lundi 27 avril 2020

"Les Grands Cerfs"

Claudie Hunzinger a obtenu le Prix Décembre en 2019 pour son ouvrage, "Les grands cerfs". J'ai lu quelques titres de cette écrivaine originale comme "La survivance" et "L'Incandescente". Son dernier opus s'intéresse passionnément aux cerfs, ces animaux de la forêt, mythiques et mystérieux. La narratrice, Pamina, le double de l'écrivaine, habite en montagne dans les Vosges avec son compagnon, Nils. Leur maison en pleine nature est entourée d'un clan de cerfs qu'ils entendent la nuit. Pamina, sous l'influence de Léo, un ami de passage et photographe animalier, va se lancer dans une expérience quasi "spirituelle" à l'affût des cerfs à partir d'une cabane cachée dans la forêt. Loin de la société consumériste et capitaliste, Pamina se vit comme une vraie rebelle "écologique" tel Thoreau dans sa cabane isolée. Elle conjugue son "je" au singulier prônant une forme de rupture avec la société. Elle les repère la nuit, affrontant la neige, le givre, le brouillard, la grêle. Pamina, fascinée par eux, leur donne un nom à chacun : Wow, Apollon, Geronimo. Tous "bruissent d'intelligence et de mouvements secrets". Tout un vocabulaire spécialisée surgit dans les pages : "les fumées, le frayage, l'empaumure, les mues". Quand ils perdent leur ramure, elle y voit un symbole : "Ces fragments disaient : tout est cassé. La sortie du Paradis s'accompagne d'une casse générale". Au fil de ses observations, elle admire la beauté des cervidés et devient elle-même un cerf. Sa transformation du genre humain à l'animal l'amène à "s'augmenter dans une sorte de bond dans la nuit". Pamina, prenant la défense de ces animaux libres et sauvages, déteste les chasseurs que l'on reconnaît "à leur pick-up, à leur tenue kaki ou à leur ressemblance avec Poutine". Sa phobie contre les prédateurs de ces chers frères, les cerfs, semble excessif mais son rôle de défense de la beauté animale semble radicale comme sa vie au fond des bois. Elle écrit : "Eux et nous, pionniers des mêmes parcelles abandonnées par les humains, exclus et comblés, nous nous y étions un même espace bourré de "refus", ronces et bruyères. Et de liberté. De liberté menacée". Elle s'insurge contre l'ONF qui gère leur élimination par les chasseurs, ces assassins, et ce monde de prédation la révolte au plus haut point. Ce roman "écologiste" et radical sent la forêt, la liberté, la sauvagerie et Pamina-Claudie compose une élégie pour ce monde épargné par la violence sociale. Pour l'auteur, les hommes possèdent une sauvagerie bien plus prégnante que les animaux. Cet ouvrage pose cette question…