sac. Je regarde les nouveaux documentaires sur les tables et j'observe que certains sujets ne semblent pas passionner les foules. Ils sont là depuis quelques semaines dans l'attente d'une main bienveillante. Certains livres souffrent d'abandon… Je les emprunterai un jour pour qu'ils prennent l'air… Voila mon début d'après-midi à la Médiathèque de Chambery. Mon sac était rempli de pépites livresques et en plus, c'est gratuit ! Quelle belle invention, la lecture publique… 

jeudi 18 juillet 2019

"Un été avec Paul Valéry"

Chaque exemplaire de la collection "Un été avec" devient un rendez-vous bien sympathique une fois par an. Cette publication est tirée d'une série d'émissions diffusées sur France Inter. Plusieurs volumes ont été proposés à la rencontre de Montaigne, Proust, Baudelaire, Hugo, Machiavel, Homère. Cette année, c'est au tour de Paul Valéry, raconté par Régis Debray. Quand il était prisonnier dans une geôle en Bolivie, il y a cinquante ans, il se souvenait de quelques vers du "Cimetière marin" : "Un morceau de langue française, que je ne pratiquais plus guère. Etrange remontée de sève." Paul Valéry intimide généralement les lecteurs(trices) et demeure encore aujourd'hui un écrivain peu connu du grand public malgré son immense réputation littéraire. Pas un titre ne viendrait à la mémoire des amateurs à part ses poèmes et son "Monsieur Teste". Pourtant, cet Académicien, "du genre noble et barbant", couvert d'honneurs, penseur hybride, philosophe sans titre,  n'intéresse pas le biographe. Il choisit surtout le côté "lanceur d'alerte" avec son essai sur le monde de son époque, "Regards sur le monde actuel", publié en 1931 qui devrait être inscrit comme lecture obligatoire à tous les futurs énarques. Il propose un anti-portrait en jouant sur la dualité de Paul Valéry, oscillant entre l'aspect marmoréen de sa vie officielle littéraire et le côté frondeur de sa vie privée. Ce petit livre révèle des épisodes de sa vie amoureuse en particulier avec Catherine Pozzi et Jeanne Loviton. Antidreyfusard dans sa jeunesse, il fit l'éloge d'Henri Bergson pendant l'Occupation. Jean Moulin avait songé à Paul Valéry pour devenir Président de la République. Il aura des funérailles nationales, ordonnées par le Général de Gaulle. Ce "pur esprit" aimait le sport, la natation surtout et vouait un culte à la mer Méditerranée, lui, le natif de Sète. Régis Debray le définit ainsi : "Il sut rendre l'abstrait velouté et l'idée pure sensuelle et sensorielle". Un bel hommage écrit d'une façon vive et piquante. Il donne envie de découvrir ses poèmes et surtout ses essais. Je me souviens de ma visite au cimetière de Sète il y a de nombreuses années. Un monsieur m'avait demandé s'il pouvait me renseigner. Je lui ai dit que je cherchais la tombe de Paul Valéry mais, il ne connaissait pas ce "défunt"... J'ai fini par trouver sa tombe et sur la pierre sont inscrits ces vers : "La mer, la mer toujours recommencée/ O récompense après une pensée/ Qu'un long regard sur le calme des dieux". 

mercredi 17 juillet 2019

"Sonate de sortie"

A mon avis, une des plus beaux livres de ces dernières années, s'appelle "Le Lambeau" de Philippe Lançon. Je radote car j'ai déjà évoqué ce choc que je ne ressens pas toujours devant un livre. Je le relirai certainement tellement il m'avait fascinée. Ce témoignage bouleversant sur la reconstruction de l'écrivain après l'attentat de Charlie Hebdo aura certainement une seconde vie quand il paraîtra en livre de poche. De temps en temps, je feuillette à la Médiathèque, la Nouvelle Revue Française, fondée en 1908 et publiée par Gallimard. Cette revue se compose d'un éditorial, signé par Michel Crépu, de textes d'écrivains, d'un entretien, de critiques, de notes de lectures sans oublier quelques considérations sur l'art. Dans le numéro de novembre 2018, Philippe Lançon a composé une "sonate de sortie". Il raconte dans ce texte la mort de son père à 84 ans alors que son témoignage était en cours de création. Le narrateur accompagne cet homme jusqu'à la fin en lui faisant écouter du Bach et des appels de ses copains de la Marine. Il écrit : "La musique l'accompagne là où les autres ne vont plus. C'est en elle, peut-être, que s'unissent les vivants et les morts". Philippe Lançon sortait de trois ans d'hôpital quand la maladie a saisi son père. "Un passage de relais", selon l'auteur. Il s'est senti sauvé par "l'écriture qui seule m'a permis de rétablir la durée, la sensation d'exister autrement que par une série d'instants physiquement déterminés". Puis, l'auteur évoque la date symbolique du 14 juin 2015, une étape essentielle dans sa guérison. Deux policiers viennent le chercher à l'hôpital pour le conduire dans un appartement où une surprise, organisée par son ex-femme et des amis, l'attend. Devant lui, un piano noir et un homme se lève pour venir le saluer. Cet homme s'appelle Alexandre Tharaud, le grand virtuose. Cette rencontre lui permet de fouiller sa mémoire jusqu'à Berlin où un ami lui avait fait écouter Rameau au piano interprété par Alexandre Tharaud. Il joue devant lui tous les morceaux qu'il a écoutés dans sa chambre d'hôpital. Ce moment de pur bonheur suspend le temps de sa maladie. Le lendemain, le pianiste va rendre visite à Philippe Lançon et quand ils se retrouvent devant un piano désaccordé, Alexandre Tharaud interprète les Variations Golberg : "le vieux piano s'est réveillé, les douleurs ont disparu". Philippe Lançon offre un beau texte d'hommage à la musique à tous ses lecteurs(trices) qui ont "Le lambeau" gravé dans leur mémoire. J'avais l'impression de retrouver un ami dans ce salon où "la sonate de sortie" symbolise un retour à la vie, une vie physiquement bonne et diablement belle pour un survivant. 

lundi 15 juillet 2019

"Le naufrage des civilisations"

Amin Maalouf est très apprécié pour ses romans comme "Léon l'Africain", "Samarcande", "Le rocher de Tanios". Il a déjà eu l'intuition d'un certain désordre du monde avec "Les identités meurtrières", ouvrage prémonitoire écrit en 1998. Depuis 2011, il occupe aujourd'hui le fauteuil de Claude Lévi-Strauss à l'Académie française. Cet écrivain franco-libanais s'est exilé en France dès 1976 lors de la guerre du Liban et a ainsi quitté sa carrière de journaliste. Sa carrière littéraire démarre en 1983 et il obtient le prix Goncourt en 1993 avec "Le rocher de Tanios". En 2009, il publie "Le dérèglement du monde" pour analyser l'état inquiétant de notre planète. Il évoquait la crise morale, politique, intellectuelle et climatique de l'Occident. Dans "Le naufrage des civilisations", l'inquiétude de l'auteur  gravit une marche de plus. Il relate ses expériences de journaliste à Saigon à la fin de la Guerre du Vietnam, à Téhéran lors de la Révolution islamiste. Il écrit : "En l'espace d'une vie, on a le temps de voir disparaître des pays, des empires, des peuples, des langues, des civilisations. L'humanité se métamorphose sous nos yeux. Jamais, son aventure n'a jamais été aussi prometteuse, ni aussi hasardeuse. Pour l'historien, le spectacle du monde est fascinant. Encore faut-il pouvoir s'accommoder de la détresse des siens et de ses propres inquiétudes". Amin Maalouf revient sur son Levant naufragé par les guerres tribales et religieuses et en particulier sur la Guerre des Six Jours entre Israël et l'Egypte. Intégré au récit historique, il évoque sa culture composée de racines très diverses et surtout raconte avec émotion le souvenir de ses parents. Ce rappel des faits précis et analysés éclaire l'actualité contemporaine. Ce livre dense et documenté se lit presque comme un roman même si certains personnages composent une fresque humaine sinistre et inquiétante. J'ai appris beaucoup d'éléments historiques et politiques surtout sur le Moyen Orient qui me permettent de comprendre les relations internationales aussi tendues que complexes. L'écrivain dans le dernier chapitre "Un monde en décomposition" récapitule les plaies de notre civilisation en dénonçant le réchauffement climatique, la robotisation du travail, la dérive orwellienne de la société, l'augmentation des inégalités, les sentiments identitaires. Que faire devant ce constat réaliste ? Amin Maalouf en homme sage n'invente pas des solutions miracles. Il propose quelques pistes : ouvrir les yeux, prendre conscience de tous ces périls menaçants, informer, prévenir, garder l'espoir… Cet essai remplit cette mission d'alerte et semble bien moins pessimiste que certains livres qui prédisent la fin du monde dans une ou deux décennies… 

vendredi 12 juillet 2019

Rubrique cinéma

Cet après-midi, je suis allée voir le film anglais de Chanya Burton, Vita et Virginia. Dès que j'avais appris qu'un long métrage était consacré à Virginia Woolf, je me suis précipitée pour le voir à l'Astrée. Il vaut mieux connaître la vie de cette fabuleuse écrivaine pour apprécier les détails biographiques d'un épisode particulier dans sa vie. La réalisatrice a osé montré l'une des icones littéraires du XXe siècle et ce pari risqué me semble réussi. En 1922, "Mrs Dalloway" vient d'être publié et Virginia souffre d'une dépression récurrente avec quelques hallucinations. Sa santé fragile l'isole socialement et son mari Léonard la surveille de très prés. Pendant ce temps, Vita Sackville-West, subjuguée par le talent de Virginia, tente de l'approcher pour lier une relation amicale avec elle. Mais, Vita, bien que mariée, mène une vie double avec des maîtresses. Sa réputation sulfureuse attire la colère de sa propre mère, offusquée par sa conduite immorale. A cette époque, il fallait courageusement transgresser les normes pour se sentir libre, surtout pour les femmes. Vita invite Virginia dans son domaine familial et se noue alors une relation amoureuse entre elles. La vie les sépare souvent car Vita voyage avec son mari ambassadeur. Elles échangent des lettres pour maintenir ce lien fragile. Virginia compose son roman "Promenade au phare" et son amante un peu plus lointaine commence à se lasser d'elle. Dans une soirée, organisée par la sœur de Virginia, Vita réapparait avec une nouvelle conquête féminine. Virginia comprend alors que sa relation se termine dans la trahison. Mais, pour sublimer cette histoire, l'écrivaine la transpose dans une biographie très originale, "Orlando", inspirée par Vita. Un homme, poète élisabéthain, se transforme en femme et traverse plusieurs siècles. Malgré leur rupture, elles restent amies et se soutiendront jusqu'au suicide de Virginia Woolf en 1941. L'actrice, Elizabeth Debicki, interprète l'écrivaine avec une ressemblance frappante toute en fragilité, concentration, excitation et abattement.  Ce film met en scène la relation amoureuse de deux femmes libres et créatrices, deux héroïnes de la littérature anglaise et même si elles choisissent de ne pas se séparer de leur mari, elles ne s'empêchent pas de vivre leur passion. Avec des décors raffinés, un fonds sonore imitant des pulsations, l'atmosphère fébrile des années 30, l'évocation du groupe de Bloomsbury, ce film féminin et féministe possède un charme so british… 

mercredi 10 juillet 2019

"Les certitudes du doute"

J'ai déjà évoqué l'écrivaine sicilienne, Goliarda Sapienza (1924-1996). J'ai toujours gardé dans ma mémoire un très grand bonheur de lecture en lisant son grand roman emblématique posthume, "L'art de la joie", publié en 2005. En 2018, sa maison d'édition a édité ses "Carnets" inédits et grâce à cette publication, les lecteurs(trices) de cette écrivaine singulière ont retrouvé avec plaisir le style inimitable et les histoires quelque peu rocambolesques  de son univers romanesque. Quand on pénètre dans un de ses livres, on éprouve une sensation de familiarité, de proximité comme si une amie nous confiait des secrets. Goliarda Sapienza appartient à la catégorie des écrivains intimistes et à travers les personnages qu'elle décrit, elle fait chanter l'immense charme de l'Italie, des Italiens et de la Sicile en particulier. J'ai lu récemment "L'université de Rebibbia" où elle racontait avec son style vivant, parsemé de dialogues, son séjour en prison, une prison qu'elle compare à une université de la vie. Après un vol de bijoux chez une amie, son séjour carcéral l'a marquée à tout  jamais. Elle évoquait l'ambiance de la prison, les relations troublantes entre les détenues et malgré tout, la solidarité entre elles. Pour certaines femmes, la prison représentait un lieu protégé de la violence des hommes dans leur milieu social. La suite de ce récit, "Les Certitudes du doute", est le dernier tome du cycle autobiographique qu'elle intitule "Autobiographie des contradictions". L'écrivaine se trouve à Rome dans les années 80. Elle rencontre par hasard une ancienne co-détenue de la prison de Rebibbia. Roberta, une militante d'extrême gauche, proche des Brigades rouges, est tombée dans la drogue. Cette fille, qui a passé la moitié de sa vie en prison, considère Goliarda comme une mère car elle est plus âgée qu'elle. Elle entraîne l'écrivaine dans un milieu qu'elle n'a jamais côtoyé et dans lequel, elle trouve vite ses marques. Sa fascination pour Roberta lui donne l'illusion de retrouver le climat affectif qui les liait dans la prison de Rome. Elle veut sauver la jeune femme de la drogue et de la délinquance. Mais, ce projet n'aboutit pas. Roberta s'était trop fourvoyée dans une vie difficile. Les rues de Rome et la vie marginale très bien décrite donne un aspect théâtral au récit. La personnalité généreuse et un peu naïve de l'écrivaine se devine à travers toutes les lignes. La société n'est pas toujours ouverte et manque de bienveillance pour des êtres plus fragiles. Mais, le message le plus important de Goliarda Sapienza réside dans sa volonté farouche d'être une femme rebelle et libre. 

mardi 9 juillet 2019

Jean-Paul Kauffmann, 3

J'ai emprunté à la Médiathèque de Chambéry, "31, allées Damour", une biographie de Raymond Guérin (1905-1955), écrite par Jean-Paul Kauffmann. Quand je découvre ou redécouvre un écrivain, je suis saisie d'une curiosité insatiable. Je veux rattraper le temps perdu. Je connaissais Raymond Guérin comme un écrivain complétement oublié aujourd'hui. Cette biographie peut-elle sauver Guérin des ténèbres dont souffrent beaucoup d'auteurs qui ne correspondent plus aux goûts des lecteurs(trices) contemporains ? Peut-être que le travail de mémoire de Jean-Paul Kauffmann va attirer quelques passionnés de littérature qui se hasarderont dans les méandres de cet écrivain bordelais singulier. Encore faut-il trouver ses romans dans les bibliothèques, les librairies d'occasion ou les brocantes… J'ai vérifié dans le catalogue de la Médiathèque et je peux emprunter en prêt indirect le seul livre de Guérin : "Retour de barbarie", où il relate la période de l'Occupation en 1943 alors qu'il venait de passer trois ans et demi dans un stalag. La préface est signée par…  Jean-Paul Kauffmann. Pourtant, l'écrivain biographié ne soulève pas une empathie immédiate. Inclassable, Raymond Guérin est mort à cinquante ans. Agent d'assurances à Bordeaux, il avait commencé sa carrière dans un hôtel à Paris. Prisonnier en Allemagne, il revient avec un roman, "Les Poulpes" d'une noirceur irrémédiable. Il compose une œuvre originale qu'il nomme "La mythologie de la réalité". Apprécié par quelques écrivains connus comme Jean Grenier, Henri Calet, Malaparte, Raymond Guérin n'a jamais acquis une réputation littéraire incontestable qui l'aurait apaisé. Le biographe mène une enquête très fouillée sur la vie de cet homme malheureux et incompris. Il s'imprègne de son univers, visite son appartement, rencontre son ancienne employée de maison, raconte ses amours, ses parents. Il symbolise la figure de l'écrivain non reconnu, subissant le dédain de l'élite éditoriale parisienne. Cet écrivain maudit fascine littéralement Jean-Paul Kauffmann, journaliste des causes perdues. Dans un article du journal Le Monde, le destin injuste de cet écrivain oublié l'a ému  et il voulait lui rendre hommage : "Le livre de Guérin (les Poulpes) publié en 1953 n'a pas rencontré son public malgré sa grande force littéraire. Je lisais son journal avec un sentiment d'angoisse, une prémonition de la catastrophe (son enlèvement)". Cette biographie originale et très bien documentée se lit comme un roman et révèle un personnage romanesque hors du commun qui se nomme Raymond Guérin. J'ai ajouté un de ces livres dans mon programme de l'été… 

lundi 8 juillet 2019

Jean-Paul Kauffmann, 2

Quand j'ai proposé en juin un choix d'ouvrages sur la mer dans le cadre de l'atelier Lectures, j'avais intégré dans la liste, "L'Arche des Kerguelen" de Jean-Paul Kauffmann. Je n'ai pas eu le temps d'évoquer ce livre et je corrige cet oubli aujourd'hui. Publié en 1992, il vient d'être réédité en livre de poche dans la collection Vermillon. Quatre ans après sa captivité au Liban, l'auteur entreprend un voyage dans cette île australe, située dans l'Océan indien, proche de l'Antarctique, découverte par Yves de Kerguelen en 1772, mandaté par Louis XV. Cet archipel qu'il découvre ne correspond pas à l'idée du paradis terrestre : paysages austères, fjords, falaises abruptes, montagnes acérées, un caillou balayé par des vents forts que l'on ne peut atteindre que par bateau depuis la Réunion. Ces îles dites de la Désolation restent un mystère pour nombre de voyageurs, attirés par la virginité de cette terre. Jean-Paul Kauffmann n'hésite pas à se rendre sur ce territoire dorénavant occupé par une poignée de militaires et par des scientifiques énigmatiques. Tel un personnage de Jules Verne en quête d'exploration, il décrit avec talent la géographie physique des Kerguelen, le climat rude, l'absence d'une faune diversifiée, mais il remarque la présence d'oiseaux, d'éléphants de mer, de quelques moutons importés, des chats sauvages et de lapins. Le narrateur, fasciné par la magie du lieu, écrit : "Dans cette vallée que je croyais morte m'est révélé pourquoi le vent est à l'origine de la création du monde". Il marche sur les traces de Rallier du Bay, d'Yves de Kerguelen, de quelques personnages qui ont erré sur l'archipel. Il retrouve des tombes d'inconnus et rêvent de leurs présence fantomatiques dans cet espace sauvage. Ce voyage au bout du monde lui procure un vertige immense devant ce territoire où la liberté et la solitude s'unissent pour former un monde premier, une terre des origines. Je cite cette phrase : "Entre la page blanche et l'achevé d'imprimer, les Kerguelen donnent l'illusion d'approcher des origines ou des fins dernières". Lire ce bel ouvrage hybride (historique, géographique, sociologique, littéraire, scientifique), c'est s'offrir un voyage aux confins d'un monde tout en évitant les rigueurs du climat. Le narrateur s'exclame ainsi : "Je suis heureux d'affronter de mon plein gré l'extrême solitude et l'élémentaire clarté d'une nature hostile". Dommage que ces îles soient aussi lointaines pour moi… Grâce à Jean-Paul Kauffmann, j'ai l'impression de les avoir visitées. 

vendredi 5 juillet 2019

Jean-Paul Kauffmann, 1

J'ai découvert Jean-Paul Kauffmann récemment. Pourtant, Mylène dans l'atelier Lectures avait présenté "Remonter la Marne", publié en 2013 qu'elle avait beaucoup apprécié. Mon intérêt à son égard a commencé à poindre mais pas suffisamment. Je l'ai oublié par étourderie. Un jour, je déniche chez un libraire d'occasion, "La maison du retour", sortie en 2007. J'ai lu ce témoignage avec beaucoup de curiosité car l'auteur racontait son retour douloureux en France après trois ans de captivité au Liban en 1985. Il évoque ce drame terrible, son impossibilité de lire alors qu'il est un amoureux absolu de littérature. Il achète une maison dans les Landes, une région isolée et magnifique. Il la rénove pour en faire sa tanière, son havre de paix, son salut, symbole même de sa propre reconstruction. Avec élégance et pudeur, il livre quelques souvenirs de sa vie d'otage avec un courage d'une dignité rare. A la télévision, je me souviens des trois otages dont les visages apparaissaient sur l'écran et on imaginait bien le calvaire qu'ils vivaient dans leur prison, retenus par des geôliers inhumains. Michel Seurat mourra en détention. De cette expérience traumatisante, le journaliste ne dévoilera que des bribes, pudeur oblige. Il écrit : "Pendant ma captivité, j'ai manqué cruellement de livres. (…) J'ai fait mes délices de la collection Harlequin. Quand on n'a plus rien, s'appuyer sur une histoire - même pas une histoire, des lignes suffisent, des phrases pourvu qu'elles soient à peu près cohérentes -, c'est se constituer un bouclier contre le monde hostile. La lecture plus que la littérature m'a sauvé." Jean-Paul Kauffmann relate ses relations avec deux ouvriers du bâtiment, ces seuls hôtes de la maison, baptisée les Tilleuls, en plein milieu des pins. Son récit autobiographique élude la douleur du passé et permet au narrateur de se ressourcer au sein de la nature landaise : "Dans le calme du soir, les grands pins noirs renvoient vers la maison une odeur profonde de sous-bois. Une odeur qui souligne un silence duveteux et régalant. Le contraire du vide, du manque. Un silence vivant, balsamique. (…) Le mutisme va bien à cette maison calme qui recueille le parfum résineux de la forêt". Cet écrivain inclassable distille dans ses textes un charme incommensurable : des sensations d'être au monde, une inquiétude existentielle, une rêverie latente, une passion des livres. J'ai rattrapé le temps perdu en découvrant "L'Arche des Kerguelen", "31, Allées Damour" et bientôt son dernier livre sur Venise. J'aime cette catégorie d'écrivains qui préfèrent la discrétion à la gloire, le silence au bruit, la vie en littérature au lieu d'un réel trompeur… La suite, lundi. 

jeudi 4 juillet 2019

"Comment tout peut s'effondrer"

Dans l'atelier "Les idées en partage", nous abordons divers sujets concernant aussi l'actualité. Un des participants a pris la parole récemment pour nous parler de "collapsologie". Comme je suis de nature curieuse, j'ai emprunté à la médiathèque l'ouvrage, "Comment tout peut s'effondrer ou Petit manuel de collapsologie à l'usage des générations présentes", écrits par Pablo Servigne et Raphaël Stevens et publié aux Editions du Seuil dans la collection Anthropocène. Tous ceux qui sont déjà angoissés par le réchauffement climatique, la pollution, la disparition programmée des espèces, ne doivent pas ouvrir ce livre apocalyptique. J'avais été surprise de rencontrer à Chambéry des centaines de lycéens qui manifestaient gentiment contre le réchauffement climatique. J'ai remarqué aussi que les sujets écologiques appartiennent désormais à tous les partis (sauf le RN). Les médias audiovisuels et la presse papier ont complétement intégré dans leur sommaire les grands thèmes de l'écologie. Le bio prend de plus en plus sa part de marché malgré un surcoût dommageable. J'ai aperçu un bandeau immense sur le bord de la route avec cette phrase : "la planète meure"... Je retranscris l'orthographe et je me disais que tout s'effondre, surtout l'orthographe ! Le mot collapsologie, du latin collapsus, "qui est tombé d'un seul bloc" devient donc une possibilité de plus en plus probable. Les deux spécialistes dont l'un est ingénieur agronome et docteur en biologie dressent un constat effrayant : surpopulation ("Une personne , née dans les années 1930, a donc vu la population passée de deux milliards à sept milliards !"), énergies fossiles en cours d'épuisement ("nous vivons les derniers toussotements du moteur de notre civilisation industrielle avant son extinction"), climat en hausse avec des conséquences dramatiques, disparition fulgurante de la faune sauvage, etc. Flippant, vraiment flippant ce livre très documenté, scientifique, sérieux. Le moral baisse de plus en plus au fil de ces pages alarmistes. Mais quand va donc s'effondrer notre monde ? 2030 ? 2050 ? Pas de réponse précise… Je suis déçue. Je m'imaginais après toutes ces informations catastrophiques la fin du monde très proche. Ouf, il nous reste encore quelques années pour profiter du ciel bleu, des arbres verts, de l'eau douce, et d'autres bonheurs sur terre. J'ai fermé le livre avant de m'effondrer moi-même sur place. Les solutions pour sauver notre belle planète surgissent déjà mais, il paraît qu'il nous reste quinze ans pour réagir. L'effondrement prévisible avec tous les indices étalés dans l'ouvrage peut aussi provoquer un sursaut vital pour imaginer, penser à un monde nouveau, plus raisonnable, plus vivable. Un thriller futuriste, un pamphlet anti-gaspi, un procès kafkaïen, des frissons assurés… Et une envie de regarder avec un intérêt renouvelé le moindre moineau qui traverse le jardin, le petit lézard audacieux, le papillon blanc, les coccinelles, le merle devenu rare… 

mercredi 3 juillet 2019

La revue "Papiers"

J'ai découvert récemment le trimensuel "Papiers", la revue de France Culture. D'un coût très abordable (15,90 euros), cette publication d'excellente qualité mérite qu'on la découvre. Je n'ai pas l'habitude d'écouter la radio et pourtant, je sais que c'est une grande erreur de ma part. J'aime tellement la musique baroque et l'opéra que je néglige France Culture. J'ai trouvé la solution : lire "Papiers". Les articles de Janvier-Mars traitent de sujets d'un éclectisme remarquable. Le sommaire se divise ainsi : Eclats (actualités), Idées, le Dossier central, Portfolio, Créations, Savoirs, A voix nue, Les choix de France Culture, le Mot de la fin. La lecture devient vagabonde, nomade. Je lis en picorant, en survolant les photos. Je note les critiques, retenant les noms des journalistes. Je respire ces feuilles intelligentes en savourant l'esprit de culture. Des sujets me concernent, d'autres me surprennent. Dans la catégorie Idées, je redécouvre Paul Virilio, disparu en 2018. Cet urbaniste a étudié le monde contemporain sous l'angle de la vitesse et de l'accélération. Le deuxième article évoque les splendeurs et misères de la tomate (!)… Un troisième article m'a vraiment intéressée : "Les femmes de la Préhistoire sortent enfin des cavernes". Claudine Cohen, philosophe et historienne des sciences, a publié des ouvrages sur les femmes dans la Préhistoire occidentale. Elle conteste les images d'Epinal sur le rôle des femmes dans ces premières sociétés. Rappelons nous l'image traditionnelle de notre ancêtre viril et chasseur attrapant sa compagne par les cheveux… Les femmes ont permis la survie de l'humanité en cueillant les plantes, les racines, les petits animaux représentant soixante dix pour cent des protéines… Par ailleurs, les dessins préhistoriques dans les grottes étaient peut-être exécutés par des femmes ? Personne n'a pensé à ces gestes féminins tellement toutes les cultures sont dominées par l'image masculine. Un article détonnant. Au fil des pages, le dossier complet sur la démocratie (sommes nous encore démocrates ?), les transgenres, le marbre de Carrare, etc. J'ai surtout dévoré deux articles passionnants : l'un sur Georges Perec et l'autre sur Kafka. A la fin de la revue, l'équipe rédactionnelle avait proposé dix romans pour l'hiver et quelques coups de cœur. Ce numéro 27  de "Papiers" a éveillé ma curiosité,  a ravivé mes intérêts pour certains sujets et a comblé ma passion de la littérature. Une revue encyclopédique, pédagogique et culturelle unique dans le monde de la presse ! La Médiathèque de Chambéry a eu enfin la bonne idée de s'abonner… après vingt six numéros. Il n'est jamais trop tard. 

mardi 2 juillet 2019

"La philosophie, un art de vivre"

J'ai emprunté à la médiathèque de Chambéry un essai sur la philosophie. Depuis que je fréquente deux fois par mois, et avec un plaisir intellectuel délectable, l'atelier philo d'Agnès à la Maison de quartier du centre ville, je m'adonne de plus en plus à la lecture d'ouvrages qui m'apporte des explications nécessaires pour comprendre quelques idées majeures dans le monde abstrait de la philosophie. Evidemment, il vaudrait mieux lire directement les grands penseurs mais, pour les approcher, il m'est nécessaire de passer par des chemins de traverse, des contournements, des raccourcis, des commentaires et des résumés. J'ai donc lu ce petit guide très pédagogique, "La philosophie, un art de vivre" publié en 2017 par les Editions Sciences Humaines. Dans l'avant-propos, Catherine Halpern écrit : "Se décentrer, voir le monde et la place de l'homme sous un autre jour, pas simplement pour penser mais aussi pour vivre différemment. Avec un souci éthique : mettre en cohérence ses idées et son existence. Ce qui n'est pas en soi une mince affaire, mais sinon, à quoi bon penser ?". Le livre évoque la philosophie antique, médiévale, orientale, moderne. Ensuite, chaque chapitre, court et concis, est complété par des portraits de philosophes. J'ai retrouvé comme des vieux copains : Platon et Socrate, Epicure et Pyrrhon, Montaigne et Spinoza et aussi les contemporains Sartre, Camus, Cioran, Foucault et tant d'autres. Je connaissais moins le penseur de l'écologie "profonde", Arne Naess et l'américaine, Martha Nussbaum. Ce petit guide hyper-accessible permet une initiation ludique et intelligente pour ensuite entreprendre des approfondissements plus sérieux. En conclusion, Roger-Pol Droit nous rassure en déclarant que "la philosophie ne fait pas le bonheur… Et c'est tant mieux" (titre d'un de ses livres). Je ne lis pas de la philo comme un anthologie de recettes pour atteindre le nirvana. Ce "totalitarisme radieux", cette "philo-bonheur", ressemble à un paradis artificiel et il faut donc ne pas succomber à tous ces marchands de rêve, ces gourous factices. Ce guide pratique donne envie de lire quelques textes fondamentaux. Pour moi, je vais relire "Le Banquet" de Platon, que je n'ai pas ouvert depuis des décennies. Quelques pages par jour au menu du matin quand le cerveau n'est pas trop englué par la canicule… Vive la philosophie !

lundi 1 juillet 2019

Rubrique cinéma

La semaine dernière, je suis allée voir "Noureev" du réalisateur, Ralph Fiennes avec Oleg Ivenko. Ce danseur professionnel joue à merveille le rôle de Noureev, tellement la ressemblance physique est frappante. Jeune prodige du célèbre ballet de Kirov, Rudolf Noureev débarque à Paris en 1961 pour se produire sur la scène de l'Opéra. Il constate tout de suite le vent de liberté qui règne en France. Le KGB accompagne la troupe et surveille étroitement l'ensemble des danseurs, en particulier Noureev. Il se lie d'amitié avec Clara, la belle fille d'André Malraux, qui va l'introduire dans les cabarets, les nuits parisiennes grisantes. Il remarque que les homosexuels vivent librement alors que dans son pays, ils sont bannis. Les scènes se présentent en trois temps, celui de l'enfance misérable du danseur, son passé proche et son présent à Paris. En Russie, son professeur, devenu son mentor, a détecté son potentiel. Il le protège et l'initie au monde de la danse. Surnommé le Corbeau blanc, le danseur soviétique rencontre aussi un chorégraphe français, Pierre Lacotte qui va l'aider à prendre conscience qu'il peut changer son destin. Sur fond de la Guerre froide entre l'URSS totalitaire et l'Occident libre, le film aborde les relations diplomatiques houleuses quand les Russes se déplaçaient en France et dans le monde libre. Le 16 juin 1961, la troupe repart en Russie et Noureev est fort encadré par des gardes du KGB. Grâce à l'aide de son amie Clara, il se libère de ses surveillants et se rue dans le bureau de la police française. Un des policiers lui donne une heure pour se décider. Même traité de traître à la patrie, d'être menacé de ne plus revoir sa mère, il choisit la liberté. Le film magnifie l'exigence de la danse, la splendeur du corps, la place de l'art dans la vie de Noureev, ce petit garçon d'origine tatare, d'un milieu plus que modeste et devenu un danseur étoile. Le film se termine en 1961. Pour connaître la vie de ce monstre sacré, l'article de Wikipédia relate sa longue carrière de danseur à Paris et dans le monde. Atteint du sida en 1984, il meurt en 1993, seulement âgé de 54 ans. Ce film n'est pas un grand film qui marquera le cinéma mais il se laisse regarder avec plaisir même si la construction de l'intrigue comporte des maladresses avec trop de flashback. Le personnage de Clara, interprété par Adèle Exarchopoulos, frôle le ridicule. Si on aime la danse classique et les années 60, il faut voir ce "biopic" (biographie filmée)…