vendredi 30 novembre 2012

Atelier d'écriture

Marie-Christine a choisi le thème du voyage pour cette quatrième séance de la rentrée. Elle a étalé sur une table, des photographies de divers pays et il fallait en choisir une. Le premier exercice portait sur l'objectivité dans l'écriture en utilisant un style proche du Nouveau Roman. J'ai opté pour une photo montrant trois très belles femmes des Fidji, habillées avec des habits végétalisés, portant à leur cou des colliers de coquillage et sur leur tête, une coiffe composée de tiges multicolores. Chaque participante a bien rempli ce contrat d'objectivité en décrivant les paysages de montagne ou les scènes d'intérieur des photographies. Le deuxième exercice que Marie-Christine nous a proposé devait porter sur un personnage figurant dans la photo. Il fallait donc faire le contraire d'un récit "scientifique" et écrire un texte imaginatif. Voici le mien sur une des trois danseuses des îles Fidgi :
"Encore une corvée de plus pour gagner ma vie ! Je suis obligée de me déguiser en poupée exotique pour accueillir les nombreux touristes occidentaux en quête de bonheur éphémère et trompeur. Dès l'arrivée des avions, me voici avec mes copines en train de me trémousser, habillée d'un costume à base de feuilles de bananier qui me piquent la peau. Ma coiffe ridicule risque à tous moments de tomber tellement il faut se dandiner comme un dindon. Quelle mascarade et tous ces touristes s'imaginent qu'on aime ce cirque d'accueil ! Je me nomme Bora, native du coin, diplômée bac + 5 en droit mais je suis au chômage. J'ai trouvé ce job folklorique mais j'aimerais tellement m'adonner à mon travail juridique. En dansant, j'ai envie de hurler aux voyeurs mâles en mal d'exotisme : vous y croyez à ces îles paradisiaques de carte postale ? Le sourire obligatoire, les tenues colorées, la danse de bienvenue ne forment qu'une parodie idiote loin de notre identité fondamentale. Demande-t-on à des Auvergnats de danser la bourrée à l'aéroport de Clermont-Ferrand, ou à des Basques avec leur fandango à Biarritz ? Je revendique donc pour nous les îliennes, un statut d'égalité avec les métropolitaines. Fini, les chichis, la comédie du bonheur... Je refuse ce rôle de poupée danseuse. J'ai organisé un groupe de pression pour nous faire remplacer... par des hommes, déguisés en femme enguirlandée. Ils comprendront peut-être tout ce que nous endurons depuis des siècles. Il est temps de vivre enfin notre vie de femme en toute dignité !"  Je ne peux pas m'empêcher de réagir en féministe quand je vois des femmes-poupées, des femmes-objets, des miss de concours, etc. Nous avons passé un très bon moment ensemble et tous les textes lus méritaient notre écoute, toujours attentive.

mardi 27 novembre 2012

Rubrique cinéma

J'aime bien les adaptations des classiques au cinéma et j'ai donc vu le "Thérèse Desqueyroux" de Claude Miller. J'ai lu Mauriac dans ma prime jeunesse  et je suppose qu'aujourd'hui, François Mauriac fait partie de la catégorie des "Grands Oubliés" de la littérature française. Claude Miller, disparu après le film, nous propose une version très fidèle du roman. J'ai retrouvé l'atmosphère étouffante des familles bourgeoises et chrétiennes des années 20 dans les Landes. Thérèse se marie avec un homme propriétaire de pins comme elle, et ce mariage arrangé par leurs deux familles va se défaire au fil du temps. Le mari de Thérèse est un homme simple, mieux, simpliste. Il ne se pose pas de questions, suit à la lettre les traditions genre "chasse-pêche-nature", ne comprend pas sa femme qui demeure, pour lui, un mystère. Cette confrontation entre Thérèse et son mari est filmée avec une lenteur pesante qui rend bien cette ambiance feutrée des familles où le silence est roi et la vie individuelle, un mirage. Thérèse s'ennuie, s'ennuie à mourir dans cette province traditionnelle et patriarcale. Cette Madame Bovary sans amant va commettre un acte "libérateur" en empoisonnant... son mari. Mais, il va s'en sortir et punira Thérèse en l'écartant de leur enfant et en la confinant dans sa chambre. Il faut avant tout préserver les apparences et le quand-dira-t-on au village. Elle sombre dans la dépression, mène une vie de recluse, pense au suicide. Son mari rancunier la prend quand même en pitié et lui rendra enfin sa liberté... Ce film est un beau portrait de femme des années 20 mais je dirai même d'aujourd'hui dans nombre de contrées lointaines ou proches. Claude Miller et François Mauriac, "féministes" convaincus, méritent notre estime et le public peut donc découvrir le charme déroutant d'Audrey Toutou, les beaux paysages landais, et le parcours douloureusement chaotique de Thérèse vers la liberté... Et je vais relire ce chef d'oeuvre de Mauriac.

lundi 26 novembre 2012

"Petit éloge de la vie de tous les jours"

J'avais mentionné l'intérêt de cette petite collection chez Folio et en plus, chaque volume ne coûte que deux euros. Il y en a pour tous les goûts et en ces temps de crise, on peut trouver des livres à bas prix dans les librairies... Cet ouvrage de Franz Bartelt fait donc l'éloge du quotidien, un quotidien de son pays pas très touristique, les Ardennes, et qui pourtant le satisfait pleinement Il évoque avec humour et poésie les gens du coin, le bonjour du boucher, les heures qui passent, une rivière qui coule, une mère et son fils dans un bar, la présence lancinante de la pluie, un champ de pommes de terre, etc. Vous allez penser que cet opuscule dégage un certain ennui, mais bien au contraire, le narrateur de cet éloge de la simplicité de vivre nous révèle un secret précieux : ne jamais oublier d'observer la vie et la décrire ensuite en utilisant les mots, l'écriture. J'ai aussi les confidences de Franz Bartelt dans le dernier chapitre : "J'ai toujours été persuadé qu'un livre repose davantage sur une intuition que sur une connaissance. Le langage se suffit. Il constitue la connaissance de l'intuition et l'intuition de la connaissance. Il s'autoproduit. Quoi qu'il exprime, il ramène tout à lui, au langage. A partir du moment où des mots sont propulsés sur une feuille de papier par une intelligence et une sensibilité humaines, ils ont un sens, une utilité et composent une histoire (...)".  Quand un écrivain s'exprime sur l'art d'écrire, on ne peut que lui porter une vive attention. Cette petite collection Folio mérite vraiment le détour...

jeudi 22 novembre 2012

Club de lecture, suite

La deuxième heure de la séance était consacrée aux livres que j'ai choisis et c'est la seule "contrainte" que j'impose aux participants(es). Le tirage au sort réserve quelques surprises mais, évidemment, le libre arbitre du lecteur(trice) reste entier. Nous avons le droit d'aimer, de ne pas aimer, de lire dix pages ou cent et de laisser tomber, ou d'adhérer. La liberté "guide nos pages" dans le club de lecture... Je vais donc essayer de retracer les découvertes du jour. Sur la dizaine de livres, certains ont particulièrement  joué leur rôle de "détonateur". Le roman de C. McCarthy, "La Route" a frappé Mylène par sa noirceur, sa désespérance, son ambiance inquiétante de fin de monde, un monde en crise après un cataclysme. Evelyne nous a très bien résumé l"Education européenne" de Romain Gary, qui n'a pas pris une "ride", et qui évoque un épisode de la Guerre de 39 en Pologne. Elle a aussi évoqué le documentaire très complet, "Petit éloge des amoureux du silence", ouvrage qui a ouvert une discussion sur notre quotidien, souvent agressé par un bruit ambiant en ville comme à la campagne. Geneviève a apprécié le roman de J.C. Oates, "Zarbie, les yeux verts",  portrait d'une adolescente qui sort ses griffes pour se défendre. Marie-Christine a beaucoup aimé le roman de Gaëlle Josse, "Les heures silencieuses", portrait touchant d'une femme au XVIIème siècle. Jeanine nous a lu un poème, extrait du recueil de Guy Goffette, "Eloge d'une cuisine de province", poésie du quotidien, gourmande et délicieusement provinciale. Comme je n'ai pas toujours le temps de prendre des notes, je me repose sur une mémoire "orale" qui peut comporter des oublis... Ces deux heures passées entre lectrices (et un lecteur) ont rempli leur objectif :  débattre,  échanger,  partager, découvrir, pour mieux s'adonner à l'acte de lire qui nous a réunis ce mardi 20 novembre... Prochain rendez-vous le mardi 11 décembre.

mardi 20 novembre 2012

Club de lecture

Ce mardi 20 novembre, nous étions une dizaine de lectrices et un lecteur (dont trois nouveaux) à partager nos lectures du mois. J'avais articulé la séance en trois temps : les coups de cœur, les livres du tirage au sort, et le lot pour le mardi 11 décembre. Comme en octobre, la réunion s'est déroulée dans une ambiance conviviale où la prise de paroles et l'écoute alternent à un bon rythme. L'essentiel du club est de repartir pour chacun(e) avec des ouvrages que l'on veut découvrir. Curiosité, appétit, envie, tous ces mots résument l'objectif du groupe. Je vais évoquer les coups de cœur de chaque participant(e) sans proposer des résumés qui seront peut-être élaborés plus tard. Comme j'aime les listes, voici la première : Evelyne a choisi "14" de Jean Echenoz qu'elle a beaucoup aimé, Mylène a proposé "L'innocent de Palerme" de S. Gandolfin, un roman pour adolescents sur le thème de la Mafia, Geneviève a présenté Franz Bartelt le trouvant loufoque et original en précisant qu'il est reçu à la Médiathèque de Chambéry ce vendredi 23 novembre à 18 H, Marie-Christine a évoqué le poète Joël Vernet qu'elle venait de recevoir en cadeau, Nicole a parlé de J. M. Coetzee, "l'Eté de ma vie", une autobiographie originale de cet écrivain d'Afrique du Sud, Danièle a montré le livre de Marie de Hennezel, "Une vie pour se mettre au monde", livre de réflexions sur la vie et aussi "Les contes de Noël" de Tolkien, François a mentionné deux coups de cœur avec "Emportée" de Paule du Bouchet, un récit littéraire sur la liaison de René Char avec la mère de l'auteur et un roman du singulier Jean-Paul Goux, "Le séjour à  Chenecé", Jeanine a parlé d'un roman qu'elle lit dans la langue originale pour le Festival du Premier roman italien. La littérature est un domaine éclectique, diversifiée, vaste comme le monde et chacun peut trouver son trésor à emporter sur une île déserte. Comme je ne veux pas que mon billet soit trop long, je rendrai compte demain de la deuxième partie de la séance.

lundi 19 novembre 2012

"Réanimation"

J'avais écouté Cécile Guilbert dans l'émission de LCP, "Bibliothèque Médicis" et j'ai donc voulu découvrir son livre autobiographique, "Réanimation". Blaise et Cécile, la narratrice mènent une vie de "bobos" parisiens, dans un quartier très mode, le Marais, et travaillent dans le culturel. Elle vient d'écrire une biographie de Warhol et lui, est  photographe. Ils baignent dans l'insouciance et dans le plaisir. Mais, tout s'arrête le jour où Blaise est foudroyé par une infection rare, la cellulite cervicale, maladie mortelle concernant le cou. Il est hospitalisé et se transforme dès lors en "homme-machine". Il est plongé dans le coma. Commence pour sa compagne une attente insupportable. Va-t-il s'en sortir ou mourir ? Le récit de Cécile Guilbert devient un journal intime où elle désire laisser des traces de ce temps entre parenthèses. Sa présence auprès de Blaise nourrit les descriptions techniques de la vie hospitalière. Le corps se transforme en objet et Cécile Guilbert offre ainsi un livre de bord de la maladie : les opérations risquées, les soins permanents, la présence du personnel médical, la famille, les amis. Cécile Guilbert analyse les moments de doute et de panique, mais aussi d'espoir. La lecture d'un récit aussi dramatique pourrait décourager un(e) lecteur(trice), effrayé(e) par la maladie. Il faut au contraire lire ce récit fébrile, vivant et même vibrant, qui montre comment la vie peut basculer d'un jour à l'autre. Je cite ce passage où Cécile Guilbert rend hommage aux livres : "Vivant dans la pénombre sous leur fine poussière, les livres dispensent silencieusement leur présence magnétique, leur faculté d'écoute. J'ai si souvent remarqué que ceux qu'il me fallait lire ou relire s'étaient toujours glissé entre mes mains au bon moment, comme par enchantement, reliés entre eux par des chaînes mystérieuses d'intelligence et de bonté. Comme s'ils volaient au-devant de mes pensées les plus secrètes, de mes désirs les plus intimes : objets magiques vers lesquels je n'ai qu'à tendre la main pour qu'ils les élargissent et les amplifient". Un beau récit...

vendredi 16 novembre 2012

"Autobiographie des objets"

C'est rare d'éprouver une admiration sans bornes pour ce livre original et singulier de François Bon. Pourtant, il ne fait pas partie de mes lectures régulières... Il est question de multiples objets qu'il décrit avec précision : du nylon, des machines à écrire, un transistor, un microscope, une règle à calcul, des machines à laver, des prises électriques, etc. Cet ouvrage se transforme en quincaillerie, droguerie, mercerie, magasin de jouets, garage dont celui de son père. Et surtout, François Bon rend un hommage émouvant aux livres, ces livres qui l'ont transformé lui-même en écrivain. Il établit la liste de ces rencontres essentielles : la flore portative Bonnier, l'encyclopédie "Tout l'univers", les Jules Verne, la collection "Rouge et Or", la présence merveilleuse d'une armoire à livres de la maison familiale, les Pléiades, etc. Ce livre "proustien" m'a d'autant plus charmée qu'il présente aussi les catégories d'objets des années cinquante et soixante car François Bon est né en 1951. J'ai certainement touché les mêmes objets que lui et il parle d'une région rurale entre Charente et Vienne. Il évoque son univers familial avec une tendresse infinie. Il écrit :"J'appartiens à un monde disparu - et je vis et me conduis au-delà de cette appartenance. C'est probablement pour tout un chacun. La question, c'est l'importance et la rémanence matérielle d'un objet, parfaitement incongru, parfaitement inutile, dans le parcours personnel." Plus loin, il note son goût des livres : "Je n'ai jamais manqué de livres. Ils sont passés au premier plan d'une expérience de vie que la routine du bourg rendait assez médiocre". A chaque chapitre correspond la description d'un objet et le lecteur(trice) se prend à rêver des objets avec lesquels il a traversé l'enfance et tous les âges de la vie. Cet ouvrage représente une tentative réussie de raconter sa vie grâce aux multiples objets qui peuplent nos espaces personnels. Ce retour vers le passé matériel est un "enchantement" à lire absolument et à offrir à des amis. Quand je pense qu'il n'a pas eu de prix littéraire...  Pour mieux connaître cet écrivain, son blog très réputé dans le milieu littéraire, est incontournable... Voilà son adresse : tierslivre.net

jeudi 15 novembre 2012

Atelier d'écriture

Nous avons repris la direction de l'atelier d'écriture ce mardi 13 novembre et Mylène nous a proposé des exercices sur les jardins. Il fallait fouiller dans notre mémoire pour raconter notre jardin idéal, réel ou imaginaire. J'ai choisi un souvenir  de mon enfance et je l'ai intitulé , le jardin du curé Legrand :
Petite fille, mes parents ne possédaient pas de jardin. Nous habitions dans des maisons-commerce. Le bar-café était au rez-de-chaussée et les chambres au premier étage. Pourtant, c'était un vaste labyrinthe de pièces souvent délaissées. Mais, pas un seul brin d'herbe dans mon environnement immédiat. Le seul jardin qui, à mes yeux d'enfant, existait vraiment, jouxtait ma petite école, composée de trois salles de classe au confort sommaire. On vivait simplement pendant les années Cinquante. Les élèves filles, disciplinées et formatées à la religion catholique, n'osaient pas pénétrer dans le jardin du curé Legrand, un curé au tempérament de feu, jovial et grand organisateur de notre vie au village. Malheur à celui ou celle qui manquait la messe et les vêpres ! Son jardin entourait le presbytère et il le soignait avec une ardeur religieuse. Des plates-bandes en pierre dessinaient un chemin de terre traversant un coin potager, où poussaient des pieds de tomates, des haricots verts, des poireaux, des pommes de terre et des citrouilles. Des marguerites, des arums, des pivoines, des roses agrémentaient avec un désordre heureux les petits coins du jardin. Quand on est enfant, on ne connaît pas le nom de toutes les fleurs. Des arbres fruitiers, cerisier, poirier, prunier, figuier, plantés ça et là, apportaient la fraîcheur de l'ombre dans ce jardin presbytérien. Mais le moment que j'attendais le plus dans la journée d'école était la corvée de charbon. Un poêle par classe chauffait l'atmosphère et il fallait le remplir de petites boules noires qui s'amoncelaient dans la cabane, située dans le jardin. Je me désignais pour la corvée et avec mon seau, je pénétrais enfin dans cet espace de nature domestiquée par les mains du curé. Je m'exilais ainsi une bonne demie heure et je trouvais que ce petit jardin de rien du tout, ce modeste et insignifiant jardin de curé, valait le Boboli de Florence ou le Luxembourg à Paris. Un vrai paradis, ce bout de verdure..

mardi 13 novembre 2012

Rubrique cinéma

Ce film français, "L'air de rien" , relève d'une modestie rare de nos jours.  Les deux réalisateurs, Stéphane Viard et Grégory Magne, ont choisi un sujet socio-people, celui de la faillite d'un chanteur, Michel Delpech. Tout est modeste dans ce petit film : un décor de province, l'Auvergne, deux huissiers de justice, un chanteur populaire "has been", des dialogues sommaires. Bref, le spectateur(trice) peut s'ennuyer dès les premières minutes. Mais, le charme opère en s'attachant au personnage du chanteur, vieillissant dans la solitude et la dépression, rêvant de son passé glorieux. Un huissier de justice  "humain" par rapport à son collègue cynique, doit régler le problème des dettes du chanteur. Il se lance alors dans un rôle d'imprésario pour chercher des salles de spectacle. Il utilise ses propres clients, propriétaires de salles qu'il va manipuler pour aider le chanteur endetté. On assiste ainsi aux prestations de Michel Delpech devant des publics de fans qui redécouvrent la saveur des années 80 dans une France rurale, simple et nostalgique. Les "ritournelles" entraînantes de Delpech rythment le film et lui justifient son titre,  "L'air de rien". Une amitié naît entre cet huissier si peu doué pour ce métier de prédateur et le chanteur populaire, qui sort ainsi de sa galère et de l'angoisse des dettes. Des valeurs toutes simples apparaissent au fil du film : la solidarité, l'amitié, la simplicité, la sobriété. Grégory Morel, notre huissier si gentil rend hommage à son père, grand fan du chanteur, et quittera son associé sans coeur. Cette comédie se laisse regarder avec plaisir et détonne dans le panorama du cinéma d'aujourd'hui.

lundi 12 novembre 2012

"Du côté de Canaan"

Sébastian Barry, écrivain irlandais, a écrit un roman attachant dont le personnage principal, Lilly Bere, raconte sa longue et difficile existence. A quatre-vingt neuf ans, Lilly confie ses pensées à ce journal intime après le suicide de son petit-fils Bill, ancien militaire, n'ayant pas supporté son retour au pays après son engagement à la Guerre en Irak. Cette grand-mère a fui l'Irlande avec son fiancé. Il travaillait dans la police et traquait les "terroristes" de l'IRA. Le couple est obligé d'immigrer car les soldats de l'IRA voulaient se venger. Commence alors la trajectoire romanesque de Lilly en Amérique comme beaucoup d'Irlandais au début du XXème siècle. Lilly et Tag Bere parviennent à bâtir leur vie dans ce pays d'immigration mais, Tag n'échappe pas à son destin et se fait abattre par un Irlandais de l'IRA. Lilly recommence à zéro et rencontre par hasard une femme noire, Cassie, qui va lui sauver la vie. Cette amitié socialement exceptionnelle dans une Amérique raciste lui permet d'être embauchée dans une famille riche. Cette aubaine professionnelle la stabilise et elle fait aussi la connaissance d'un policier qu'elle épouse et dont elle a un enfant. Mais le destin interrompt ce bonheur passager car son mari l'abandonne. Lilly élève son fils Ed, qui à son tour, la quittera pour faire la Guerre au Vietnam, suivie d'une rupture dans leur relation. Lilly récupera le fils d'Ed, son petit-fils... Dans cette saga américaine, Lilly représente la femme-courage, une Pénélope contemporaine dans le Nouveau Monde. Je cite un passage du livre : "La peur est une force comme le mal de mer, on peut l'appeler un mal de vie, une nausée terrible provoquée par l'effroi, l'effroi rampant, qui paraît se retirer un peu dans les rêves pendant le sommeil, mais qui, après le réveil, se précipite sur vous et se met de nouveau à ronger votre simple besoin de paix." Ce livre d'une facture traditionnelle mérite toute l'attention des lecteurs(trices) qui apprécient les portraits de femme, dignes et généreuses, victimes de la folie des hommes, représentée par les guerres du XXème siècle. Malgré un destin malheureux, Lilly Bere montre tout au long de sa vie, un courage héroïque typiquement féminin...

vendredi 9 novembre 2012

Prix littéraires 2012

Les prix littéraires de la saison 2012 ont confirmé des écrivains déjà reconnus et ont aussi distingué des talents nouveaux. Voilà la liste des principaux lauréats :
- Prix Goncourt, Jérôme Ferrari, "Le sermon sur la chute de Rome" aux Editions Actes Sud. J'ai lu ce livre dès sa sortie et j'ai vraiment "senti" qu'il obtiendrait ce prix. Je l'avais même annoncé à la bibliothécaire à qui je l'avais rendu. Ce roman posséde toutes les qualités pour obtenir ce prix qui touche un vaste public : une histoire d'amitié entre deux copains d'enfance, la Corse, pays complexe, un bar, microcosme hautement romanesque, un style élégant et un drame tragique pour mettre un point final au récit. Si vous ne l'avez pas lu, rentrez dans une librairie pour l'acheter...
- Prix Fémina, Patrick Deville, "Peste et choléra" aux Editions du Seuil. La presse littéraire avait évidemment remarqué ce roman qui avait obtenu aussi le prix Fnac. Je le lirai certainement.
- Prix Médicis, Emmanuelle Pireyre, "Féerie générale" aux Editions de l'Olivier. Je dis franchement que je n'avais pas du tout noté ce roman et  les critiques ne l'ont pas remarqué outre mesure.
- Prix de l'Académie française, Joël Dicker, "La vérité sur l'affaire Harry Québert", aux Editions de Fallois, un thriller à l'américaine. Je le découvrirai par curiosité. Cet écrivain suisse, peu connu du public, avait attiré de nombreuses critiques favorables.
- Prix Renaudot, Scholastique Mukasonga, "Notre Dame du Nil" aux Editions Gallimard. Je n'avais jamais entendu parler de cette écrivaine rwandaise, peu connue jusqu'à l'obtention du prix.
Je n'ai évoqué que les prix les plus connus et je relève avec plaisir la parité hommes-femmes, un choix plus ouvert des éditeurs (Actes Sud, L'olivier, De Fallois), des jeunes talents. Les temps changent peut-être grâce au renouvellement des membres du jury, surtout pour le Goncourt. En résumé, une bonne saison pour les prix littéraires...

jeudi 8 novembre 2012

"L'herbe des nuits"

Résumer le dernier roman de Patrick Modiano me semble une tâche ardue, mais je vais quand même essayer pour rendre un hommage à cet écrivain français que j'aime tout particulièrement depuis son premier livre, "La Place de l'Etoile", paru en 1968.  J'ai suivi son œuvre tout au long de ces années et j'attendais la sortie de son prochain livre avec plaisir. Au cœur de chacun des textes, le sujet central n'est pas un personnage, un lieu, une intrigue, une aventure, un amour, ou tout autre catégorie romanesque. Ce sujet central, c'est le passé perdu à tout jamais, la mémoire des événements et des personnages, le flou, l'imprécis, la perte des souvenirs, la recherche des bribes mémorielles, une atmosphère, une ambiance, une quête du "disparaître". Dans ce dernier roman, il est question d'un écrivain qui relate une histoire qu'il a vécu avec une jeune femme à l'identité multiple. Elle fréquente des hommes mystérieux, troubles, aux activités quelque peu clandestines. On se retrouve dans le Paris des années 60, à l'atmosphère inquiétante. Le narrateur, à l'aide d'un carnet noir, essaie de localiser les cafés, hôtels, immeubles et même une maison de campagne où il aurait vécu cette drôle d'histoire avec cette femme, aussi fantasmée que réelle. Le lecteur(trice) doit se laisser porter par cette recherche minutieuse de cet amour de jeunesse et des individus qu'il a rencontrés par hasard sans connaitre leurs agissements suspects. Patrick Modiano évoque les rues, les quartiers de Paris en mentionnant souvent des écrivains qui ont vécu dans ces lieux. Il définit ce temps passé de "flottaison", quand on a entre 17 ans et 20 ans, et que la vie est devant soi sans ancrage précis. Ce roman devient une enquête de police au fil du récit et le charme opère encore une fois de plus quand on se laisse tout simplement dériver dans ce flot de mots au parfum suranné du temps qui a passé...

mardi 6 novembre 2012

Rubrique cinéma

Sandrine Bonnaire est une comédienne hors du commun. Les rôles qu'elle a joués dans sa carrière m'ont toujours laissé des souvenirs cinématographiques marquants. Souvenons-nous de son personnage poignant dans le film d'Agnès Varda, "Sans toit, ni loi". Elle nous propose son premier long métrage, "J"enrage de son absence" que j'ai vu aujourd'hui. Ce film aborde un sujet souvent évité en général au cinéma et même dans la littérature : la mort d'un enfant. Le père franco-américain du petit garçon, joué par William Hurt, est venu régler l'héritage de son père et retrouve son passé. Son ex-femme a refait sa vie après le décés de leur fils, mort dans un accident de voiture. Elle est devenue mère une deuxième fois et le petit garçon a le même âge que Mathieu, l'enfant disparu. L'ex-mari ne s'est jamais consolé de la perte de son fils. Il va se rapprocher de Paul, le fils de son ex-femme en s'installant dans la cave de l'immeuble pour communiquer avec l'enfant, séduit par ce jeu troublant. Va naître entre l'homme inconsolable et le petit garçon généreux une complicité clandestine. Mado, la mère de Paul, finira par découvrir le stratagème de son ex-mari. Je ne dévoilerai pas la fin. Ce film grave sur le désespoir d'un père parle de l'impossibilité de faire son deuil après la mort de son enfant. Alexandra Lamy joue le rôle de la mère  et illumine le film par sa bonté et sa compassion. Côté ombre, Sandrine Bonnaire film la souffrance, le chagrin, la dépression inguérissable mais aussi côté soleil,  elle film la reconstruction de la mère, la naissance d'une nouvelle famille, la vie qui continue malgré l'insoutenable...

lundi 5 novembre 2012

"Némésis"

Le dernier roman de Philip Roth, "Némésis", doit faire absolument partie de vos lectures de l'année et j'espère que la sélection de la revue Lire pour les vingt meilleurs livres annuels intégrera ce roman grave et magnifique. Si je reprends la définition de Némésis dans Wikipédia, je constate que Philip Roth a utilisé ce nom pour résumer le destin du personnage principal, nommé Mr Cantor, animateur sportif dans un quartier juif de Newark (New Jersey) en 1944. En fait, le narrateur de cette histoire est un ancien jeune sportif de cette époque où la vie du moniteur sportif a basculé. Selon la mythologie grecque, Némésis "est la déesse de la juste colère des dieux, parfois assimilée à la vengeance. Le nom de Némésis  dérive de l'expression "le don de ce qui est dû ".  Elle est aussi interprétée comme étant un messager de mort envoyé par les dieux comme punition." Mr Cantor s'est vu refuser l'intégration dans l'armée américaine à cause de sa myopie. Il accepte donc d'encadrer des jeunes garçons sur le plan sportif. Or, une épidémie de polio éclate dans la ville et décime quelques jeunes vies dans son propre quartier. Il s'avère que sa fiancée lui demande de la rejoindre dans un camp de vacances où la polio ne sévit pas. Bucky est face à un dilemme moral décisif : va-t-il abandonner ses jeunes atteints par l'épidémie ou rejoindra-t-il ce camp où règnent le bonheur de vivre, l'insouciance, la vie normale ? Après réflexion, il finit par accepter son nouveau poste dans ce camp de vacances. Cette fuite va le changer en profondeur. Il va tomber malade et même "propager" le virus de la polio dans ce domaine protégé. Je ne veux pas donner la fin de l'histoire mais Bucky assumera avec stoïcisme sa nouvelle existence en renonçant à sa fiancée. Il se punit d'avoir abandonné les siens au moment crucial quand la maladie mortelle touchait son quartier. Ce roman comme tous les romans de Philip Roth sous une apparence "romanesque" est une fable philosophique et morale. Et Philip Roth nous enseigne le poids du destin, du hasard, de l'imprévu, du tragique dans toute vie humaine. Les notions de trahison et de culpabilité traversent le récit comme un fil conducteur. L'espoir d'un apaisement repose dans le renoncement d'une vie heureuse et légère comme une expiation réparatrice...
Quel beau roman... 

samedi 3 novembre 2012

Revue de presse

En ce mois de novembre, "Lire" propose un dossier central sur Berlin, nouvelle capitale littéraire avec des articles sur le Berlin des écrivains, les grandes voix d'aujourd'hui, tout sur Thomas Mann, la bibliothèque idéale. J'apprécie la littérature allemande et en particulier, je me souviens d'avoir atteint le sommet en lisant il y a longtemps "La montagne magique" qui reste un de mes grands souvenirs de lecture. Pour mieux connaître les écrivains contemporains, ce numéro sera très utile. "Le Magazine littéraire" a choisi d'évoquer un dossier de circonstance pour ce mois "déprimant" aux yeux de beaucoup de Français(es), un dossier "Ce que la littérature sait de la mort", avec une bibliographie très complète sur le sujet. Ce que j'ai tout de suite lu dans ce numéro d'automne, c'est l'entretien de Vincent Landel avec Pascal Quignard, un entretien décapant, lumineux et absolument nécessaire pour comprendre son projet littéraire fascinant et complexe. Dans ce numéro, on retrouve aussi les rubriques habituelles de critiques d'ouvrages. Ma troisième revue, "Transfuge" traite davantage de cinéma que de littérature avec un focus sur Olivier Assayas et son dernier film "Après mai". Sur le plan littéraire, j'ai remarqué un article sur l'écrivain portugais Gonzalo M. Tavarès qui a été très remarqué avec son dernier livre "Un voyage en Inde", paru chez Viviane Hamy. Un deuxième article sur le couple ennemi, Annie Ernaux et Richard Millet, éclaire cette polémique nauséabonde de la rentrée littéraire. Voilà pour la revue de presse de novembre en attendant la remise des prix littéraires la semaine prochaine...

jeudi 1 novembre 2012

"Musique absolue"

Quand un homme politique écrit un roman, je me garde de perdre mon temps à le lire. Par exemple, Monsieur Giscard d'Estaing a commis cette imposture en offrant à ses "fans" des romans insipides et qui n'ont pas marqué heureusement la littérature française. Il vaut mieux qu'il se consacre à leur carrière et leur vocation première. Je ne connais donc pas de talent littéraire à nos hommes et femmes politiques... J'ai toutefois fait une exception avec un ex-ministre UMP de l'agriculture, Bruno Le Maire avec son roman, intitulé "Amour absolu, une répétition avec Carlos Kleiber" aux Editions Gallimard, dans la collection dirigée par Philippe Sollers, "L'Infini". Comme j'aime la musique classique qui m'accompagne quotidiennement, j'ai découvert ce chef d'orchestre, Carlos Kleiber par l'entremise d'un personnage, Nikolaus, vivant à Rome. Ce roman se veut un traité de musicologie sur l'art de diriger un orchestre tout en racontant la vie exigeante et sacerdotale de ce grand chef. Je suis restée songeuse devant ce texte hybride, mêlant le monde musical de haute volée à l'histoire de ce Nikolaus, musicien à la retraite. La  seule touche personnelle de Bruno Le Maire se trouve à la page 88 quand il compare la musique à la politique, en utilisant le mot répétition à plusieurs reprises  : "Mais, oui, la politique est une répétition infernale : toujours les mêmes visages (...), toujours les mêmes réunions, toujours les déplacements en voiture, en train, en avion, (...). Celui qui réussit  en politique est celui qui supporte tout ce cirque le plus longtemps". Bruno Le Maire devrait arrêter de faire de la politique après cette description lucide et caustique, mais s'il veut se reconvertir dans la littérature, il a encore du chemin à parcourir...