vendredi 27 janvier 2017

Jeudi des Livres, 5

Pour illustrer le génie littéraire de Virginia Woolf, (je dis bien "génie"),  j'ai donc choisi un roman que j'ai relu quasiment trente ans après... "Vers le phare", (titre exact au lieu de "Promenade vers le phare"), représente un sommet dans son œuvre, composée d'une vingtaine de titres. J'ai donc pris mes deux Pléiades des Œuvres Romanesques, éditées en 2012. J'attendais avec impatience l'intégration de Virginia Woolf dans cette collection prestigieuse car Gallimard tardait trop dans ce projet. Son coffret des deux volumes comprend ses onze romans et des nouvelles inédites. L'avantage d'une Pléiade réside dans son papier bible qui permet d'imprimer dans un exemplaire plus de cinq romans avec les notes indispensables pour mieux comprendre le projet initial, la matrice de chaque texte. "Vers le phare" met en scène une famille, les Ramsay et leur groupe d'amis dans une maison de vacances proche de la mer. Virginia Woolf s'empare de la conscience de chaque personnage pour décrire leur "moi" au plus profond : les pensées, les intuitions, les impressions, ressenties par chacun d'entre eux. Madame Ramsay symbolise la mère protectrice, aimante, bienveillante alors que son mari joue parfaitement le rôle attendu du chef de famille, du patriarche imposant et sévère. Ses enfants le craignent et le respectent. Le sujet du roman semble infinitésimal : le fils Ramsay rêve d'aller au phare en bateau avec sa mère mais le refus du père tue la joie du garçon. Le roman en trois parties s'ouvre sur cette réunion familiale et amicale, puis un drame intervient, et on retrouve les personnages, dix ans après. Plus je redécouvrais le roman, plus je ressentais une admiration pour Virginia Woolf qui me rappelait l'univers de Marcel Proust (qu'elle lisait beaucoup). Madame Ramsay et Lili Briscoe sont les porte-paroles de l'écrivaine. La mère de famille disparaît du paysage familial et l'artiste peintre assiste à la promenade vers le phare, mais cette balade au goût amer arrive trop tard. Seule, Lily Briscoe termine sa toile dans un geste créateur sublime dans lequel je vois la plume de Virginia Woolf, pour qui le réel et l'art fusionnent dans une unité enfin atteinte... Ce roman est un chef d'œuvre et il m'a fallu du temps, de la maturité, pour peut-être, sentir, ressentir à la fois l'immense souffrance de cette femme avec sa "folie" intermittente et l'amour de la vie que l'on peut lire dans toutes les pages de son roman. Le phare symbolise aussi la lumière et Virginia Woolf a cherché cette lumière à travers l'écriture...