lundi 3 février 2020

"Love me tender"

Il semblerait que Constance Debré soit devenue la nouvelle coqueluche de la revue littéraire, "Transfuge". J'ai éprouvé la curiosité de découvrir cette nouvelle voix de la littérature française et j'ai donc lu "Love me tender", un récit autofictionnel, publié en janvier chez Flammarion. Les premières phrases se veulent déjà radicales, risquées, dérangeantes : "Je ne vois pas pourquoi l'amour entre une mère et un fils ne serait pas exactement comme les autres amours. Pourquoi on ne pourrait pas cesser de s'aimer. Pourquoi on ne pourrait pas rompre.". Le ton percutant de la jeune écrivaine heurte la culture familiale traditionnelle. Elle ose mettre en question une relation réputée indestructible, même si ce lien pose souvent des problèmes. Constance Debré évoque son malaise : "Je regarde les autres et je ne vois que des mensonges et je ne vois que des fous." La narratrice a vécu vingt ans avec son mari et elle le quitte pour vivre son homosexualité. Elle se décrit comme une femme libre aux cheveux courts, tatouée, sans entraves, minimaliste et marginale. Elle quitte une vie bourgeoise (sa famille concerne les Debré dont Michel, son grand-père) et se retrouve dans un petit studio sans meubles, sans vaisselle, sans livres, sans rien. Son métier d'avocate ne l'intéresse plus. Elle veut fuir toutes les attaches habituelles matérielles et familiales. S'alléger, se retrouver, retrouver son corps. Mais le seul lien qu'elle ne peut pas rompre concerne son fils de huit ans, Paul. Pour punir son ex-femme de l'avoir abandonné, son ex-mari la prive du droit de visite. Devant le juge, le mari délaissé dénonce les lectures "toxiques" de son ex-femme : Hervé Guibert, Bataille, etc. Il l'accuse d'inceste pour se venger d'elle. La juge lui accorde une heure tous les quinze jours lors de son divorce. Mais, elle fait appel et comme la justice est lente, elle ne voit plus son fils. Dans ce récit, elle raconte ses conquêtes féminines avec une crudité audacieuse, sans aucune pudeur, se conduisant comme un Don Juan au féminin. La narratrice nage beaucoup pour oublier son chagrin de mère mais, elle ne renonce en aucun cas à sa façon de vivre : "Je ne reviendrai pas en arrière. Je ne reprendrai pas ma peau d'avant". Elle résume elle-même sa nouvelle existence : "Nager, lire, écrire et voir des filles, comme une ascèse". Elle écrit une lettre à Paul en lui déclarant : "Je suis ta mère, c'est quelque chose qui ne cesse jamais". Deux ans sans voir Paul… Et un jour, elle peut enfin le revoir. Mais, ces retrouvailles ne se passent pas comme prévu. Il faut lire ce texte furieux, original, radical mais d'une sincérité totale. Constance Debré lance un brûlot contre la tradition, les clichés, le conformisme, la normalité… Femme libérée, libre de son ancienne vie, pour devenir ce qu'elle est vraiment : une écrivaine.