vendredi 29 août 2014

"Room service"

En farfouillant les tables et les rayonnages de l'espace librairie d'Emmaüs, j'ai trouvé un petit livre charmant, léger, "régalant" : "Room service" d'Yves Camdeborde et Sébastien Labaque, publié chez Actes Sud en 2007. Cet ouvrage gastronomique et littéraire est composé par un artiste de la cuisine qui officie au Relais Saint-Germain à Paris et par un écrivain et critique au Figaro littéraire. Quels sont les têtes d'affiche ? Simenon, Jammes, Sagan, Blondin, Rimbaud, Joyce, Proust, Balzac, etc. Sébastien Labaque nous conte des anecdotes surprenantes sur ces écrivains qui sont aussi des êtres en chair et en os et qui considéraient la cuisine comme un art de vivre. La littérature peut se transformer en vraie gourmandise et chaque chapitre se termine par une recette de cuisine, parfois facile à exécuter, parfois impossible à concocter. J'ai ainsi découvert le goût de Sagan pour les beignets de fleurs de courgettes, Proust avec ses madeleines, Francis Jammes avec son saumon de l'Adour, Joyce avec son cake irlandais, Dumas avec ses pibales de l'Adour (un plat local succulent exclusivement connu des indigènes basco-béarnais)... Les recettes ne sont pas imaginaires, inventées car les auteurs de l'ouvrage les ont cueillies dans les œuvres des 23 écrivains choisis. Pour terminer ce mois d'août maussade en Savoie, j'ai choisi une petite promenade en gourmandise livresque et en lisant ces textes joliment écrits,  le soleil est revenu comme un petit miracle dans l'après-midi...

jeudi 28 août 2014

"Une enfance de rêve"

J'ai suivi le conseil d'un critique du Monde qui signalait ce livre comme un chef d'œuvre. Il est écrit par l'historienne de l'art contemporain, Catherine Millet (directrice de la revue Art Press), connue par un public élargi grâce à sa sulfureuse et scandaleuse autobiographie, "La vie sexuelle de Catherine M." paru en 2001. Je ne suis pas toujours passionnée par les récits qui relatent avec des détails superflus les premiers émois de l'enfance, les découvertes, les apprentissages, etc. Je trouve ces textes souvent naïfs et idéalisés. Catherine Millet compose un objet littéraire original et inattendu, loin des clichés de cet âge premier. Il faut dire que son enfance ne se passe pas comme dans une image d'Epinal. Ses parents ne s'entendent vraiment pas. Ils vivent à cinq (grand-mère comprise) dans un appartement exigu en banlieue parisienne, à Bois-Colombes. Cette promiscuité génère des tensions entre eux et la petite fille observe ses parents désaccordés qui en viennent aux mains. Les anecdotes familiales défilent mais ne forment pas la "matrice" du récit. J'ai surtout apprécié la distance qu'elle instaure avec ce passé recomposé, le regard qu'elle porte sur ce début de vie, si difficile, si peu rassurant en fait. Elle décrit ainsi les premières fois de toute existence : premier jour d'école, première marelle, première prière, première lecture, première sensation physique, etc. Le lecteur(trice) se retrouve souvent dans ses confidences et ses souvenirs d'enfant. Son enfance se déroule dans les années 50 et cette époque est racontée dans des détails du quotidien comme les vêtements, la façon de vivre, les loisirs, etc. Je cite ce passage de Catherine Millet : "J'ai tenu le rôle de l'enfant d'un couple désuni. En conséquence de quoi, j'avais, j'avais eu une enfance malheureuse. C'était ma marque de fabrique." Plus loin, elle explique cette attitude bravache : "Si les enfants des couples ratés grandissent plus vite que les autres, c'est bien sûr qu'ils ont accès au versant noir de la réalité conjugale, c'est surtout qu'ils sont propulsés de plain-pied dans la vie des adultes, dont ils deviennent en quelque sorte les égaux." J'ai aussi et surtout remarqué l'hommage qu'elle rend aux livres et l'amour qu'elle voue à la littérature... Un des meilleurs livres de cette année 2014.

mardi 26 août 2014

"Les Endormeurs"

Anna Enquist est un "grand écrivain" néerlandais. J'ai lu presque tous ses romans précédents publiés chez Actes Sud et disponibles en format de poche dans la collection Babel :  "Le Chef d'œuvre" en 1999, "Le Secret" en 2001, "Le Saut" en 2006, "Le Retour" en 2007, "Contrepoint" en 2010. Je ne manque jamais la sortie d'un roman d'Anna Enquist. Elle fait partie de ces écrivains pointillistes qui décortiquent, décryptent les mouvements de l'âme, de la "psyché", du comportement amoureux, des relations difficiles entre les hommes et les femmes. Elle a pratiqué le métier très "particulier" de psychanalyste et je retrouve, dans ses textes, une influence fondamentale de cette approche profonde, subtile et secrète dans ses personnages.  Dans son dernier roman, il est question d'une fratrie : Drik est psychothérapeute, Suzanne, sa sœur, anesthésiste. Ils forment une entité unie et solidaire car ils ont perdu leur mère très tôt. Quand la femme de Drik meurt d'un cancer, il poursuit son activité professionnelle malgré son deuil. Il reçoit un étudiant, Allard, qui doit faire une analyse avant de devenir lui-même psychiatre. Les deux hommes s'observent dans une relation tendue et complexe. Le jeune étudiant abandonne la psychothérapie et choisit le service d'anesthésie de Suzanne qui devient sa tutrice. Elle va se laisser séduire par le jeune homme malgré la différence d'âge. Or, cet étudiant est aussi le petit ami de sa fille... L'intrigue du roman tourne autour de ce trio sans oublier le mari de Suzanne et leur fille. Anna Enquist explique à la fin du livre qu'elle a suivi des stages d'insertion dans un hôpital d'Amsterdam pour décrire les actes médicaux, l'ambiance des services, l'organisation des soins. Cette partie documentaire du livre ne nuit pas du tout au récit romanesque et se lit même avec un intérêt surprenant. Le drame familial éclate quand sa fille apprend que sa mère l'a trahie avec Allard. Pourquoi ce titre, "Les Endormeurs" ? Suzanne pratique un métier concernant l'endormissement des patients, pour leur éviter la douleur physique. Dans un article du Monde des Livres du 7 mars, Nils C. Ahl, le critique, écrit : "Dans les noirs délicats des différents niveaux de conscience et de sommeil, il y a des secrets, des douleurs, des fautes qui empoisonnent, un désir monstrueux d'exister et de ne pas souffrir : une chimère". Un roman un peu difficile à lire mais pour un(e) lecteur(trice) motivé(e), les chemins escarpés de ces lectures exigeantes offrent un point de vue unique sur la conscience de soi et des autres... Anna Enquist poursuit une œuvre puissante et originale...

lundi 25 août 2014

Rubrique cinéma

Olivier Assayas explique dans un interview du Monde, daté du mercredi 20 août, son envie de tourner avec Juliette Binoche et ce projet commun leur permettait de "réfléchir la question du temps : comment s'est-il inscrit sur nous, en nous ? En quoi nous-a-t-il transformés ?" . "Sils Maria" apporte des réponses à ces questions redoutablement éternelles... La comédienne, Maria Enders, (interprétée par Juliette Binoche) a connu le succès avec une pièce de théâtre où elle jouait le rôle d'une jeune fille de 18 ans. Elle séduisait une femme de quarante ans, qui finissait par se suicider. Vingt ans après, la comédienne, accompagnée de sa jeune assistante, rejoint la Suisse pour l'anniversaire du dramaturge. Dans le train qui la conduit à Zurich, elle apprend sa disparition et va lui rendre hommage au nom de leur amitié. Elle rencontre un jeune metteur en scène qui lui propose un projet original : rejouer la pièce de cet écrivain en changeant de rôle. Elle va endosser le rôle d'Helena, et une jeune actrice, très à la mode, va prendre celui de l'ingénue cruelle. Elle accepte ainsi le passage du temps. S'ensuit une confrontation "générationnelle" entre son assistante, (interprétée par Kristen Stewart) et la comédienne. Les scènes de répétition dans la maison, les randonnées en montagne, les paysages et les nuages créent une atmosphère magique. Leur relation professionnelle devient une relation intime mais la différence d'âge creuse le malentendu entre elles. Maria-Helena éprouve peut-être un sentiment amoureux pour son assistante si dévouée, mais ce sentiment n'est-t-il pas une fascination pour sa jeunesse ? Quand sa jeune "employée" veut lui montrer le serpent de Maloja, un phénomène nuageux sur le lac de montagne, leur relation prend fin. On retrouve Maria quelques mois plus tard dans la pièce de théâtre où elle demande à la jeune actrice de la regarder quelques secondes de plus et le couperet tombe à nouveau sur le temps qui passe... Un beau film, un film envoûtant, un hommage aux actrices, au cinéma, une Juliette Binoche magnifique et une musique sublime (Haendel entre autres...). A voir sans tarder...

vendredi 22 août 2014

Les livres et les voyages

Je prépare un voyage pour septembre en Toscane en espérant moins de touristes à cette période de l'année. Pour m'informer et ne rien rater, j'ai consulté cet été des guides et des ouvrages pour me documenter. Je conseille la très bonne collection Voir de chez Hachette, "Florence et la Toscane", toujours le cartoville, "Florence", de Gallimard avec ses plans de quartier qui se déplient aisément quand on arpente les rues. Et j'emprunte à la bibliothèque les guides habituels courants, style un week-end à Florence, le guide vert, le top 10, etc. Pour la partie guides, je vais aussi sur Wikipédia et imprime les fiches sur les villes que je vais visiter. Ces articles sont vraiment très bien faits sur le plan historique et sur l'art. Ne parlons même pas d'Internet où on peut consulter les offices de tourisme de chaque contrée traversée. Cette pléthore d'informations peut aussi saturer l'esprit. Il faut donc vite digérer, oublier et se concentrer sur les deux guides essentiels que j'emporte dans mes bagages. Comme j'ai l'intention de visiter un certain nombre de musées à Florence, Sienne, Volterra, Arezzo (mon trajet en voiture), j'ai lu des beaux livres de peinture sur la Renaissance italienne. En particulier, je cite l'excellente petite collection de l'éditeur Hazan sur la Renaissance italienne en trois volumes : "Première et Seconde Renaissance", "Du Gothique à a Renaissance" et "De la Renaissance au XVIIIè siècle". Ces ouvrages en petit format sont superbement illustrés, les textes bien écrits et la documentation très riche. Indispensables pour les amoureux de l'Italie... Je cherche dans les catalogues des bibliographies concernant la Toscane et je voyage déjà sans me déplacer : un régal de l'esprit avant de partir... Les guides, les beaux livres d'art font rêver et quand je reviens de mes périples, je me replonge dans cette documentation pour revivre ces découvertes artistiques... J'avais visité la Toscane dans les années 90 et vingt ans après, mon regard a certainement changé et mon approche des musées a beaucoup évolué. Et dans mon programme, des visites de bibliothèques historiques, des retrouvailles avec mes chers Etrusques, et des maisons d'écrivains (Dante à Florence)...

jeudi 21 août 2014

Revue de presse

Les revues mensuelles de septembre ont déjà fait leur apparition pour nous annoncer à coups de clairon la rentrée littéraire, toujours le même tsunami de romans français et étrangers, plus de 600, un nombre astronomique pour les lecteurs d'aujourd'hui quand on sait qu'on lit 1 livre par mois pour la catégorie des réguliers... Il faut bien choisir, trier, humer, s'informer, ne pas passer à côté, cibler, retrouver ses écrivains favoris (Pascal Quignard est annoncé...) et puis se lancer dans la découverte des nouvelles voix ou des voix connus. Le Magazine littéraire a mis dans sa page de titre le portrait d'Emmanuel Carrère dont le roman, "Le Royaume" semble faire sensation. L'équipe de la revue établit la liste de ceux qu'il faut lire et de ceux qu'il faut éviter... Un numéro indispensable pour connaître les valeurs sûres de la littérature contemporaine et apprécier un nouvel esprit critique plus incisif et plus audacieux.  Olivier Adam et son nouveau titre, "Peine perdue" semble avoir perdu sa crédibilité. La revue Lire a copié le Magazine car je remarque la photo d'Emmanuel Carrère, décidément mis en avant pour son "livre choc" de la rentrée. Les éditeurs les plus influents ont leur page de publicité dans la revue certainement à la recherche de dividendes... Je regrette souvent dans cette revue plus grand public, le manque de critiques un peu plus originales et l'équipe éditoriale ne renouvelle pas sa formule consensuelle et un peu trop sage... L'article le plus long concerne l'inévitable Carrère... La revue Transfuge propose d'emblée et sans complexe les meilleurs 15 romans français. Tant pis pour les 550 collègues qui ont planché sur leurs feuilles ou leur PC pour réaliser leur projet fou, lié à l'écriture d'un roman. Je citerai en particulier Patrick Deville, "Viva", une plongée dans le Mexique de Trotski et Malcolm Lowry et Antoine Volodine, un écrivain singulier et souvent adoré par certains critiques pointus. Il semblerait que la rentrée littéraire soit plus concentrée, plus dense et même plus passionnante qu'en 2013. Les lecteurs(trices) que nous sommes vont-ils avoir le même avis ?

mercredi 20 août 2014

Sortie culturelle

Cet après-midi, je suis allée consulter la presse hebdomadaire à la médiathèque où j'ai apprécié le calme serein des lecteurs. Ensuite, je me suis dirigée vers le Musée des Beaux-Arts de Chambéry qui va décrocher une exposition (le 25 août) du photographe Patrick Faigenbaum, et j'étais quasiment seule (quel plaisir !)  à arpenter les salles tout en admirant les tableaux des peintres italiens et en découvrant les photos de Faigenbaum. La confrontation peintures-photos en grand format est une initiative très intéressante et certains portraits m'ont vraiment émue, en particulier ceux des femmes vieillissantes. Au dernier étage, j'ai apprécié les natures mortes : des citrons sur une table, des aubergines, des pommes de pins, des raisins. Des légumes et des fruits d'une beauté toute simple, une leçon pour porter un regard neuf sur la réalité qui nous entoure. Après cette visite instructive et pas du tout ennuyeuse (je dois être un peu "bizarre" d'aimer les musées...), j'ai voulu tâter la rentrée littéraire dans une librairie chambérienne. J'ai besoin de fureter sur les tables, de manipuler les nouveaux romans pour lire le résumé et me rendre compte sur place de mes futurs plaisirs de lecture. Ma rentrée n'est plus professionnelle, (heureusement...) mais j'ai toujours aimé la fébrilité des mises en place de ces centaines de romans qui vont capter notre attention pendant (au minimum, six mois). Les librairies offrent en ce moment des bulletins d'information (en particulier,  celui de la maison Gallimard). Bibliothèque, musée et librairie, voilà mon après-midi gourmand !

mardi 19 août 2014

"Le legs d'Adam"

Astrid Rosenfeld, écrivain(e) allemande, vient d'écrire son premier roman et il est rare de le voir déjà publié chez Gallimard dans la prestigieuse collection "Du monde entier", et traduit par Bernard Lortholary. Comme je ne l'ai pas trouvé sur les catalogues de la médiathèque (j'espère que les bibliothécaires vont l'acquérir !), je l'ai donc acheté en librairie après avoir lu une bonne critique.  Le roman est construit sur deux récits : le premier se passe à Berlin en 2004. Le jeune Edward, propriétaire d'une boutique de mode branchée, découvre un secret de famille concernant un certain Adam, le frère mystérieux de son grand-père Moses qui pleure ce frère disparu. Le jeune garçon relate sa vie de famille entre une mère célibataire et des grands-parents un peu "folkloriques". Il rencontre dans un zoo un certain Jack Moss, un américain déjanté et original, qui tombe amoureux de sa mère. Ils vont se marier envers et contre tous et ils poursuivent leur route avec le jeune garçon. Ce Jack Moss est un individu peu fiable, commerçant bateleur, trafiquant d'objets : leur vie ne se passe pas comme prévu. Cette période rocambolesque dure jusqu'à sa rentrée universitaire qui symbolise la rupture familiale. Il s'installe à Berlin et retrouve sa grand-mère. Il vit en communauté et cultive son talent dans le textile. Il va enfin recevoir le legs d'Adam, son grand-oncle,  en pénétrant dans ce grenier interdit où il déniche un paquet dans lequel un carnet l'attend depuis des années. Le roman bascule alors dans sa deuxième partie sur la vie d'Adam, en 1938.  Adam rencontre Anna dans une Allemagne nazie et quand elle disparaît en Pologne, il décide de partir à sa recherche en échangeant d'identité pour se rapprocher d'un dignitaire nazi et pénétrer dans le ghetto de Varsovie. Ce premier roman en deux temps est une réussite incontestable sans pathos, sans drame malgré la quête sans espoir  d'Adam... J'ai toujours été curieuse de la littérature allemande et je n'ai pas été déçue...

lundi 18 août 2014

"Instantanés II"

J'avais évoqué dans ce blog le tome 1 des souvenirs de Roger Grenier, baptisé modestement "Instantanés". Cet écrivain discret, pourtant l'un des plus influents de la maison Gallimard, nous livre ses confidences sur ses confrères des lettres françaises dans un nouvel opus. Cette galerie de portraits est passionnante pour ceux et celles qui aiment la littérature, qui aiment ces drôles d'humains qui vouent leur vie à l'écriture, à l'imagination dans un certain isolement et une solitude certaine... On ne parle assez de la vie littéraire et pourtant, connaître des anecdotes familières sur certains d'entre eux nous les rend plus proches, plus intimes, plus "normaux". Roger Grenier raconte des rencontres essentielles : celles avec Bachelard, le philosophe bourguignon qu'on ne "pouvait qu'aimer et respecter", Hector Bianciotti, déjà oublié, Roger Caillois, le passeur, Louis Guilloux, le protégé de Gallimard, Valérie Larbaud, le cosmopolite, Flannery O'Connor, la nouvelliste géniale, etc. J'ai surtout apprécié le chapitre sur un des mes écrivains préférés, le très subtil J.-B. Pontalis, l'ami et le collègue de Roger Grenier, qui travaillaient cote à cote chez Gallimard. J'ai remarqué cette phrase sur son ami : "Dans "Fenêtres", ce lexique très personnel, je relève les mots : nostalgie, déçu, chagrin, larmes, sanglots, vieillir, enfance, souvenirs, clairière, et aussi : pourquoi." Quand un écrivain se souvient, quand un écrivain aussi empathique que Roger Grenier livre ses "instantanés" sur ses relations, parfois professionnelles, parfois amicales avec des confrères, cela donne un ouvrage très agréable à lire, un hommage généreux de la vie littéraire avec ses petitesses comme avec ses grandeurs. 

jeudi 14 août 2014

Rubrique cinéma

Pluie sur la ville, direction le cinéma l'Astrée, toujours aussi agréable à fréquenter pour le confort de ses quatre petites salles dans un décor des années 20... Je préfère la sobriété et la modestie de ce cinéma du centre ville plutôt que ces salles immenses où les spectateurs grignotent du pop-corn et des bonbons sans éprouver la moindre gêne pour leurs voisins. A l'Astrée, on se déplace pour le film et non pour la moquette et les comptoirs de friandises. J'ai vu, mercredi, le film de Julie Lopes Curval, "Le beau monde" avec Ana Girardot et Bastien Bouillon. Le personnage central s'appelle Alice. Elle a 20 ans, vit à Bayeux et possède un talent particulier pour la laine car elle fabrique ses propres pulls. Dans la pâtisserie où elle travaille, une cliente "distinguée" lui fait un compliment sur le chandail qu'elle porte. Cette "parisienne" lui propose son aide pour intégrer une école d'arts appliqués à Paris. Et son destin bascule quand elle rencontre le fils de famille, Antoine. Elle réussit son concours d'entrée dans cette école. Ils tombent amoureux et ils vont découvrir leur "différence sociale". Il aime la photographie et Alice l'encourage dans cet art au grand dam de sa famille bourgeoise. Elle se consacre à ses études pour progresser et exploiter son don d'artiste du tissu. Mais, le malaise grandit entre eux : lui se sent dans une planète inconnue quand il rencontre la famille d'Alice et son environnement. Elle est aussi "étrangère" à la culture sophistiquée du milieu snob d'Antoine. Antoine s'absente de plus en plus pour préparer une exposition. Alice travaille d'arrache-pied pour oublier la distance qui s'installe entre eux. Je ne vais pas donner la fin de l'histoire pour donner envie de découvrir un joli film français avec des personnages attachants, surtout le personnage d'Alice, trop discrète, trop sage et trop docile aux yeux d'Antoine. Mais, c'est peut-être elle la plus forte, la plus passionnée et la plus sincère dans le couple... A voir pour le sujet des différences sociales, pourtant maintes fois traitées  au cinéma avec des comédiens très convaincants.

mardi 12 août 2014

Hommage à Simon Leys

Simon Leys, nom de plume de Pierre Ryckmans, vient de s'éteindre à l'âge de 78 ans à Canberra en Australie. Il avait choisi le nom de "Leys" en hommage à Victor Segalen. Il s'est surtout fait connaître dans les années 70 avec son ouvrage critique et iconoclaste sur la Chine, "Les habits neufs du Président Mao". Sinologue de formation, il a été un formidable passeur de culture entre la Chine et l'Occident. je conseille de consulter sa notice biographique sur Wikipédia où sa vie de traducteur du chinois au français rend compte de son travail d'intellectuel. Il épouse même une chinoise dont il a quatre enfants. Il enseignera la littérature chinoise à  l'université de Sydney de 1987 à 1993. Je me souviens encore de la présence de Simon Leys dans un "Apostrophes" de Bernard Pivot quand il défendait sa vision de la Chine face à une maoïste de service. (Que cette époque me semble un bout de préhistoire de la vie littéraire française...). Il faut que je mentionne aussi sa passion de la mer à propos de son ouvrage "La mer dans la littérature française : de Rabelais à Pierre Loti", toujours disponible en librairie. J'ai lu ses deux derniers essais que je recommande particulièrement : "Le bonheur des petits poissons" en 2008 et "Le studio de l'inutilité" en 2012. Je n'ai pas gardé ces ouvrages chez moi car j'aurais aimé les feuilleter pour montrer le style savoureux et caustique de Simon Leys sur la littérature et sur la vie. Quand un écrivain disparaît, j'ai l'impression qu'une étincelle d'intelligence et de culture a fini d'éclairer le monde et de le rendre plus beau. La journée semble plus assombrie... Heureusement qu'il reste leurs œuvres pour les retrouver.

 

 

 

lundi 11 août 2014

"Médium"

Il existe une catégorie d'écrivains que je lis avec curiosité et amusement sans pourtant les aimer vraiment... J'ai donc fini hier le dernier roman de Philippe Sollers, "Médium" et cet homme, admiré et craint à la fois dans le monde littéraire parisien, écrit des chroniques sur l'air du temps, propose une vision ironique de la vie, voltairienne, insolente et drôlement intelligente. Son livre ressemble plus à un récit autobiographique masqué qu'à un simple roman. Le narrateur, le professore, (certainement Monsieur Sollers) vit à Paris et s'installe très souvent à Venise, sa résidence secondaire.  Il décrit ses fins de semaine dans cette ville où il entretient une relation exclusivement sensuelle et sexuelle avec Ada, une masseuse professionnelle, et fantasme sur la jeune Loretta. Il aime Venise et je cite ces quelques phrases : "Il y a une magie médiumnique de Venise. On la voit sans la voir, on l'entend sans l'entendre, elle disparaît parfois pendant des semaines ou des mois, et soudain, dans une clarté imprévue, elle est là. On la respire, elle fait signe, elle fait flamber les toits et les mâts, l'espérance pour rien recommence." Qui a visité cette ville maritime et aquatique ne peut qu'apprécier ces passages de "grâce" quand il évoque ses séjours vénitiens. Sollers est un fou de littérature et il intègre dans son roman des extraits de Montaigne, Voltaire, Proust, Baudelaire et surtout Saint-Simon. Et dans la dernière partie de son livre, il offre un festival de mots sur la folie de notre temps présent.  Je cite encore un extrait sur la folie : "Passons sur les médias ou Internet, où elle fait régner la plus grande confusion possible, l'essentiel, le cœur du pouvoir n'est pas là. Agitation et transvasement numérique, recyclage technologique, ordinateurs et téléphones toujours nouveaux, tablettes remplaçant les tablettes, ça fonctionne et les satellites s'en  chargent. Le noyau dur, c'est l'archive, l'encyclopédie, le savoir au bout des doigts, autrement dit la Mémoire. La main-mise sur la mémoire est une priorité absolue." Philippe Sollers avec son talent de polémiste, propose un manuel de la contre-folie, un espace de résistance pour se sentir libre, prendre son temps, fuir cette folie contemporaine. Un roman "fourre-tout", un mélange littéraire composé de miettes philosophiques, de confessions intimistes, de colères politiques, de divagations voyageuses... Un bon Sollers, un très bon Sollers !

jeudi 7 août 2014

"Les années insulaires"

Philippe Le Guillou a déjà publié de nombreux romans (il a obtenu le prix Goncourt en 1997 pour "Les sept noms du peintre" ) et des essais littéraires. Son dernier livre évoque les années 70 quand Georges Pompidou était Président de la République. Le personnage central est un peintre de renom, nommé Kerros, ami du Président dont il a peint plusieurs portraits. Paris se transforme à coups de bulldozer : les pavillons de Baltard sont détruits pour être remplacés par le trou des Halles. Ce changement vers la modernité bétonneuse attire les foudres d'un collectif formé par des récalcitrants du changement, "Les Insulaires", amoureux du vieux Paris et de son histoire. Kerros, le peintre, défend la cause de cette ville millénaire en proie à la folie bâtisseuse mais se trouve pris au piège car il admire ce Président cultivé, secret, aimant profondément l'art moderne et contemporain. Il raconte l'aménagement du Palais de l'Elysée par le designer Paulin et le plasticien Agam. Il mentionne le projet fou de Beaubourg, le centre Pompidou aujourd'hui. Le narrateur révèle la maladie du Président, son extrême fatigue à la fin de son mandat et son courage politique. Ce roman est un portrait d'une certaine époque où la crise ne sévissait pas encore (le choc pétrolier démarre en 1974). Philippe Le Guillou transmet, dans son texte, des moments de nostalgie surtout quand on a vécu cette période. J'ai souvent fréquenté la bibliothèque de Beaubourg en 1982 quand je vivais à Paris et les heures d'ouverture étaient "révolutionnaires" (12 heures d'ouverture par jour !). Cette architecture audacieuse n'a pas toujours attiré l'adhésion mais il fallait bousculer la torpeur bourgeoise de la cité et mettre l'art à l'honneur mérite le respect pour Georges Pompidou. J'ai découvert un écrivain dont le classicisme me convient très bien. Il réussit à merveille l'intégration dans une œuvre romanesque d'une figure politique marquante. Il capte l'esprit de ce temps-là, relate l'art moderne dans sa dimension avant-gardiste et parle d'un Paris transformé dans une France disparue. Un roman solide, écrit avec élégance et un sujet original, l'histoire de deux solitaires de l'art et de la politique. Ce roman me donne envie de lire d'autres ouvrages de Philippe Le Guillou.

mardi 5 août 2014

Devoir de vacances

J'avoue que je ne m'adonne pas seulement à la lecture... Quand le soleil s'installe vraiment, je pratique une des activités les plus banales de l'été mais les plus saines aussi : je veux parler de la baignade... Comme je crains la foule sur les plages en été, je reste chez moi dans mon petit jardin où j'ai planté trois oliviers, des cyprès et des hortensias de toute beauté (surtout avec les pluies de juillet). J'ai réalisé un de mes rêves : je dispose d'une piscinelle depuis dix ans et je passe des moments rafraîchissants et bienfaisants surtout quand les températures grimpent souvent fortement. Je ne pratique pas un sport régulier mais depuis que je suis à la retraite, j'ai enfin du temps disponible pour entretenir mon corps. La lecture demande une bonne santé physique et sauvegarder ce potentiel me semble prioritaire. Dans cette petite piscine, je nage et "j'aquagyme". J'ai toujours aimé la gymnastique dans l'eau : on se sent légère, rajeunie comme un astronaute dans sa capsule. J'ai donc acheté le premier livre "100 % waterproof", entièrement plastifié pour le feuilleter en toute tranquillité. "L'aquagym de Leslie" est édité chez Mango, conseille 80 exercices toniques pour "remodeler votre silhouette et conserver un corps tonique". Ce livre peut même tomber dans l'eau sans faire de drame. Je dis toujours que les livres peuvent accompagner tous les moments de la journée. Voilà la preuve avec ce livre en plastique très utile pour l'heure d'aquagym quotidienne... Un devoir de vacances fort agréable pour un prix assez modique (16 euros) ! Lire demande un esprit vif dans un corps en forme. L'aquagym, la marche, le vélo : voilà des activités simples et quotidiennes, et j'ajoute les livres, à tous moments de la journée, pour s'informer avec des recettes de cuisine, pour se distraire  avec un roman, pour penser avec un ouvrage de philosophie, pour rêver avec des poèmes et pour pratiquer une activité sportive avec un traité d'aquagym... Bon programme pour l'été !

lundi 4 août 2014

"Une ethnologie de soi"

J'aime lire, de temps en temps, des essais... Cela me permet une respiration dans la réflexion entre deux romans et je recommande cette gymnastique douce de l'esprit. J'ai donc emprunté à la bibliothèque un ouvrage sur l'âge, "Une ethnologie de soi ou le temps sans âge" de Marc Augé, édité en 2014 dans la très bonne collection "La librairie du XXIè siècle" au Seuil. Je cite quelques lignes pour montrer la simplicité du style, mille fois moins alambiqué que celui de Pierre Bourdieu : "La question de l'âge est une expérience humaine essentielle, le lieu de rencontre, entre soi et les autres, commun à toutes les cultures, un lieu complexe et contradictoire dans lequel chacun d'entre nous pourrait, s'il en avait la patience et le courage, prendre la mesure des demi-mensonges et des demi-vérités, dont sa vie est encombrée. Chacun est amené un jour ou l'autre à s'interroger sur son âge, d'un point de vue ou d'un autre, et à devenir l'ethnologue de sa propre vie."  Marc Augé parle de son expérience de l'âge : à quarante ans, en Afrique, on le prenait pour un vieillard ! Dans le métro, il a senti son âge quand un jeune lui a cédé sa place. Il dénonce l'attitude des soignants quand les personnes âgées se font appeler mamie et papy, une habitude débilitante... Il évoque aussi quelques écrivains (Simone de Beauvoir, Michel Leiris et Jean-Jacques Rousseau) et leur rapport à cette tyrannie des années. Et il élabore une intuition sur la relation au temps avec celle de l'âge.  Notre rapport au temps lui semble le bon angle de vue car l'âge au fond nous réduit, nous encage et nous enferme dans un carcan conformiste. Qui n'a pas ressenti ce sentiment de ne pas se voir vieillir ? Qui n'a pas ressenti la morsure de l'âge quand on se retrouve devant un lycée ? Ce livre apporte quelques réponses à cette question essentielle. Ce sociologue-ethnologue met à la portée des lecteurs(trices) une prose simple et élégante au service de la réflexion. Tous ces titres sortis au Seuil dans cette collection sont vraiment à découvrir... Pour ne pas "bronzer" idiot à la plage ou à la montagne...