mardi 12 mai 2020

Mon retour en librairie

Pendant ces deux derniers mois, je rêvais de retourner en librairie… Cet après-midi, j'ai réalisé ce voeu ! J'ai traversé la ville avec mon masque en tissu, élaboré par une couturière savoyarde. J'ai préféré le porter car on croise pas mal de jeunes qui n'en portent pas tous. Une étrange ambiance règne au centre ville avec tous ces visages cachés. On se croirait dans un film de science-fiction et on se pince pour voir si c'est réel ou irréel. Hélas, la réalité est devenue plus pesante, plus inquiétante et plus stressante. Nous avons perdu un peu de notre insouciance (déjà bien entamée par le terrorisme des années 2010) et avec ce sale virus, la méfiance règne. Je me sentais mieux au bord du lac qu'au centre ville. La distance physique semble plus facile à respecter dans les espaces verts que dans les rues et les magasins. Je me suis baladée dans le centre ville et j'ai remarqué la reprise d'une vie normale vouée à nouveau au shopping. Il faut bien consommer pour que la vie économique reprenne… Mais, avec ce virus, a-t-on vraiment envie d'acquérir du superflu ? Après avoir remarqué une fréquentation bien timide dans les échoppes ouvertes, je me suis dirigée vers un commerce qui m'a toujours paru essentiel dans une ville, je veux parler des librairies. Je suis rentrée chez mon libraire habituel, Garin, et j'ai ressenti un très grand plaisir quand j'ai retrouvé cette ambiance feutrée, culturelle, dédiée aux livres. Je rentre dans une librairie comme dans un temple avec un respect vrillé au cœur. J'ai lu quelques articles sur les librairies qui sont des commerces particulièrement fragiles. La marge de bénéfice est très modeste (je l'ai vécue dans les années 70) et beaucoup de petites librairies risquent la faillite. Notre ministre de l'économie, très sensible à la littérature (c'est un écrivain), veut aider davantage ce milieu professionnel qui a beaucoup souffert du virus. J'ai feuilleté avec mes yeux les dernières nouveautés du premier trimestre comme si notre agenda s'était brutalement arrêté le 17 mars. La littérature peut tout de même rattraper ce temps suspendu et ce ralentissement lui sera bénéfique. J'imagine la rentrée littéraire avec une pléthore de récits et de romans sur la période très spéciale que nous vivons en ce moment avec des titres significatifs : "Le confinement, un retour sur soi", "Restons cachés", "Une prison dorée", "Le temps endormi", etc. J'ai choisi de repartir avec le dernier roman d'Anna Hope, "Nos espérances", publié chez Gallimard en mars dernier. Il faut vraiment revenir dans ces lieux si paisibles, si préservés et cette sortie ressemblait à un pélerinage, mon Saint Jacques de Compostelle, laïque et républicain. Quel plaisir de me balader de table en table, de repérer mes futures envies et d'attendre les nouveautés printanières. J'ai appris que la Médiathèque de Chambéry n'ouvrait pas ses portes pour le moment. Cette décision regrettable m'étonne quand même… Heureusement, les libraires ont davantage besoin des lecteurs acheteurs. Si le gouvernement nous reconfine dans quinze jours (on ne sait jamais…), faisons des provisions de livres et fréquentons nos librairies physiques et non-distantes...