lundi 11 mars 2019

"L'Insoumise, Simone Weil"

Rien ne vaut une bonne biographie pour connaître un écrivain ou un philosophe. J'ai toujours lu des biographies sur mes écrivains préférés : de Camus à Duras, de Yourcenar à Quignard, et on appréhende mieux leurs œuvres à partir d'éléments significatifs de leur vie réelle. Je n'avais pas eu la curiosité de connaître la philosophe mystique, Simone Weil, l'estimant trop éloignée de mon univers personnel. Le professeur de philosophie l'a citée à plusieurs occasions dans le cadre de l'atelier du jeudi. J'ai donc emprunté le livre de Laure Adler, "L'Insoumise, Simone Weil", publié chez Actes Sud en 2008. La journaliste et écrivaine ne présente pas la philosophe comme une biographe classique et laborieuse. Elle bouscule la chronologie et commence par la mort de Simone Weil à 34 ans, consumée par le surmenage et les jeûnes successifs quand elle se trouve à Londres en 1943 où elle a rejoint la Résistance et le Général de Gaule. Laure Adler la présente de cette façon : "Elle, c'est la franchise, la droiture, la lutte pour les plus pauvres. Elle, dès son plus jeune âge, a lutté sur tous les fronts : politique, moral, psychique, spirituel, pour que la société soit de plus en plus juste. Elle, elle a donné sa vie pour ses idées et n'a pas barguigné sur les souffrances que cela impliquait que d'atteindre un idéal". La biographe insiste beaucoup sur la féminité rejetée de Simone Weil : ses parents l'appelaient "notre deuxième fils". Elle s'habillait avec des pantalons (à l'époque, c'était rare), une grande houppelande pour se réchauffer. La coquetterie ne faisait pas partie de sa culture. Seul, le monde des idées pour changer la vie l'intéressait, la passionnait. En 1931, elle enseigne la philosophie et s'intéresse au marxisme. Elle partage la condition ouvrière et devient même une militante syndicale, approche les milieux anarchistes. Le sentiment de la justice inspire sa vie. Juive agnostique, elle se convertit au catholicisme en 1936. Férue de grec ancien, elle commente la philosophie de Platon en qui elle voit le père de la "mystique occidentale". Laure Adler montre aussi d'autres facettes de la philosophe, jugée trop austère. Elle aimait la vie, l'amitié, les baignades, le soleil. Mais, son obsession de la justice l'entraîne auprès des Républicains espagnols lors de la guerre civile. Cette intellectuelle flamboyante refuse le compromis, la médiocrité et le conformisme au risque de se brûler. Laure Adler insuffle à son texte une émotion en filigrane en s'appuyant sur un style vivant, inspiré, communicatif. Elle ose même un style familier pour incarner cette héroïne du XXe siècle. Sa biographie se lit comme un roman sans ambition universitaire. La philosophe partie trop tôt a vécu selon son idéal de justice et de foi. En fermant le livre, j'avais l'envie de la retrouver dans ses écrits en particulier, "La pesanteur et la grâce" et "L'enracinement".