mardi 27 septembre 2022

Escapade à Rome, le Palais Farnèse

 J'ai réservé cet été une visite guidée en français du Palais Farnèse que je voulais absolument voir d'autant plus que mon hôtel était tout proche et que je passais sans cesse devant lui. Nous étions donc une quinzaine de touristes à franchir les portes très surveillées de ce palais de la Renaissance. Depuis 1874, il héberge l'Ambassade de France et les précautions exigées pour pénétrer dans ce lieu me semblaient entièrement justifiées. Une guide nous a accueillis avec une grande amabilité et nous avons déambulé dans les salles principales en nous interdisant la moindre photo. Nous écoutions attentivement toutes les informations données par notre hôtesse d'une culture impressionnante. Sans nous noyer dans les détails historiques, elle nous a raconté un "conte de fée" de la Rome renaissante. Le cardinal Farnèse, originaire d'Orvieto et futur pape, a commandité l'édifice en 1517 et sa construction a duré plus de 75 ans ! Les architectes les plus connus participent à l'élaboration du projet : Antonio da Sangallo et surtout le sublime Michel-Ange. La précieuse décoration intérieure a été confiée à des artistes dont les frères Carracci pour les fresques de la Galerie. Dès que je suis entrée dans la cour intérieure, j'ai senti que ce palais allait beaucoup me plaire, puis nous avons atteint le premier étage, la belle salle d'Hercule et plus loin, la Galerie la plus belle de Rome après celle de la Chapelle Sixtine. Je voulais me trouver dans cette salle qu'on ne peut pas voir habituellement. J'avoue que je suis tombée sous le charme de ces fresques extraordinaires : scènes mythologiques avec des dieux et des déesses inspirées des "Métamorphoses" d'Ovide, atlas soutenant un deuxième plafond en trompe-l'œil, peintures encadrées d'or. La guide culturelle expliquait avec son talent d'érudite, l'art des frères Carracci, des artistes bolognais exceptionnels. Le groupe s'est ensuite dirigé vers une des plus grandes bibliothèques françaises hors de France : la prestigieuse Ecole de Rome. Cette institution propose plus de 200 000 ouvrages sur la recherche historique et archéologique du bassin méditerranéen. J'aurais bien travaillé dans ce lieu magique quand j'étais bibliothécaire. J'ai croisé des regards de ces professionnels heureux de vivre à Rome et des étudiants travaillant sur leur thèse d'archéologie. Quel privilège de consacrer sa vie à l'étude ! Comme les moines des abbayes au Moyen Age. Sauf que ces travailleurs de l'esprit n'enluminaient pas les manuscrits latins mais tapotaient sur leurs ordinateurs ! Dommage, il faut bien vivre avec les coutumes de son temps. Je me souviendrai longtemps de cette plongée dans la Renaissance italienne dans ce palais Farnèse si magnifique. 

lundi 26 septembre 2022

Escapade à Rome, la Centrale Montemartini

 Dans mon escapade romaine, j'ai revu pour la troisième fois le Forum Romain, lieu incontournable pour les touristes, amateurs ou pas de l'Antiquité. Comme le Colisée tout proche, la foule se densifie aux abords de la Place de Venise, carrefour central où se love l'esprit de l'Empire Romain. Son importance capitale, historique et religieuse se manifeste dans l'édification de monuments impressionnants : la Colonne de Trajan, le marché, le Colisée, les Arcs de triomphe, les basiliques, les colonnes des temples, les voies pavées. Ces ruines si connues entourées de pins parasols marquent éternellement le paysage romain et j'ai ressenti un sentiment de proximité avec tous ces ancêtres se croisant et s'interpellant dans cet espace sacré. On peut facilement imaginer les cérémonies politiques, les célébrations religieuses, les défilés militaires, les combats de gladiateurs, comme dans l'agora grecque. J'ai passé quelques moments à déchiffrer les fresques de l'Arc de Titus, j'ai remarqué les fondations des temples et la présence des Vestales. Je n'étais plus en 2022 mais en l'an 22... Un voyage fascinant dans une civilisation fondatrice. Pour compléter ma plongée dans le monde romain antique, j'ai visité la Centrale Montemartini, une ancienne centrale thermique de Rome, construite en 1912 et située dans le quartier d'Ostiense. Que suis-je allée faire dans cette usine désaffectée ? En 1997, ce site industriel s'est transformé en musée archéologique ! Cet espace invraisemblable abrite plus de 400 statues romaines, des épitaphes et des mosaïques. Ces collections appartiennent aux musées capitolins et sont présentées sur ce fond d'archéologie industrielle. Voir une déesse romaine en marbre dans sa belle robe blanche devant des machines infernales d'une dimension écrasante est une expérience à vivre. Mes yeux ne cessaient de passer des œuvres antiques aux turbines, aux tuyaux, et autres chaudières gigantesques. J'ai traversé plusieurs espaces avec une curiosité de plus en plus excitée par la scénographie des collections. Les deux entités civilisationnelles se complétaient avec une harmonie fusionnelle. De temps en temps, je prenais quelques minutes de plus pour admirer certaines statues comme celle du jeune favori de l'empereur Hadrien, Antinoüs. Une magnifique mosaïque montrant une scène de chasse occupe une salle entière. Ce contraste radical entre les deux époques frappe l'imagination et longtemps après la visite en solo (car il n'y avait personne), les statues et le décor industriel se sont imprimés dans ma mémoire comme une découverte essentielle dans mon séjour romain. Un lieu magique à voir absolument. 

vendredi 23 septembre 2022

Escapade à Rome, le Château Saint-Ange

 Je suis arrivée à Rome en fin d'après-midi le mercredi et le taxi m'a déposée près du Palais Farnèse pour rejoindre l'hôtel. J'avais choisi ce quartier central piétonnier pour revoir mes lieux préférés : le Campo di Fiori, les bords du Tibre, la place Navona, le Panthéon, le Forum romain, et tant d'autres lieux mythiques. J'aime marcher tranquillement  à travers les rues pavées sans jeter un œil sur les scooters ou sur les voitures envahissantes. J'ai consacré ma première visite au Château Saint-Ange (Castel Sant'Angelo), connu aussi sous le nom de Mausolée d'Hadrien. En longeant les bords du Tibre, je suis parvenue au pont Saint-Ange, le plus emblématique de la ville. Les anges me faisaient une haie d'honneur et sur ces dix statues en marbre, quelques mouettes regardaient avec amusement les touristes très nombreux qui franchissaient ce pont, construit en 135. Si ce passage pouvait parler, il raconterait l'histoire passionnante de la ville. Le Bernin a transformé cet ouvrage en chemin de croix symbolique en intégrant ses anges portant les instruments de la Passion. Le nom de l'archange Michel est associé au Mausolée quand la ville a été sauvée de la peste en 590. Une statue en bronze a été installée en 1753 par Pieter Antoon Verschaffelt. J'étais assez impressionnée de pénétrer dans ce lieu quasi mythologique tellement il s'impose magnifiquement dans le décor romain. Le Mausolée d'Hadrien s'est transformé en forteresse qui a servi de cachette aux papes quand Rome a été victime de pillages récurrents. Très proche du Vatican, un tunnel permettait à la papauté de protéger les trésors de l'Eglise.  D'étage en étage, on peut voir le mausolée mais les urnes ont été pillées, la prison, le musée, les appartements du pape et la terrasse du toit avec la statue de l'archange Michel. Pour fêter l'arrivée dans cette cité magique, j'ai bu un spritz sur la terrasse-bar du château qui domine tous les monuments célèbres et le Tibre avec ses ponts. Une ambiance bon enfant régnait entre tous les visiteurs de Saint-Ange, peut-être un effet euphorique de la beauté urbaine de Rome. Beaucoup de smartphones cliquetaient pour immortaliser la présence des touristes venus du monde entier. Je remarquais une certaine "mondialisation" heureuse dans ce Château patiné par tant de siècles comme un trésor d'une Histoire romaine antique et catholique, matrice de notre culture européenne. Dans mes deux précédentes escapades romaines, je n'avais pas visité Saint-Ange, faute de patience à cause de l'attente aux caisses. Le point de vue sur Rome de la terrasse est un classique pour tout touriste motivé. Initiative réussie et je me souviendrai longtemps de cette douceur romaine avant la tombée de la nuit. Un décor de cinéma et plusieurs films ont été tournés dans ce lieu magnifique. Un monument incontournable. 

jeudi 22 septembre 2022

Escapade à Rome, Ostia Antica

 Avant de rendre la voiture à l'aéroport, j'ai visité le site archéologique d'Ostia Antica tout proche de Rome à une trentaine de kilomètres. Signifiant "embouchure d'un fleuve", Ostie était le port de la Rome antique mais du fait de l'ensablement, le site se trouve désormais à l'intérieur des terres. Ce site stratégique pour nourrir la capitale du monde romain a gardé toute sa magie et j'ai imaginé les cohortes de bateaux transportant sur le Tibre des cales pleines d'amphores de vin, de céréales, d'huile d'olive, de garum et d'autres produits essentiels à la vie quotidienne. Selon le poète latin, Virgile, le prince Enée, a fui l'incendie de Troie pour se réfugier à Ostie. Fondée en 640 av. J.-C., la ville prospère ne ressemblait qu'à une citadelle avec ses remparts. Au cours des siècles suivants, le commerce a transformé le site en ville de plus de 100 000 habitants. Malgré les guerres, les attaques de pirates, les pillages divers, Ostie tient debout et ne sera abandonné qu'à la fin de l'Empire romain. Dès que j'ai pénétré dans l'aire ostienne, j'étais déjà charmée par la présence nombreuse des pins parasols qui ponctuaient ces paysages antiques où les ruines procurent un sentiment vertigineux du temps qui passe. J'ai appris que notre cher Montaigne s'était promené dans cet espace si fascinant. Comme je connaissais Pompéi et Herculanum, j'ai mesuré la chance que j'avais de découvrir Ostie. J'ai traversé des îlots d'habitation à étages appelés insulae. L'immense mosaïque de Neptune a attiré toute mon attention admirative. J'ai arpenté le théâtre de Marcus Agrippa pour 3000 personnes où se préparait une animation culturelle. Ma déambulation sur les pavés inégaux des rues et des ruelles me conduisait dans des quartiers cachés. J'ai vu les latrines collectives et je rentrais dans des anciennes boutiques. En longeant la place des Corporations, j'ai remarqué les enseignes se référant au commerce maritime. Et des entrepôts, des thermes, des colonnes marquant l'emplacement des temples. Cette cité cosmopolite comptait plus de 18 temples dont ceux dédiés au dieu perse Mithra, une synagogue et une basilique chrétienne. Cette plongée abyssale dans un décor inchangé depuis plus de 2000 ans m'a vraiment subjuguée et j'ai constaté une fréquentation très acceptable alors que les sites de Pompéi et d'Herculanum sont souvent pris d'assaut par des milliers de touristes. J'ai apprécié d'autant plus Ostie plus injustement méconnu. Pour ressentir l'ambiance de cet Empire romain, il suffit de passer quelques heures dans ce lieu où souffle un vent chargé d'effluves de vin et d'huile d'olive. Ostie antique est l'une des villes romaines les mieux conservées d'Italie où les fouilles se poursuivent toujours et pour de nombreuses années. 

mercredi 21 septembre 2022

Escapade à Rome, le Musée archéologique de Tarquinia

 Tarquinia, un mot durassien ! J'ai relu cet été "Les petits chevaux de Tarquinia" et ce roman, publié en 1953, n'a pas pris une ride, presque 70 ans après. Deux couples d'amis français et italiens se retrouvent dans une petite station balnéaire sur la côte ligurienne et vivent des moments d'ennui sous une canicule qui désamorce leur propre volonté. Entre la plage, le restaurant et les jeux de boules, les hommes et les femmes parlent de leurs relations amoureuses, entre fidélité et tentation extra-conjugale. Ces états d'âme indolents composent une basse continue que Marguerite Duras ne cesse de jouer dans ses œuvres en mettant l'amour comme élément essentiel pour vivre pleinement. Quand un personnage propose d'aller voir les petits chevaux de Tarquinia d'une tombe de la Nécropole, l'écrivaine symbolise ce désir comme un projet éventuel, un futur probable, une réconciliation imaginable chez un couple en crise. Tarquinia, ce nom d'une ville italienne, prend une dimension poétique grâce à l'art littéraire. J'ai donc visité cette petite ville au Nord de Rome à une centaine de kilomètres sur la côte du Latium. Remparts, places, fontaines, églises, centre ancien piétonnier, cette bourgade de 20 000 habitants déploie son charme avec une discrétion remarquable dans des tons d'ocre doré. Dès le matin, je me suis rendue au Musée national archéologique de la ville. Tarquinia ressemble au modèle de la ville italienne et possède aussi un atout majeur avec son héritage étrusque. Le musée, installé dans un palais de la Renaissance, présente des vestiges étrusques et romains. J'ai retrouvé avec un grand plaisir des reconstitutions authentiques de fresques de la Nécropole de Monterozzi dont celles du Navire, du Triclinium, des Léopards et des Olympiades. J'ai ressenti la même émotion de voir ces fresques funéraires de toute beauté. Dans une salle du premier étage, "Les chevaux ailés" m'attendaient. Ce groupe sculpté en terracota provient d'un fronton d'un Temple de la Reine du IVe siècle av. J.-C., situé sur une colline des environs. Ces deux chevaux d'une élégance totale frappent les visiteurs(ses) de ce musée qui conserve un ensemble saisissant d'objets divers trouvés dans les tombes. Revoir l'art de ce peuple si singulier dans ce musée régional de grande importance m'a une fois de plus fascinée et grâce à mes photographies et à mes ouvrages sur les Etrusques, je peux toujours les rejoindre à ma guise... 

mardi 20 septembre 2022

Escapade à Rome, à la découverte des Etrusques de Tarquinia

 Après Tivoli, je voulais absolument rencontrer les Etrusques à Tarquinia. J'ai toujours été intéressée par ce peuple premier de Rome dont la civilisation raffinée a laissé des traces évidentes chez les Romains. Je connaissais, grâce à des beaux livres de ma bibliothèque à mes escapades antérieures en Italie, la peinture étrusque et j'ai profité de mon voyage dans le Latium pour visiter la nécropole de Monterozzi, proche de Tarquinia. Inscrit en 2004 sur la liste du Patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO, ce site exceptionnel contient 6 000 tombes creusées dans la roche. Mais, seulement 200 d'entre elles comportent des peintures qui datent du VIIe siècle avant J.-C. J'ai eu encore beaucoup de chance de ne croiser que très peu de touristes. L'archéologie reste encore un domaine peu attirant pour nos contemporains. Et pourtant, cette nécropole présente des trésors culturels d'une immense richesse patrimoniale. Ces tombes à chambre se composent d'une voûte à deux pentes avec des fresques sur les parois de face et des deux côtés. Des petits édifices liés à chaque tombe protègent l'accès et permettent la visite d'une façon un peu sportive. Il faut descendre un escalier en bois aménagé spécialement pour découvrir avec une émotion attendrie les peintures qui racontent leur civilisation fascinante. Je suis tombée sur une porte vitrée et blindée pour admirer les peintures souvent effacées par les  siècles qui nous séparent d'eux. Certaines d'entre elles sont conservées au Musée étrusque de Tarquinia. Les fresques racontent les rites de ce peuple : scènes religieuses, banquets joyeux, danseurs et danseuses, chasse et pêche, musiciens, rites autour de la mort. Les archéologues supposent que certaines artistes ont reçu l'influence grecque et aussi orientale. Les tombes portent des noms évocateurs : tombe du Guerrier, de la chasse et de la pêche, des Lionnes, des Augures, des Léopards, du Navire, etc. La divination domine tous les actes de leur vie quotidienne et les haruspices appliquent les rituels. Les Etrusques ont inventé les villes, le bornage des propriétés, le cadastre, les canalisations et les puits. Les Romains ont donc bien profité de l'intelligence de ce peuple antique si original. J'avais déjà suivi les traces des Etrusques en Toscane à Arezzo, Volterra et surtout à Rome dans le magnifique musée national de la Villa Giulia où sont conservées les plus belles pièces retrouvées dans les tombes : bijoux, poteries, vases, urnes funéraires, objets usuels, sarcophages, statues et statuettes. Cette visite de la Nécropole s'est poursuivie à Tarquinia dans le musée archéologique. Ma déambulation dans la nécropole de Monterozzi m'a permis de découvrir une vingtaine de tombes et je pensais à ces hommes et à ces femmes des temps antiques désirant marquer leur passage de la vie à la mort en emportant dans leurs dernières demeures les souvenirs de leur vie terrestre. Un peuple de poètes, de musiciens et d'artistes. Les peintures de Tarquinia racontent leur Odyssée sur les belles terres italiennes.

lundi 19 septembre 2022

Escapade à Rome, Tivoli, la Villa Hadriana

 Premier grand coup de cœur dès mon arrivée à Rome : la découverte de la Villa Adriana à Tivoli. En louant une voiture à l'aéroport, je suis partie directement à Tivoli à une trentaine de kilomètres de Rome. La chambre d'hôte de la Casale Colleoni dans une maison de maître très ancienne touchait le grand domaine de la Résidence impériale d'Hadrien qu'il a fait construire en l'an 117 sur 120 hectares. Dès le soir, les cyprès se dressaient avec grâce dans le ciel et s'illuminaient comme des bougies dans le coucher du soleil. Dès le matin, j'étais devant la Villa et avec surprise, j'ai arpenté le site antique pratiquement seule (et avec ma famille). Je relisais en même temps "Les Mémoires d'Hadrien" de Marguerite Yourcenar et pendant les deux heures de ma visite, je me retrouvais dans le deuxième siècle après Jésus-Christ, déambulant dans un espace dédié à la Beauté. Le parc arboré de cyprès et de chênes nous accueillait sous un soleil d'été, chaud et sec. Plus j'avançais dans ce domaine enchanté, plus je savourais cet esprit du lieu, un lieu intemporel que les ruines rendent encore plus émouvantes dans la lumière matinale. L'empereur rêvait d'un paradis architectural novateur et il voulait reproduire dans son domaine les lieux et les monuments qu'il avait visités lors de ses voyages à travers l'Empire romain. Il a élaboré sa célèbre Canope du nom d'une cité égyptienne. Autour d'un canal, ceinturé de statues grecques dont des Caryatides et du dieu Mars, ces copies romaines se reflètent avec harmonie dans l'eau du canal. L'empereur Hadrien, helléniste passionné, avait réussi son hymne à l'amour d'Athènes et de la Grèce antique. Je me promenais dans ces allées majestueuses avec admiration et même avec une certaine sidération devant ce monde antique greco-romain. Bâtiments d'habitation, therme, palestre, théâtre maritime magnifique, temples, toutes ces ruines créaient une atmosphère quasi religieuse. L'empereur était un grand, un immense lecteur et j'ai longé les bibliothèques avec émotion. Je l'imaginais entouré de philosophes et consultant son bibliothécaire pour établir un catalogue complet de toutes les productions de rouleaux de papyrus. Dans sa biographie d'Hadrien, Marguerite Yourcenar retient cet amour des livres en écrivant : "Mes premières patries ont été des livres".  Cette première visite à Tivoli de mon séjour romain m'a laissé une très forte impression et j'en garderai longtemps encore un souvenir émerveillé. Plus je lis le roman biographique de Marguerite Yourcenar, plus je vois l'empereur dans sa dernière demeure, son refuge, son île, son abbaye de Thélème. Il pleurait son amant, Antinoüs, un jeune Grec d'une grande beauté, mort noyé l'âge de vingt ans qu'il finira par diviniser. Un lieu inoubliable à la fois historique et littéraire. Tivoli, un paradis du temps retrouvé. 

samedi 10 septembre 2022

Lire Rome

 Avant de partir pour une semaine à Rome, je lis et relis les guides, les beaux livres d'art, les plaquettes diverses que j'ai rapportées lors de mes précédentes escapades dans cette ville que j'aime tout particulièrement. Dans mon Panthéon des capitales européennes, je situe Rome en première place pour son immense richesse culturelle, de l'Antiquité à la Renaissance. Tant de génies ont modelé cette ville fascinante ! Pour me mettre dans l'ambiance romaine, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt le "Rome" de Yann Le Bohec et de Jean-Joël Brégeon dans la collection Clio des Presses Universitaires de France. Cette somme historique, issue d'un professeur universitaire de la Sorbonne, se lit avec un vrai plaisir de lecture : "Vingt-cinq siècles d'histoire défilent en effet sur le site où fleurit la Cité des sept collines. Des vestiges de l'ancien Latium aux forums impériaux ou à l'amphithéâtre flavien, des catacombes chrétiennes aux églises baroques en passant par la Coupole de la basilique Saint Pierre, c'est à Rome que les Européens peuvent retrouver une bonne part des éléments fondateurs de leur identité". Ce livre d'histoire romaine est complété par des textes d'auteurs latins, des plans et des chronologies. J'ai  appris beaucoup d'anecdotes sur l'esprit bâtisseur des empereurs à la vie luxueuse en contraste avec celle du peuple dont une grande partie est constituée par des esclaves, Ce monde si lointain et si proche de nous a légué un grand nombre d'inventions civilisationnelles : des routes aux aqueducs, des latrines aux thermes, les premiers immeubles à six étages, les égouts, le latin, le droit, la chrétienté, la Renaissance, etc. Je dirai que je me sens plus romaine qu'européenne comme si mes origines profondes s'enracinaient dans cette romanisation de la Gaule, de l'Empire romain si vaste. Pour compléter mes connaissances, j'ai lu Paul Veyne et son ouvrage très instructif si facile à lire, "La vie privée dans l'Empire romain" en format poche. J'ai poursuivi avec un livre délicieux, "Le piéton de Rome" de Dominique Fernandez, érudit, divertissant, anecdotique, et en plus, il évoque ses propres souvenirs et ses rencontres avec les écrivains italiens ayant vécu à Rome comme Pasolini, Moravia, Morante et Bassani. Avant de partir, je vogue dans les livres pour me préparer mentalement. Rome ressemble à une mine culturelle d'or, voire même une ville saturée de références historiques, artistiques et littéraires. Tous ses signaux et tous ses symboles doivent être décryptés sous mes yeux ébahis devant tant de beauté. Mais, Rome ne se visite pas en huit jours, en quinze ou en un an. Il faudrait y vivre en permanence ! J'irai aussi à Tivoli pour rencontrer l'empereur Hadrien. Je vais visiter les sites étrusques de Tarquinia et de Cerveteri. Et je découvrirai Ostia Antica, le port antique de Rome... Je vais remonter le temps avec bonheur ! 

vendredi 9 septembre 2022

"A l'amie des sombres temps", Geneviève Brisac

 Dès qu'une nouveauté évoque Virginia Woolf, je ne manque jamais de me la procurer. J'ai trouvé chez Garin un ouvrage de l'écrivaine Geneviève Brisac, "A l'amie des sombres temps" aux éditions Nil dans la collection "Les Affranchis". J'avais beaucoup apprécié la biographie sensible qu'elle a consacrée à l'écrivaine anglaise, "La double vie de Virginia Woolf", co-écrite avec Agnès Desarthe, parue au Seuil en 2008.  Dans ce recueil épistolaire, la narratrice veut donner de ses nouvelles et interpeller l'écrivaine de Bloomsbury. Une immense gratitude se lit dans toutes les lignes de ce livre hommage car Virginia Woolf a fortement influencé des générations d'écrivaines : "Il est plus que temps de faire appel à vous pour comprendre le chaos où nous sommes plongées. A votre intelligence, à votre vision. Car, visionnaire, toujours vous le fûtes". Ce texte se transforme vite en exercice d'admiration tellement l'écrivaine anglaise, si fascinante par sa vie et par son œuvre, a servi de modèle, de mentor, de référence à Geneviève Brisac qui a mis toute son énergie créatrice dans l'écriture. Ces deux autrices, malgré le siècle qui les sépare, se ressemblent et s'assemblent dans cette passion commune d'écrire leur vie de femme dans un monde fabriqué par les hommes. Geneviève Brisac rappelle la jeunesse espiègle de son "amie", ses relations familiales, ses projets littéraires avec un style épistolaire familier qui la rapproche intimement de sa destinataire célèbre. Elle évoque le goût des fleurs de Mrs Dalloway, toute une symbolique sur l'amour de la vie comme les aimait tant Virginia Woolf. A Gueret, un colloque sur l'écrivaine a eu lieu et regroupait des écrivaines qui voulaient manifester leur gratitude profonde envers elle comme Florence Seyvos, Agnès Desarthe, Cécile Wajsbrot. Les livres ont sauvé la vie de Geneviève Brisac : "mieux qu'un médecin, qu'une drogue. En donnant un sens à nos jours, des heures plus denses, plus ensoleillées". Pour tous les amoureux et amoureuses de Virginia Woolf, il faut découvrir ce témoignage de gratitude envers une écrivaine de génie, disparue en 1941 au moment où sa folie l'étreignait dans un étau insupportable, Ma Reine à moi s'appelle Virginia Woolf... 

jeudi 8 septembre 2022

"Le Trésorier-payeur", Yannick Haenel

Yannick Haenel revient dans cette rentrée littéraire avec son puissant "Le Trésorier-payeur", publié chez Gallimard. Ce roman ambitieux et ultra littéraire raconte l'histoire allégorique d'un trésorier-payeur à Béthune. Il se nomme Georges Bataille comme l'écrivain français à la réputation érotique sulfureuse. Mais, avant de mettre la lumière sur ce personnage, il commence son livre par une explication sur la matrice de son livre et sur sa conception de la littérature qu'il définit ainsi : "Il n'y a rien de plus beau qu'un roman qui s'écrit ; le temps qu'on y consacre ressemble à celui de l'amour : aussi intense, aussi radieux, aussi blessant. On ne cesse d'avancer, de reculer, et c'est tout un château de nuances qui se construit avec notre désir". Le narrateur écrivain se rend dans une ancienne succursale de la Banque de France à Béthune, devenue un centre d'art. Il apprend que le Trésorier-payeur s'appelait Georges Bataille. Cet homme a fait sa carrière entre 1999 et 2007. Il invite ensuite le lecteur(trice) à suivre ce drôle de banquier philosophe dans une biographie romanesque et économique. Féru de philosophie, ce Georges Bataille choisit pourtant une école de commerce pour comprendre les rouages de l'économie mondialisée. Il se conduit en fait comme "un être impeccable" en apparence mais il est consumé par une "aventure intérieure" relevant d'une "apocalypse". Tout une méditation se déroule dans ce texte sur l'argent, l'économie qui dirige le monde. Il envisage la dépense comme la vérité de l'être : "Que chacun ne fait que ça, économiser - ses forces et son argent ; qu'on ne cesse d'épargner, et que l'accumulation est une manière de s'éteindre car la vraie vie réside dans la dépense". La banque lui confie le dossier des surendettés qu'il aide avec charité jusqu'à héberger un couple de polonais dans sa maison. Quand son directeur lui a proposé l'achat de cette maison abandonnée proche de la banque, il n'a pas hésité une seconde pour en faire son refuge de solitude. Il lit et écrit sans cesse en dehors de ses activités bancaires. Il découvre dans la cave un souterrain qui le mène directement à la salle des coffres. Il peut saisir ainsi le lien allégorique entre l'argent et sa vie. Cet homme connaît aussi l'amour avec Clarisse, Pauline, Annabelle et sa dernière compagne, Lylia. Un anarchiste illuminé ? Un érudit ? Un fou de littérature ? Un amoureux absolu ? Sa personnalité flamboyante intrigue et donne à ce roman une dimension philosophique, politique et même métaphysique. L'argent abîme l'humanité (le capitalisme, évidemment) selon Yannick Haenel. Seuls, l'amour et l'érotisme sauveront le monde en ajoutant le rôle de la littérature, un des moyens les plus puissants pour parvenir à cette vie sans "calcul". Un roman fort et original qui marque le retour de l'écrivain dans la fiction. 

mercredi 7 septembre 2022

Marcel Proust, "A l'ombre des jeunes filles en fleurs"

 L'année 2022, l'année Marcel Proust. J'ai relu cet été, époque propice pour des lectures longues, "A l'ombre des jeunes filles en fleurs", le tome 2 de la "Recherche du temps perdu". Publié en 1918, chez Gallimard, le roman a reçu un an après le Prix Goncourt par six voix contre quatre pour les "Croix de bois" de Roland Dorgelès. Le Narrateur est attiré par la fille des Swann, Gilberte. Les parents de la jeune fille l'invitent souvent et il rencontre pour la première fois, dans ce salon mondain, l'écrivain Bergotte, qu'il admire depuis longtemps. La jeune fille trouve le Narrateur trop envahissant et ils cessent de se voir. Deux ans plus tard, il part à Balbec avec sa grand-mère pour se soigner. Dans cette ville thermale ennuyeuse, il rencontre le neveu de Madame de Villeparisis, Saint-Loup. Ils deviennent amis et sa vie mondaine s'enrichit avec la présence de Bloch et du Baron de Charlus au comportement étrange. Le Narrateur se met aussi à rêver des "jeunes filles", une bande joyeuse et espiègle avec lesquelles, il cherche à se faire adopter. Il choisit Albertine, sa nouvelle égérie. Mais, celle-ci le repousse lors d'une tentative de séduction. Un autre personnage mythique apparaît dans le roman, le peintre Elstir qui séjourne près de Balbec. La saison prend fin et le Narrateur, quelque peu dépité, rentre à Paris. Marcel Proust raconte dans ce deuxième tome, "les intermittences du cœur", le sentiment fugace de l'amour de sa naissance à sa disparition. Mais, l'écrivain introduit aussi dans ce livre "le fracas du monde" en évoquant la visite du tsar, Nicolas II à Paris, les craintes de la guerre avec l'Allemagne, un krach boursier, l'Affaire Dreyfus, le milieu politique de l'époque. L'écrivain égrène dans son texte des réflexions sur le temps et sur l'art : "Le temps dont nous disposons chaque jour est élastique ; les passions que nous ressentons le dilatent, celles qui nous inspirons le rétrécissent, et l'habitude le remplit". Quand je relis Marcel Proust, j'aime, au détour d'une phrase, ses réflexions sur l'amour, sur l'art, sur la vie. Proust ou la passion des idées et aussi des sensations sans oublier son humour caustique sur les travers de ses personnages souvent grotesques dans leurs manières affectées. Une suite étincelante où se met en place l'univers proustien à multiple facettes. Une dernière citation pour le plaisir de l'écrire : "La vie est semée de ces miracles que peuvent toujours espérer les personnes qui aiment". 

mardi 6 septembre 2022

"Cher connard", Virginie Despentes

 Je viens de lire le best-seller de la rentrée littéraire : "Cher connard" de Virginie Despentes. Que dire de ce roman générationnel ? Faut-il que je le critique durement ou dois-je faire preuve de compréhension ? Je parle souvent d'univers en évoquant les grands écrivains mais pour cette écrivaine française très rock and roll, (trop démodé le rock, c'est même devenu aujourd'hui une sorte de musique noble comme l'antique musique classique), je ne perçois pas trop quel est son univers littéraire. Cette égérie de la cause "féministe" écrit comme une rappeuse car elle utilise le langage parlé, courant pour développer de longues litanies victimaires d'une outrance parfois ridicule. Ma première impression en parcourant son livre : la pauvreté du vocabulaire, de la syntaxe, des tournures de phrases. On se croirait dans un salon entre des adolescentes, sans complexe et revendiquant même la révolution linguistique d'aller au plus pressé. Pour Virginie Despentes, le langage doit avoir une origine masculine et comme elle déteste les "mâles surtout blancs', elle n'aime guère se saisir de la langue française pour la "poétiser". Style banal, vocabulaire minimaliste, vision de la vie au bord de l'apocalypse. Pour Madame Despentes, la vie est un calvaire et seuls, les drogues, l'alcool, le sexe amortissent son "malheur d'être" face à une société "masculiniste", patriarcale voir fasciste d'extrême droite. Sa défense systématique des femmes, victimes des hommes, des bourreaux sur pattes, lui font dire : "La féminité est une prison et on en prend perpet".  La société tue littéralement les femmes et l'écrivaine enfonce ses idées avec un marteau et non avec une plume. Deux personnages dialoguent et parlent de leurs diverses addictions : Rebecca, une actrice quinquagénaire sur le déclin et Oscar, un écrivain raté, contesté par une ancienne collaboratrice et dénoncé par Meetoo. Il est question d'entreprendre une cure de désintoxication en participant à des groupes de paroles mais, cette démarche semble bien "bourgeoise". L'univers de Virginie Despentes m'entraîne sur une planète étrange, d'une noirceur étouffante, celle des "martyrs" du capitalisme blanc, d'un patriarcat assassin. Il vaut mieux s'adonner aux drogues diverses, pour "se foutre en l'air", pour effacer un Réel cruel pour les femmes. Virginie Despentes veut-elle concurrencer Sartre, Céline, Genet, Houellebecq ? Malheureusement pour elle, il lui manque l'ironie, l'humour, le style. Peut-être devrait-elle louer une place dans une navette pour la lune pour enfin créer une société nouvelle où les femmes s'exileraient loin de leurs prédateurs. L'engouement d'une presse littéraire pour ce roman politique m'étonne beaucoup. La littérature militante ne s'inscrit pas dans la longue durée des siècles. Cette autrice cultive une posture révolutionnaire, mais je ne vois pas en elle un Rimbaud au féminin. Pensons à la langue magnifique de cet astre rebelle ! Hélas, n'est pas Rimbaud qui veut.  Ma curiosité intellectuelle a pris le dessus pour lire ce texte que j'oublierai très vite. Et je ne vais pas encore me réconcilier avec cette littérature de combat. Mon féminisme basique n'a pas déclenché en moi un sentiment de sororité à son égard. Dommage.  

lundi 5 septembre 2022

France Culture, "Les romans qui ont changé le monde"

 J'ai signalé dans le blog une émission de France Culture,  "Comment les livres changent le monde" que l'on peut écouter en podcast sur le site internet de Radio France. J'ai écouté pratiquement toutes les émissions sauf certains titres comme "Le Petit Prince" de Saint-Exupéry, trop naïf à mon goût et le livre terrible d'Hitler. Fallait-il mettre cet abominable ouvrage dans la liste ? Ce livre a malheureusement changé la face du monde. Les livres peuvent aussi se transformer en outils maléfiques. Cet été, Mathias Enard a proposé un choix plus harmonieux concernant 10 romans, 10 auteurs (5 femmes et 5 hommes) du XXe siècle au début du XXIe. Dans la présentation de l'émission, ces textes "ont en commun d'avoir bousculé leur époque. Certains romans ont inventé un univers nouveau ; d'autres ont contribué à la destruction du monde ancien ; d'autres encore ont fait évoluer notre vision de l'histoire". La sélection de Mathias Enard m'a semblé très passionnante car j'ai retrouvé dans la liste des romans qui m'ont durablement marquée. La première émission concernait "Mrs Dalloway" de Virginia Woolf. Quel plaisir d'écouter deux spécialistes de l'écrivaine évoquant avec une intelligence rare et élégante ce roman moderne fondamental dans la littérature européenne ! Malgré mes deux lectures du livre, je vais revisiter ce chef-d'œuvre traduit récemment par Nathalie Azoulai, chez P.O.L., en format de poche. J'ai écouté ensuite "L'Œuvre au noir" de Marguerite Yourcenar, un roman philosophique d'une ampleur historique fascinante. Avant d'entreprendre cette lecture somptueuse, il vaut mieux s'informer avant de commencer cette aventure livresque inoubliable. L'émission était très éclairante pour cerner les personnages et l'arrière-plan historique assez complexe. Mathias Enard avait décidément un goût excellent. Puis, sur cette liste qui démarrait à merveille, la deuxième Marguerite a fait son apparition avec son "Barrage contre le Pacifique", roman culte qu'il faut absolument lire et relire. Tout Duras est dans ce livre nostalgie. Deux autres écrivaines figurent dans ce palmarès, Françoise Sagan, "Bonjour Tristesse" et Svetlana Alexievitch, "Les cercueils de zinc". Les cinq messieurs choisis par Mathias Enard font partie aussi de la "légende" littéraire : Céline, "Voyage au bout de la nuit", Tolkien, "Le Seigneur des Anneaux", Umberto Eco, "Au Nom de la Rose", Thomas Bernhardt, "Des arbres à abattre", Roberto Bolano,  "Les Détectives sauvages". J'ai retrouvé avec plaisir Thomas Bernhardt, un peu oublié aujourd'hui et pourtant incontournable dans le panorama de la littérature autrichienne. Pour ceux et celles qui aiment la littérature, cette série m'a vraiment donné envie de lire et de relire ces chefs d'œuvre de la littérature !

vendredi 2 septembre 2022

"Venise toute", Benoît Casas

 Un petit livre, publié chez Arléa, a attiré mon attention lors d'une visite chez Garin à Chambéry. Il portait un titre doux à mes oreilles, "Venise toute", écrit par un auteur peu connu, Benoît Casas. Comme j'ai passé une semaine de rêve dans la cité lacustre en avril dernier, je voulais retrouver l'ambiance calme et sereine de Venise, une ville qui m'emplit toujours d'une grande nostalgie heureuse. Cet auteur vit à Marseille. Il a publié quelques romans chez des petits éditeurs et codirige les éditions "Nous". Son ouvrage m'a redonné l'envie d'y retourner et je me suis fait la promesse de séjourner dans cette ville régulièrement comme si je voulais vivre à l'écart de notre monde motorisé, bruyant et stressant. Venise échappe à une extrême modernité plutôt enlaidie depuis des décennies. Là-bas, à Venise, la beauté s'installe partout, sur l'eau, sur la terre ferme et il a fallu des siècles pour bâtir un espace aussi singulier. Quand j'étais sur les Zattere, dans un appartement de location, je vivais un peu comme une Vénitienne : prendre le vaporetto, faire des courses dans un petit supermarché au pied de l'immeuble, voir le ciel prendre des couleurs nuancées, goûter le vent de la mer, observer le bal des bateaux de tout acabit, suivre les mouettes des yeux, manger une glace sur une terrasse, rentrer dans une église baroque, regarder l'intérieur des palais du vaporetto. Mon regard enregistrait tous les mouvements, toutes les palpitations de la vie sur l'eau avec des ponts et des placettes. Même les touristes envahissants (dont moi, évidemment) ne m'énervaient pas, tellement la ville leur met un sourire aux lèvres ! Benoît Casas propose un abécédaire et exprime avec une grâce certaine, les impressions que la ville lui procure. Ces phrases brèves et poétiques forment un hommage vibrant à cette ville unique au monde qui attire souvent un amour admiratif. Je partage vraiment toutes ses réflexions comme celle-ci : "Qui a parlé de la tristesse de Venise n'a donc jamais vu cette lumière, ce ciel ardent, ce mouvement, cette vie marine". Il évoque les cloches, l'eau, le ciel, les saisons, les palais, les ruelles et tant de merveilles exposées devant ses yeux. Il décrit aussi les sensations qu'il ressent : "Une longue promenade sur la lagune vous laisse une sorte d'étourdissement ébloui, un balancement jusque dans l'esprit, où les pensées oscillent, et qui persévère même dans le sommeil". Ce texte kaléidoscope montre une ville labyrinthe, une ville énigme, une ville étincelle où l'on aime se perdre, s'oublier et s'extasier. L'auteur n'oublie pas de mentionner les magiciens de Venise : Carpaccio, Le Tintoret, Tiepolo, Ezra Pound, Marcel Proust, Joseph Brodsky, et tant d'autres amoureux et amoureuses de Venise. Cet ouvrage charmant se lit avec un plaisir certain. Un retour sur une escapade printanière qui embellira toujours ma mémoire.  

jeudi 1 septembre 2022

La vague littéraire de la rentrée

 J'éprouve une fascination depuis mon enfance pour les vagues que j'ai toujours observées avec une certaine crainte mais aussi avec beaucoup de joie. Le bord de l'océan constituait mon horizon et j'ai passé le premier tiers de ma vie, bercée par la proximité océanique qui m'a dotée d'une vitalité que je voudrais conserver jusqu'à la fin. La rentrée littéraire se transforme en deuxième vague de papier qui a rythmé ma vie professionnelle de libraire et de bibliothécaire. Que nous réserve cette rentrée automnale ? Une permanence des chiffres avec plus de cinq cents nouveautés, un petit tsunami habituel et fort sympathique même si les libraires peinent à présenter ces centaines de titres sur leurs tables. J'ai déjà flairé la vague dans les librairies chambériennes et j'ai lu quelques résumés qui m'ont donné envie de découvrir ces milliers de nouvelles pages. Dans le Monde des Livres du 19 août, des informations ont commencé à filtrer pour établir une première impression : "Une rentrée littéraire sous tension". Le printemps avec la guerre en Ukraine, les présidentielles, l'inflation ont plombé les ventes et l'automne sera peut-être plus bénéfique pour le monde de l'édition et du livre. L'éditeur Grasset va certainement renflouer ses caisses avec la sulfureuse Virginie Despentes, féministe et wokiste avec son titre violent et vulgaire, "Cher connard". Parmi les Français, Emmanuel Carrère revient avec des chroniques du procès des attentats du 13 novembre. Lola Lafon a raconté sa nuit dans le musée d'Anne Frank à Amsterdam. Christophe Ono-dit-Biot, un amoureux de la Grèce, a trouvé un beau titre pour son roman, "Trouver refuge". Yannick Haenel semble plaire aux critiques avec son ambitieux "Trésorier-payeur" que je lis en ce moment. La littérature étrangère promet de beaux romans avec Russel Banks, Julian Barnes, Rachel Cusk, Colm Toibin, Jonathan Franzen entre autres. Les thèmes dans ces nouveautés traitent évidemment de la famille souvent toxique, du "genre" incontournable et troublant, du futur incertain avec l'angoisse écologique, de l'Algérie, une question non réglée, etc. La littérature n'embrasse pas le monde en toute sérénité. Les romans racontent le Réel, un Réel parfois très contrariant. Cette rentrée s'annonce donc bien intéressante et va stimuler fortement notre esprit parfois en pause repos pendant l'été. Plongeons sans tarder dans cette vague de livres, d'idées, d'émotions, de sensations ! Un rite culturel bien français pour tous les amoureux et toutes les amoureuses des livres et de la littérature.