lundi 20 juillet 2020

"Quatre amours"

Cristina Comencini, écrivaine italienne et cinéaste, vient de publier chez Stock, "Quatre amours". Après trente ans de vie commune, deux couples d'amis se séparent au même moment. A travers les points de vue de chaque protagoniste, l'écrivaine orchestre avec maestria la mélodie mélancolique de la séparation. Marta et Andréa se quittent, Laura et Piero également. Ces quatre amis décident qu'il est temps de passer à autre chose. Marta, comme son père jadis, décide en une seconde de s'évader de sa cage dorée. Piero, lui aussi, reproche à sa femme Laura de ne pas l'avoir aimé, de ne plus "parler que de choses qui nous sont extérieures". Le temps abîme les désirs et les sentiments, fragilise la stabilité du mariage. L'ennui arrive à petits pas et la liberté commence à devenir un choix réparateur. La soudaineté de leurs décisions mutuelles posent des problèmes pour leurs propres enfants devenus des adultes vivant loin de leurs parents. Leur rupture au fond n'impacte pas la vie de famille. Ils sont libérés de leurs charges familiales. Chacun joue sa partition avec un certain humour sans dramatiser le changement de leurs existences respectives. Cristina Comencini déclarait dans un entretien qu'elle a donné au journal "Le Monde" : "L'intime ne m'intéresse que s'il a des résonances avec ce qui se passe dans le monde. Aujourd'hui, tout le monde se sépare, c'est un drame collectif, si on veut. (...) La question qui est au fond du livre me semble être la question du siècle : peut-on rester ensemble toute la vie sans se perdre soi-même ? Par rapport à la génération de mes parents, tout a changé, c'est une vraie révolution". Ce roman drôle et lucide analyse ce phénomène avec une empathie apaisante. La rancœur ne s'installe pas au sein de ces couples séparés même si leurs chemins ne coïncident plus. Chaque narrateur se fabrique sa propre solution sans trop de fracas même si la nostalgie, le regret et la mélancolie traversent les lignes du roman. Il s'agit de réinventer sa vie après la cinquantaine, voire la soixantaine pour ne pas s'engloutir dans une relation bien usée par les habitudes. Dans un pays aussi attaché à la famille, l'écrivaine constate malgré tout la fragilisation de ces "quatre amours".  Il vaut mieux se séparer que se déchirer dirait Cristina Comencini qui donne dans son roman des perspectives de réinvention de soi pour affronter la solitude et réapprendre le sentiment de liberté...