vendredi 8 septembre 2023

"Stupeur", Zeruya Shalev, 1

 Dès que je pénètre dans l'univers romanesque de Zeruya Shalev, je ne quitte plus ses pages tellement elle a le don de capter l'attention de chaque lectrice (et lecteur). Tous ses romans ensorcellent, envoûtent, nous entraînent dans un tourbillon de réflexions sur son pays, Israël, sur les relations familiales, sur le couple, sur la vie, tout simplement. L'écrivaine est née en 1959 dans un kibboutz et sa famille compte plusieurs écrivains dont son cousin, Meir Shalev, et son propre mari. Elle a donc baigné toute petite dans cet océan de mots et d'idées. En 2004, elle est victime d'un attentat suicide dans un bus à Jérusalem. Elle en réchappe miraculeusement alors que dix personnes sont mortes dans l'attentat. Elle restera immobilisée plusieurs mois. Quand elle parle de son écriture, elle précise : "J'ai l'impression d'écrire comme un poète, en refusant de trop planifier, en portant une grande attention au rythme, aux métaphores, à la musique de la phrase". De "Vie amoureuse" à "Théra", en passant par "Mari et femme" et "Douleur", je ne pourrais pas choisir le meilleur d'entre eux. Puis, je me souviens de son chef d'œuvre, "Ce qui nous reste de nos vies", publié en 2014, son roman le plus abouti, le plus profond, le plus fort. J'attendais son dernier roman depuis 2017 et le voilà arrivé dans la vague de la rentrée littéraire : "Stupeur", titre bref, cassant, coupant et inquiétant, publié chez Gallimard dans la collection "Du Monde entier". Le personnage principal, Atara, se pose souvent la question de l'origine de son prénom. Au chevet de son père mourant, elle entend des propos confus sur sa première épouse, Rachel, alors qu'il ne l'évoquait jamais. A partir de cette énigme familiale, elle retrouve la trace de cette mystérieuse femme, très âgée aujourd'hui. Le père d'Atara et Rachel appartenaient à la branche armée des Combattants pour la liberté et agissaient avec violence contre l'autorité britannique qui gérait la Palestine dans les années 40. Rachel, la révolutionnaire, a aimé passionnément Mano, le père de Rachel mais cet amour fou s'est interrompu brutalement quand Mano a disparu sans laisser de traces. Toute sa vie, elle se posera la question lancinante de son abandon. Elle a refait sa vie avec un mari et deux fils en conservant le silence sur ses activités politiques clandestines de l'époque. De son côté, Mano a suivi un chemin conventionnel en renonçant à ses idéaux et en devenant un professeur d'université très reconnu. Les destins de Rachel et d'Atara vont enfin se croiser. (La suite, lundi)