vendredi 28 février 2014

Rubrique cinéma

Avec la pluie et le vent de ce vendredi, je suis allée au cinéma voir "Le sens de l'humour" de la réalisatrice-comédienne, Marilyne Canto. Ce film délicat et intimiste raconte l'histoire d'une jeune mère qui vient de perdre son mari. Elle élève son fils Théo, âgé de 10 ans, et travaille dans un musée. Leur vie quotidienne est rythmée par les devoirs, les déplacements, une routine rassurante et anesthésiante. Elle entretient une relation avec Paul, un bouquiniste très amoureux d'elle. Elle ne conçoit pas un avenir avec Paul, le repousse souvent, lui avoue même qu'elle ne l'aime pas, que leur rencontre n'est qu'une histoire de corps. Paul l'apprivoise au fil du temps en montrant une patience d'ange. Il s'occupe du petit Théo, enfant solitaire et à la recherche d'une nouvelle famille. Théo se met aussi à rejeter sa mère, trop aimante et trop fusionnelle. Le couple se construit malgré la jalousie, la mésentente sur la vie quotidienne, le poids de la perte, la présence de Théo et le déséquilibre amoureux. Quand Elise choisit un fauteuil anglais très abimé dans une brocante malgré la désapprobation de Paul, leur histoire prend fin. Paul comprend qu'elle ne l'aime pas et ils se quittent. Mais, le film pourrait s'arrêter sur cet échec. L'absence de Paul commence à peser dans le foyer mère et fils. Elise apprend qu'elle est enceinte. Va-t-elle interrompre sa grossesse ? Veut-elle tourner la page ? Ou reconstruire une famille ? Marilyne Canto a donné un titre paradoxal à ce film si "féminin" et plutôt teinté d'optimisme en mettant une dose d'humour et de légèreté dans la vie parfois si difficile...  

"En finir avec Eddy Bellegueule"

Edouard Louis n'a que 21 ans et déjà connaît la renommée littéraire grâce à son roman autobiographique, "En finir avec Eddy Bellegueule", publié aux éditions du Seuil en janvier de cette année. Cette histoire pourrait se dérouler dans les années 50, ou avant mais, non, Edouard Louis raconte sa vie de jeune garçon dans la décennie 1990-2000, en Picardie, une région rurale loin des centres urbains. Il a un problème d'identité sexuelle, il se sent différent des autres garçons. Il n'aime pas le foot, n'est pas attiré par les filles. Son père s'exclame "Il est bizarre Eddy avec ses manières de tapette. Pourquoi il est comme ça ? Il fout la honte à toute la famille ! C'est un mec oui ou merde ? !" Ce garçon, pas comme les autres, fait pourtant des efforts surhumains pour correspondre à la conformité sexuelle. Il se répète devant la glace qu'il veut être un "dur", un macho comme son père, un homme violent et frustre. Il va même jouer à l'hétéro avec une fille du village pour faire taire les rumeurs sur sa "déviance". Ce roman tient plus du journal intime d'un jeune homme, victime de la plus grande bêtise des adultes de son entourage : sa mère se plaint sans cesse et râle, éructe sa vie misérable, son père est alcoolique et violent. Personne ne lui vient en aide, ni un ami, ni un réconfort dans sa famille. Edouard Louis décrit un milieu social défavorisé, replié sur des préjugés archaïques, homophobe et raciste. Le personnage n'a qu'une issue : fuir ce monde fermé et intolérant. Il s'inscrit à l'option théâtre du lycée et quitte son village pour la ville. Ce récit autobiographique, dur comme un diamant, plaide la cause indiscutable et universelle de la tolérance infinie envers ceux qui veulent vivre autrement, qui veulent vivre leur vie différente sans subir la bêtise et la haine de ceux qui n'acceptent pas la différence sexuelle. Quand je pense aux manifestations contre le mariage pour tous, il faudrait distribuer ce bel ouvrage pour leur dire : mais de quoi avez-vous peur ? Ce récit peut se lire comme un coup de colère salutaire contre l'idiotie, la misère intellectuelle, la non-éducation, l'intolérance... Un témoignage émouvant d'une actualité brûlante.