mercredi 11 juillet 2018

La folie du moment

Si Erasme vivait aujourd'hui, il publierait un essai sur le nouveau fanatisme ambiant : le sport et surtout l'esprit de compétition. Depuis un mois, le pays vit au rythme de cette équipe d'hommes qui courent après un ballon rond et il faut introduire cet objet banal dans un filet où un garde se tient prêt pour l'arrêter car il surgit de n'importe quel côté. Imaginons un extraterrestre descendant d'une planète où l'agitation sportive n'existe pas. Il ouvrirait les yeux en se demandant : quel est cet étrange coutume de courir après ce drôle d'objet arrondi que les humains mâles se disputent sans cesse. Les Romains comprendraient ce jeu mais seraient déçus, car il manque les lions pour le sang coulé. Les Grecs, qui n'aimaient que l'athlétisme, jugeraient peut-être le côté amusant de la course d'un poteau à un autre. Je partage pour ma part le sentiment de l'extraterrestre. Pourquoi tant de cris ? Pourquoi tant d'enjeux de fierté nationale ? Pourquoi ce besoin archaïque de se sentir les plus forts, les plus doués, les plus virils ? Le patriarcat triomphant se manifeste dans ces occasions mondialisées où un esprit guerrier anime tous les protagonistes. J'ai besoin de Freud pour comprendre ces pulsions d'agressivité, de délire collectif, de passion irraisonnable. Le bruit des klaxons a envahi nos cités, des groupes (souvent d'hommes) se réunissent pour hurler à chaque but comme une explosion de testostérone… J'ai l'impression de vivre une aventure inouïe en fermant ma télévision, en souhaitant que tout s'arrête le plus vite possible, que le quotidien retrouve son harmonie intérieure.  Même notre Président surjoue l'enthousiasme populaire et pendant ce temps de liesse, les problèmes disparaissent. Je n'ose imaginer la fin de cette hystérie collective. Je me demande si Emmanuel Macron ne va pas proposer le Panthéon pour ces onze joueurs de ballon rond de leur vivant ! Comme il aime bousculer la tradition, cette idée va murir chez lui… Je lancerai une pétition sur Internet pour protéger nos vrais héros de la nation, ceux qui se sont battus pour nous pour vivre dans une République intelligente, cultivée et libre. Avec cet événement régressif,  je me sens une athée marginalisée dans un pays bizarre, voué aux dieux du ballon rond ! Docteur Freud, reviens pour soigner tous ces fanatiques du ballon rond !