jeudi 22 janvier 2015

"Soumission"

J'ai hésité à évoquer le dernier roman de politique-fiction de Michel Houellebecq mais je me lance dans l'écriture du billet avec prudence et délicatesse. J'ai voulu lire ce livre car c'est tout de même un événement littéraire. Certains ne veulent absolument pas le lire, d'autres le découvrent pour son aspect polémique. Le fil de l'intrigue : François, un professeur d'université, spécialiste d'un écrivain décadent, Huysmans, décrit la situation politique de la France en 2022. Le parti des Musulmans modérés accède au pouvoir avec l'aide des partis de droite et des socialistes. Cette coalition lui permet de battre le Front national. François, le narrateur, part en province car l'université, devenue islamiste, le limoge. Il fuit Paris et ses turbulences politiques. Sur le plan amour, ce célibataire en quête de rencontres "tarifées", a une amante beaucoup plus jeune que lui. Mais, elle quitte le pays pour Israël. Le roman peut déranger voire effrayer quand le narrateur imagine le pays gouverné par le nouveau parti gouvernemental islamique : les femmes retournent à la maison (le chômage est enfin éradiqué), la polygamie est permise, la charia est appliquée... Cette nouvelle société "théocratique"  n'est qu'une fable politique...  En lisant les critiques sur ce roman, l'ambiguïté demeure : Houellebecq a-t-il voulu dénoncer la démission généralisée de notre société laïque face à l'avancée de la religion qui "soumet" l'individu ? Suggère-t-il qu'il est préférable de se fondre dans cette soumission totalitaire pour être heureux, la liberté étant une souffrance ? Plus je m'informe, plus je me pose des questions... Quand on avance dans son livre, le malaise s'installe même si l'écrivain utilise l'humour, l'ironie et la démesure. L'univers universitaire s'autodétruit par son extrême hiérarchisation, la société se déshumanise car l'amour n'existe pas, les relations humaines se délitent par manque de fraternité... Ce livre, au fond, me laisse perplexe et dubitative. L'avenir, pour Houellebecq, sera donc dominé par la religion et soumettra en priorité les femmes, quel cauchemar pour une féministe comme moi... Jean Birnbaum écrit dans le Monde des Livres : "Non, décidément, Houellebecq ne parle pas pour ne rien dire. Ce qu'il dit, il le dit, et cela en dit long, malgré tout, malgré nous, sur nous aussi. Sur cette époque terrifiante où nous nous trouvons sommés de choisir notre camp entre les pulsions islamophobes et les tueurs islamistes". Provocation pour les uns, prédication pour les autres, ce roman peut attirer une détestation certaine mais quand on aime la littérature, la curiosité l'emporte...