vendredi 28 juillet 2017

"L'esprit de la Grèce"

Pendant l'été, les revues hebdomadaires proposent à son lectorat des hors-séries. Le Point a mis en vente il y a deux mois, un spécial "L'esprit de la Grèce : ses mythes, ses philosophes, ses valeurs, son art...". Dans l'éditorial, la journaliste évoque l'emprise des Grecs dans de nombreux domaines dont celui de la langue, du logos. Ils nous ont légué la démocratie, la philosophie, l'histoire, l'art et pour ma part, je côtoie ces hommes et ces femmes depuis des années et sans m'en lasser. Plus j'apprends, plus je comprends cet univers merveilleux (rappel du roman de C. Ono-dit-Biot, "Croire au merveilleux")... Les deux cents pages de la revue établissent un bilan des recherches menées par des chercheurs et des professeurs, spécialistes de l'hellénisme. Historiens, archéologues, philologues, tous issus de l'université, nous aident à parcourir ce monde si fascinant. Les quatre chapitres concernent la force de l'esprit grec, les fondations de la cité, dieux et mythes, le désir de savoir. Des repères chronologiques, un lexique et une bibliographie complètent le panorama sur la Grèce antique. Dans l'introduction, Luc Brisson, traducteur de Platon et de Plotin écrit : "Au-delà d'une langue et de mythes partagés, l'esprit grec s'est forgé sur l'autonomie par rapport à la loi divine, l'efficacité de la pensée et le sens du beau. Un socle commun qui, allié à un sens aigu de la compétition, lui a ouvert les portes du monde". Bien que j'ai déjà lu beaucoup de livres sur la Grèce antique qui me passionne, j'ai bien apprécié tous les articles concernant l'hubris ou folie de la démesure (Prométhée),  la métis ou la vertu de la ruse (Ulysse), le kalos kagatos (le beau et le bon), la pédagogie, la pratique du sport et tant d'autres sujets. Dans la cité idéale de Platon, les garçons et les filles seraient formés par des maîtres choisis et rémunérés. Le lecteur retrouve avec un grand plaisir Aristote, Démosthène, Périclès, et tant d'autres inoubliables philosophes et historiens. Chaque article s'appuie sur un texte d'un auteur grec. Cette mine d'or de la civilisation grecque se lit avec un intérêt qui augmente de chapitre en chapitre... Comme je prépare un grande escapade en Grèce, dans le Péloponnèse et à Athènes, je savoure ces textes avec une gourmandise dionysiaque ... Si la revue n'est plus disponible en maison de la presse, on peut la commander sur le site internet du Point...

jeudi 27 juillet 2017

Escapade en Côte Basque, 5

Je termine l'évocation de mon pays natal dans ce cinquième billet. J'ai évoqué les plages d'Anglet, vastes, majestueuses qui permettent à tous les amoureux de l'océan de s'étendre sur le sable sans se gêner... Les surfeurs, hommes et femmes s'élancent à l'assaut des vagues et passent devant nous, simples visiteurs, avec une concentration digne des plus grands athlètes... J'admire souvent leur beauté physique, leur audace insensée et leur calme olympien. Ils me font penser à des toréadors aquatiques (même si la corrida pose le scandale de la mise à mort du taureau) face aux vagues taurines et dangereuses. Cette région aime les défis : il faut détenir un sacré courage pour affronter la force des vagues et des courants marins. Quand on en reçoit une de deux mètres et plus qui s'abat sur vous et vous entraîne sur le rivage, le corps perd le contrôle et se fait secouer comme un sac de pommes de terre... J'ai vécu plusieurs fois cette expérience et c'est pour cette raison qu'il faut se méfier de l'océan. Il vaut mieux l'admirer de loin et attendre la marée basse pour se baigner sans danger. Je respecte les consignes et dès que les maitres-nageurs rabattent les baigneurs entre les deux poteaux pour éviter le pire, j'obéis sans hésiter... Il m'est arrivée d'assister à des sauvetages et ces incidents montrent bien l'inconscience de certains qui se croient invincibles... Mon rapport à la mer date de mon enfance car dans la petite ville, Le Boucau, où j'habitais, près de Bayonne, j'allais à la mer tous les jours... A l'époque, tous les enfants se retrouvaient dans un petit port qui se nommait "La Cale" et nous nous baignions sans aucune surveillance des parents. Quelle liberté à cette époque pour les enfants ! Je partais à la pêche avec des petites camarades et nous ramenions des petits poissons pour une friture hypothétique. Quand j'étais au lycée, je révisais mon bac à la plage... Et tous les étés quand je travaillais dans ma librairie, je me promenais le matin à la Chambre d'amour avant d'ouvrir la boutique... Mes amies savoyardes se moquent gentiment de moi car je ne suis pas une randonneuse de montagnes savoyardes (dommage pour moi...). Mais, l'enfance laisse une empreinte indélébile dans notre inconscient et les paysages marins ont forgé mon imaginaire... Heureusement, je reviens souvent dans mon bord d'océan pour respirer, réarmer mon moral et me nourrir de toute cette beauté naturelle. Je termine cette série sur la Côte Basque en conseillant le spectacle quotidien et gratuit des couchers de soleil. A Biarritz comme à Anglet, entre 9h et 10h, le soleil disparaît dans un rougeoiement splendide... J'ai même assisté le dernier soir de mon séjour à un coucher de soleil dans un ciel d'orage où l'horizon était jaune et gris avec des nuages dentelés, une festival de couleurs et de formes et personne pour admirer ce panorama... La pluie avait découragé les touristes. Tant pis pour eux ! Je retourne à Biarritz en fin août pour retrouver toutes ces sensations... 

mercredi 26 juillet 2017

Escapade en Côte Basque, 4

Ma balade préférée se situe à Anglet qui ne ressemble ni à Bayonne, ni à Biarritz. Cette commune qui relie les deux grandes cités basques échappe au folklore et au tourisme de masse. Il faut être du "pays" pour connaître les multiples rues, percevoir les places et les carrefours. On se perd facilement dans ce labyrinthe d'espaces résidentiels. Le centre ville rassemble la mairie, la Médiathèque, la salle de spectacles et des écoles. Puis, des places commerçantes servent de repères comme les Cinq-Cantons et la place Lamotte. Il faut dire que la commune était à l'origine un lieu de maraîchage... Aujourd'hui, Anglet construit de nombreux petits immeubles pour les retraités aux revenus confortables... Mais, le lieu magique d'Anglet se situe en bord de mer, long de cinq kilomètres quand les plages se succèdent : les Sables d'or, la Madrague, les Cavaliers, Marinella, la Barre pour ne citer que les plus belles. Les marcheurs de bord de mer peuvent partir de la Chambre d'amour jusqu'à l'embouchure de l'Adour et arpenter ainsi une dizaine de kilomètres aller-retour. En toutes saisons, marcher sur la promenade balisée longeant l'océan est un don des dieux... Poséidon, un de mes dieux préférés, maître des océans,  m'accompagne dans cette balade vivifiante. Les vagues se déchaînent quand la marée monte et se cassent sur le sable empêchant une baignade facile. Il vaut mieux savoir nager dans ces plages océanes... Au loin, la Rhune et les Trois couronnes, les moyennes montagnes basques, sortent de la mer, comme des vagues pierreuses, puis, le Rocher de la Vierge se place devant ce panorama. Les plages de sable spacieuses se déplient jusqu'aux vagues sages ou fougueuses... A la Chambre d'amour, une plage un peu spéciale détient un trésor unique : des yeux de Sainte Lucie se cachent dans les gravières déposées par l'océan. Ces opercules minéralisés de mollusques (ordre des archaeogastropoda) portent bonheur. On les appelle aussi œil de Vénus, œil de Shiva. Il faut détenir un flair de cueilleur de cèpes pour ramasser ces fossiles minuscules dans les milliards de grains de sable... J'en ai trouvé un seul en une semaine, qui se reposait sur le sable alors que je sortais de l'eau... Anglet représente pour moi ces immenses plages que la mairie a laissé en l'état en aménageant une promenade où piétons, joggers et flâneurs se croisent en bonne entente. Et quand j'ai ramassé un œil de Sainte Lucie, j'ai l'impression que j'emporte un bout minuscule de la plage à Chambéry... La Côte Basque est, hélas, trop envahie l'été,  il vaut mieux la découvrir au printemps, à l'automne et surtout en hiver !

mardi 25 juillet 2017

Escapade en Côte basque, 3

Après l'ode méritée à Biarritz, je veux évoquer Bayonne où j'ai vécu dans les années 1960 à 80 et déjà, à cette époque, le caractère tranché et festif de la capitale gasconne s'affirmait sans complexe. Mon lycée de jeunes filles (quelle époque !) se situait dans le quartier Marracq. Ma librairie jouxtait le Musée basque, une institution essentielle pour préserver cette culture profondément ancrée sur ce territoire de Bayonne à Bilbao (3+4=1, slogan politique pour l'unification du Pays Basque). Deux fleuves coulent à Bayonne, l'Adour et la Nive, et se jettent dans l'océan proche. Quand on voit Bayonne de l'avion, ces deux tranchées liquides se meuvent avec majesté et séparent les quartiers, le Petit Bayonne plus basque et le centre ville, plus gascon. Pour apprécier la ville, j'ai opté pour le dimanche en fin d'après-midi avec les commerces fermés et l'absence des touristes qui se dorent sur les plages. Heureusement, la cathédrale était ouverte et son cloître magnifique peut se voir de la rue. Les flèches gothiques se détachent dans le ciel et signalent l'identité forte de la ville. J'ai vécu dans un appartement face à la cathédrale et cette présence familière et imposante constituait un paysage minéral et cultuel marquant. J'éprouve toujours une certaine nostalgie quand mes pas m'entraînent dans les rues piétonnes de cette ville authentique et franche. Je repère les changements perpétuels des magasins. Ma librairie s'est transformée en magasin de souvenirs, puis, de livres d'occasion et maintenant, ces murs abritent un restaurant branché. J'avais les larmes aux yeux devant la pâtisserie Cazenave où je dégustais un chocolat épais accompagné de toasts avec ma mère. Bayonne représente toutes mes années de jeunesse et quand les années s'accumulent, il est parfois difficile de constater que le temps passe trop vite... Je passais devant les Dames de France (Galeries Lafayette aujourd'hui) et je pensais à mes  tantes et mes cousines qui ont travaillé dans ce commerce.  Mais, je ressens aujourd'hui un apaisement en revenant sur les chemins de ma jeunesse. J'ai vécu cet après-midi là un vrai bain de jouvence en me souvenant avec émotion de toutes mes vies antérieures : mes années de lycée, de libraire, l'affection de ma famille... Bayonne est une ville magnifique, et même sans la présence de l'océan, elle garde sa magie avec l'Adour et la Nive...

lundi 24 juillet 2017

Escapade en Côte basque, 2

Biarritz, ville impériale avec la présence de l'hôtel du Palais (menu seulement à 135 euros...), se découvre en marchant, en déambulant le long de l'océan. Cette balade magnifique de quelques kilomètres nous embarque dans une suite de paysages à couper le souffle. J'aime le bleu-vert de la mer, le blanc des vagues dans leur écume, le ciel souvent gris, le rouge et le vert, (le drapeau basque), l'élégance des promeneurs, le chic biarrot, les planches de surf que l'on voit sur les scooters, les vélos, les voitures, le mélange des générations, l'air saturé de sel et d'iode. Et toutes ces pâtisseries patrimoniales : Dodin devant la Grande Plage et ses glaces fabuleuses, Miremont et son chocolat unique, Henriet et ses pates d'amande légendaires. Tout est gourmandise en Côte basque : l'océan, la culture, les traditions, le surf,  la cuisine épicée et sucrée dont le célébrissime gâteau basque aux cerises ou à la crème d'amande. Il faut aussi pénétrer dans la librairie la plus courue de la ville : le Bookstore, une caverne aux étagères noires où les livres ont trouvé un refuge à l'abri de l'humidité atlantique. J'ai passé des heures à feuilleter des livres d'art, des romans, car son fonds rime avec l'excellence. Et je n'oublie pas non plus l'incroyable Médiathèque de Biarritz, posée comme un navire en bois dans un des quartiers où ont vécu mes parents. Cette institution culturelle d'une grande ampleur cherchait à son ouverture une bibliothécaire trilingue : français (évidemment), espagnol (frontière à 30 kilomètres) et basque ! Cette offre d'emploi m'avait amusée à l'époque... La culture océane se manifeste aussi au musée de la mer très intéressant sur la vie marine, sur les corsaires basques et les chasseurs de baleine... Il manque à Biarritz un musée d'art bien que j'ai vu dans un Casino, une exposition mémorable sur Zao Wou-Ki... Dès que je reviens à Biarritz, une certaine euphorie me saisit et je ne me lasserai jamais de ses paysages marins, de ces montagnes douces et abordables par un marcheur modeste, de ses habitants gascons, basques et adoptés, si accueillants... Mes racines familiales sont enfouies dans le sol du Pays basque, et m'ont offert dès mon enfance ma passion de l'océan, de la mer et un de mes péchés mignons, la gourmandise. 

vendredi 21 juillet 2017

Escapade en Côte Basque, 1

Je viens de passer une semaine dans le triangle légendaire, le BAB : Bayonne, Anglet, Biarritz. Cet ensemble géographique pourrait même prendre un seul nom, mais lequel ? Trop de chauvinisme local empêche la fusion de ces trois villes qui se fondent dans un seul territoire. Il faudra encore attendre des années pour réconcilier ces trois entités locales. Pour ce bout de côte basque, la population est multipliée par dix : touristes, habitants des pays intérieurs, locaux. Mais, malgré cette cohabitation forcée, il règne dans ce Sud Ouest du Sud, à deux pas de l'Espagne, une ambiance bon enfant, sereine, festive, gentille. Ce mot gentil revendique une certaine naïveté mais que c'est agréable parfois de côtoyer des "gens gentils", affables, polis, bref, civilisés... Je me suis retrouvée plusieurs fois sur différentes plages et j'ai constaté un calme appréciable : pas de musique, pas de comportement intempestif... Les plages sont tellement immenses que l'on peut poser sa serviette à dix mètres d'un groupe. Ma plage préférée, Milady,  se situe au sud de Biarritz et quand on arrive sur la colline qui domine le site, un panorama grandiose mêle l'océan atlantique à la montagne basque, avec des rochers imposants qui se découpent sur le ciel comme deux géants homériques de pierre. Ce lieu est aussi beau l'été que l'hiver et j'y retourne dès que je pose mes pieds sur l'aéroport de Parme. Pour visiter Biarritz sans les touristes, il faut se lever tôt le matin et se balader vers le Port Vieux, le Rocher de la Vierge, la Plage des Basques et la Place Sainte Eugénie. J'étais pratiquement seule sur le pont qui relie le Rocher de la Vierge à la rue du Musée de la Mer... J'ai marché au-dessus de l'océan avec un vent sableux et je me croyais sur un bateau affrontant les vagues atlantiques. Ce chemin, mille fois arpenté, me réserve toujours des surprises : les couleurs de l'océan, la présence des mouettes, les vagues déferlantes, les buissons de tamaris, les hortensias bleus, les barrières rocheuses, les bateaux du port, les cabanes de pêcheurs appelés crampottes, les restaurants de poissons et de crustacés... Biarritz fait partie de mon ADN personnel. Je fusionne avec le paysage dans un sentiment océanique cher à Freud. Comme si je me souvenais que nos racines antédiluviennes viennent de la mer et non de la terre. Je pense à la théorie de l'évolution de Darwin... Je n'apprécie pas le côté tourisme de masse et le Pays Basque reste encore une région préservée sauf dans certains endroits comme le village d'Espelette, transformé en Disneyland du piment... Malgré une architecture parfois éclectique, Biarritz possède un charme certain pour ses panoramas océaniques et sa culture basque, vivifiante et authentique.

jeudi 20 juillet 2017

Philosophie Magazine

Le dernier numéro de Philosophie Magazine a choisi de traiter un sujet très intéressant pour l'été : l'idéal de simplicité. Dans l'introduction du dossier, la revue s'interroge sur cette notion : "Alors que la vie en société prend un tour de plus en plus complexe, nous sommes nombreux à nous interroger sur la meilleure manière de simplifier notre rapport à l'existence. Mais encore faut-il préciser ce que recouvre l'idée de simplicité : cette dernière n'est-elle pas plus mystérieuse qu'il n'y paraît ?". Quelques réponses judicieuses apportent un éclairage original sur un mode de vie à reconquérir. Dans la revue, l'éclectisme des sujets étonne parfois : d'un petit traité des tubes de l'été à un reportage sur la piste de la panthère des neiges... Un grand entretien avec Salman Rushdie, un portrait de François Cheng, un article sur Homère de Barbara Cassin complètent le numéro de cet été. J'ai aussi apprécié un texte de Sylvain Tesson, "Habiter la lumière" dans sa chronique habituelle. Il pose la question suivante : "Pourquoi de nombreux voyageurs, illustres ou anonymes, ont-ils l'impression que, en Grèce, le soleil brille plus fort qu'ailleurs ?" Il ajoute : "Etre grec reviendrait à comprendre que la lumière est un lieu. Nous l'habitons. Nous nous tenons droit dans sa vérité, sans requérir les brumeuses chimères d'un au-delà". Décidément, ce numéro ne réserve que de bonnes surprises. J'ai beaucoup apprécié le dialogue entre Fabienne Verdier, artiste peintre et Edgar Morin, philosophe bien connu. Un petit carnet détachable contient des extraits de l'ouvrage du philosophe américain Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois. La rubrique nouveautés propose quelques livres à découvrir pour l'été. La philosophie en fait, se love dans tous les interstices de la vie et il suffit de lire tout simplement cette revue intelligente, cultivée et accessible. Cet été, soyons tous habité(e)s par la lumière et par la philosophie...

lundi 17 juillet 2017

"Entre eux"

Richard Ford rend un hommage émouvant à ses deux parents dans ce récit pudique, "Entre eux". Ce livre de souvenirs se compose de deux textes, l'un inédit sur son père et l'autre sur sa mère qu'il avait écrit en 1994 sous le titre "Ma mère". L'écrivain, âgé de 73 ans, offre ainsi un nouveau tombeau pour ses deux parents qu'il n'a, au fond, rarement compris bien qu'il les aimait en bon fils, proche et intime. Aller sur les traces de ses parents, alors que vous n'êtes pas un témoin direct, relève de la gageure. Son père était un voyageur de commerce dans l'amidon et il partait du lundi au vendredi. Son absence répétée n'empêche pas son fils de l'aimer bien qu'il constate que son père ne lui a rien appris : aucune aide aux devoirs, aucun initiation sportive, pas de bricolage, ni aucun autre apprentissage que l'on retient dans son enfance. Il savait se montrer pourtant jovial, chaleureux mais à cette époque, les hommes confiaient malheureusement ces tâches aux femmes. Richard Ford n'éprouve aucune rancœur auprès de ce père fantasque et léger qui ne rêvait que de confort matériel et d'ascension sociale. Il formait un couple très uni avec sa femme qu'il emmenait avec lui dans ses tournées innombrables quand ils étaient sans enfant. Sa mort prématurée à cinquante ans laisse sa mère dans une situation difficile. L'écrivain raconte avec une pudeur retenue ce lien parental avec cet homme au fond inconnu de lui. Le mystère du passé parental se vit avec plus d'acuité et de regrets quand ils disparaissent. La vie de sa mère se confond avec celle de son père, sauf à partir du décès prématuré de celui-ci. Richard Ford est toujours resté fidèle à sa mère lui offrant l'amour filial le plus sincère. Il raconte avec sensibilité et avec nostalgie la vie de cette femme qui s'est remis au travail malgré son âge. Il lui rend ainsi un vibrant hommage et ce retour au passé, aux racines familiales lui permet de retrouver dans ces deux textes, sa vie toute entière...

mercredi 12 juillet 2017

Revues littéraires du mois

Quand je m'installe sur ma terrasse l'après-midi, j'utilise un panier en osier qui contient mes lectures du moment. J'ai toujours une revue mêlée à deux ouvrages en cours (un roman et un essai). J'aime butiner dans mes ouvrages et partager ces quelques heures de tranquillité avec mes compagnons de papier. La lecture demande ces moments bénis, une parenthèse sereine, une bulle de liberté, une niche de temps où on se blottit dans les page d'un livre ou d'une revue. Hier, j'ai donc feuilleté le magazine Lire de l'été (juillet-août) et j'ai surtout apprécié l'entretien avec "Patrick Boucheron, un historien au cœur de la polémique". Son "Histoire mondiale de la France" (avec 120 contributeurs) a rencontré un succès inattendu en librairie. Cet ouvrage, parfois mal reçu par les puristes franco-français, montre que "l'on ne peut pas faire une Histoire de France sans la contextualiser dans un ensemble plus grand qu'elle et sans dévoiler ses liens avec ce qui l'entoure". Un dossier sur les plus belles bibliothèques du monde avec des photographies magnifiques m'a donné envie d'aller les découvrir mais elles se situent dans des lieux assez lointains comme en Russie ou aux Etats-Unis... Peut-être irai-je les voir un jour prochain... J'ai noté aussi toutes les nouveautés de la saison. La revue pense à la rentrée littéraire en proposant quinze extraits de romans et nous conseille vingt romans pour l'été. Numéro dense et intéressant. La revue le Magazine littéraire a choisi pour son numéro spécial de juillet-août un dossier original : "30 classiques pour penser le monde". De Shakespeare à Madame de Lafayette, de Claude Lévi-Strauss à Borges, en passant par Marguerite Yourcenar, ces écrivains classiques avaient anticipé de nombreux thèmes contemporains comme le terrorisme, l'écologie, le genre, la globalisation, etc. On retrouve avec plaisir les nombreuses critiques fiction et non fiction, un grand entretien avec Eric Vuillard et d'autres rubriques traditionnelles. Lire une revue littéraire apporte un éclairage indispensable sur les publications actuelles pour tous les amoureux des livres et de la lecture...

mardi 11 juillet 2017

"Dans ce jardin qu'on aimait"

Je viens de terminer le dernier roman de Pascal Quignard, "Dans ce jardin qu'on aimait". Un pasteur américain, Simeon Pease Cheney, a composé un catalogue de chants d'oiseaux dans les années 1860-1880 dans l'Etat de New York. Il a perdu sa femme depuis une vingtaine d'années quand elle accoucha de sa fille qui vit avec ce père éploré. Cette histoire singulière se décompose comme une sonate à plusieurs temps. Parfois, le révérend s'exprime seul, puis s'adresse à sa fille et un troisième personnage, le récitant, reprend la trame romanesque comme dans une tragédie grecque. Il est question d'amour absolu entre cet homme et cette femme qu'il n'a jamais oubliée, malgré la mort qui les sépare. Le jardin lui sert de "temple du souvenir" car son épouse le cultivait avec soin. Ce veuf inconsolable en arrive même à rejeter sa fille qui a "tué" son épouse... Il a trouvé la seule consolation pour supporter cet immense chagrin : il note systématiquement tous les chants des oiseaux qui fréquentent son jardin merveilleux. Ce travail de musicien ne remporte aucun succès car son manuscrit est toujours refusé. Aucune importance pour cet ermite de l'amour. Il poursuit sa tâche sans douter de son génie musical. Cette chasse aux sons ressemble à un hymne à la vie naturelle. Les oiseaux représentent souvent les messagers des dieux car ils vivent dans les airs au plus près de l'Olympe... Pascal Quignard intervient dans ce récit-conte : "J'ai été soudain ensorcelé par cet étrange presbytère tout à coup devenu sonore, et je me suis mis à être heureux dans ce jardin obsédé par l'amour que cet homme portait à sa femme disparue". Ce texte polymorphe, à la fois pièce de théâtre, poème symphonique, prose chanté, s'apparente à une "cantate à plusieurs voix,  un chant grave et épuré, un hymne à l'amour éternel" d'après la critique Nathalie Crom de Télérama. J'ai décelé une "fulgurance quignardienne" : "Il est possible que l'audition humaine perçoive des airs derrière la succession des sons de la même façon que l'âme humaine perçoit des narrations au fond des rêves les plus chaotiques". J'ai aussi relevé une référence à Giorgio Morandi, un de mes peintres préférés quand l'écrivain évoque ses natures mortes... Une seule lecture ne suffit pas à comprendre ce conte nostalgique et romantique. Ce pasteur américain, Simeon Pease Cheney, représente à lui seul les interrogations philosophiques de Pascal Quignard...

lundi 10 juillet 2017

"Jours enfouis"

L’écrivain américain Jay McInerney termine sa saga new yorkaise avec "Jours enfouis", publié chez L'Olivier.  Russel et Corrine Calloway forment un couple amoureux dans le premier tome, "Trente ans et des poussières", paru en 1993. L'écrivain évoquait les années folles de la finance dans les années 80. En 2007, le deuxième tome, "La Belle Vie", ne pouvait que se situer au cœur de l'après 11-septembre. Dans "Jours enfouis", le troisième tome, le couple a vieilli (la cinquantaine...). Ils ont deux jumeaux de 11 ans et vivent au cœur de Manhattan dans un quartier huppé. Leur loft présente pourtant des signes de dégradation, symbole aussi de leur histoire personnelle. Ils mènent une vie de privilégiés dans un milieu intellectuel. Russel travaille dans l'édition et il est même devenu le directeur de sa maison. Corrine se charge de l'aide alimentaire aux plus démunis et elle organise des ventes de charité pour son association. Ils courent les expositions, les dîners en ville, les manifestations culturelles. Evidemment, comme tous les favorisés, ils passent leurs vacances dans une belle maison (qu'ils louent) dans les Hamptons. Leur couple s'est assagi au fil du temps et frôle même une crise latente. Corrine rencontre dans une soirée festive un ancien amant, Luke, devenu un homme d'affaires. Ils s'étaient aimés à Ground zéro et ces retrouvailles amoureuses mettent en péril le couple marié. Entre les infidélités de Corrine et les péripéties éditoriales de Russel, les années Obama se déroulent dans une ambiance électrique et agitée. Pour ces personnages emblématiques d'une Amérique en doute, la maturité se teinte d'une nostalgie inévitable quand les jours s'enfuient... Corrine va-t-elle bousculer sa vie maritale ? Russel, par un choix hasardeux de politique éditoriale, conduit sa maison à la faillite. Ce grand roman urbain, social et psychologique pourrait s'intituler : "Histoire d'un mariage"... L'écrivain américain n'oublie pas d'insuffler dans cette fiction, une dose de critique sociale sur ces "bobos" new yorkais, heureux et insouciants, mais, fragilisés par leur crise conjugale et la crise économique de 2008. Un très bon roman à l'écriture efficace et précise à lire cet été pour se retrouver à New York sans prendre l'avion...

vendredi 7 juillet 2017

Simone Veil, une femme libre et sage

Depuis lundi, des femmes de ma génération éprouvent un pincement au cœur quand nous avons appris la disparition de cette grande dame. J'ai lu beaucoup d'hommages dans la presse, j'ai entendu dans les médias, les témoignages de ses amies, de ses biographes et de ses admirateurs des deux sexes. J'ai suivi à la télévision les discours poignants de ses deux fils et du président Macron aux Invalides. Comment écrire après cette avalanche d'hommages sincères et unanimes ? Pour moi, elle représentait l'audace, la liberté et la sagesse. Jean d'Ormesson a écrit le discours de réception à l'Académie française en 2010 quand Simone Veil a accepté d'intégrer cette institution. L'écrivain insiste sur l'héritage familial de cette grande dame. Elle avait reçu l'amour de la culture, de la laïcité, de la justice qu'elle a pratiqué toute sa vie. Pourtant, elle a rencontré à seize ans la plus atroce barbarie dans le camp de Birkenau où elle a perdu ses parents et sa sœur. De cette expérience la plus inhumaine qui soit, elle a lutté plus tard pour une Europe unie et pacifique. Elle s'est occupée des prisons et de l'amélioration de la condition des prisonniers. Sa passion de la justice a influencé sa position magnifique sur l'IVG devant un parterre masculin haineux et hostile à la libération des femmes. Cette loi de 1974 a sauvé des milliers de femmes qui risquaient leur vie en pratiquant l'avortement clandestin. Je ne mentionnerai pas sa vie de femme politique que tout le monde connaît et je regrette qu'elle ne soit pas devenue la première femme présidente de la République. Quel symbole pour nous toutes ! On est encore très loin de cette réalité éventuelle. Pour honorer Simone Veil, je reprends un passage de l'article dans le Monde, de Delphine Horvilleur, seule femme rabbin en France : "En yiddish, un homme exemplaire, capable de guider et d’inspirer sa génération, est appelé un mensch. Je ne connais pas le féminin de ce terme. Mais je peux vous dire très facilement à quoi il ressemble. Pour beaucoup d’entre nous, il a dorénavant le visage d’une femme née le 13 juillet 1927, une jeune fille âgée de 16 ans quand elle pose le pied en pleine nuit sur la rampe d’Auschwitz, une femme qui survit, témoigne et fait gagner la vie, une militante, une épouse, une mère, une grand-mère, une pionnière, une Européenne, une immortelle."  Sa présence au Panthéon avec son mari me semble juste et logique et comme l'écrit Leïla Slimani, Simone Veil est notre "héroïne" comme le pensent des millions de femmes...  

jeudi 6 juillet 2017

Escapade à Châlons en Champagne, 2

En arrivant à Chalons en Champagne (2000 ans d'histoire, tout de même) et malgré un temps maussade, j'ai trouvé une ville facile d'accès sans les embouteillages savoyards. On peut visiter les quelques lieux patrimoniaux en toute tranquillité. J'ai donc commencé par le Musée des Beaux Arts, créé en 1794 et pratiquement désert. Pourtant, cette institution ancienne présente un ensemble pictural assez intéressant, mais sans la présence d'artistes majeurs. Quelques sculptures de la Renaissance complètent des natures mortes qui méritaient un regard plus attentif. Mais, j'ai été étonnée par la partie musée d'histoire naturelle comportant un cabinet d'ornithologie de près de 2000 oiseaux naturalisés provenant du monde entier, des fossiles et des papillons par centaines. Comme je suis curieuse de toutes les formes du savoir, les cabinets de curiosités correspondant à l'esprit encyclopédique des Lumières me fascinent beaucoup. Se retrouver en face d'une multitude d'oiseaux du monde entier, empaillés et figés pour l'éternité est une expérience étonnante à vivre. Après ce musée rempli de nostalgie, j'ai pris le chemin de la très belle collégiale Notre Dame en Vaux, classée monument historique par l'Unesco. Une première chapelle est construite au IXe siècle, puis remplacée par une église gothique, occupée par des chanoines. Centre de pèlerinage, cette collégiale  est devenue un manège et une écurie lors de la Révolution française. Elle est rendue à sa vocation religieuse tout au long du XIXe. Un musée remarquable, attenant à la collégiale, présente un cloître entre l'art roman et l'art gothique (1170-80), reconstitué après des fouilles entreprises en 1963. Des statues-colonnes saisissantes racontent comme un livre ouvert la ferveur chrétienne, la souffrance et la joie de la foi. Je préfère de loin l'art antique mais, dorénavant, je vais m'intéresser à l'art médiéval pour mieux le comprendre... J'ai consacré ma dernière visite à la Bibliothèque Georges Pompidou, une vaste nef de cinq mille mètres carrés. Cet espace culturel a une vocation régionale et j'ai remarqué l'accueil chaleureux du public par des employés disponibles. En particulier, les enfants peuvent dessiner, colorier, s'étendre sur un podium confortable, écouter des histoires. Les sections jeunesse ont apporté aux institutions culturelles souvent sévères, un air frais, vif et coloré... Accompagner un jeune "capétien" réserve aussi quelques surprises agréables et je ne manque jamais les occasions pour me cultiver, connaître, découvrir, m'étonner...  

mardi 4 juillet 2017

Escapade à Châlons en Champagne, 1

Le Château du Grand Jardin, sur la route de Chalons en Champagne, est un des fleurons de l' architecture de la Renaissance française. La tradition locale raconte l'infidélité de Claude de Lorraine qui aurait construit ce bijou pour se faire pardonner. Sur les façades, une phrase inscrite sur un ruban de pierre, mentionne : "Toutes pour une, la et non plus", ce qui veut dire : "je quitte toutes les femmes pour une dans cette résidence"... Antoinette de Bourbon, sa chère épouse, a-t-elle constaté le changement de son mari volage ? Il faudra que je me penche sur cette énigme... J'ai remarqué des fresques sur le thème de Bacchus car la présence de ce dieu de la vigne représentait la vie joyeuse. Dans le château, une immense salle, vidé de son mobilier, est utilisée pour des concerts et des expositions. Mais, j'ai surtout admiré le jardin qui comprend un labyrinthe de verdure, des parterres à compartiments, une collection de buis, le berceau de charpente, un verger et un carré des simples (herbes aromatiques et médicinales). Ce jardin à l'italienne forme un ensemble harmonieux et magique. Un petit canal, rempli de carpes, longe le Grand Jardin et le château. Jouxtant ce jardin ordonné, exécuté au cordeau, un parc romantique du XVIIIe siècle accueille les visiteurs, charmés par des arbres uniques et des allées aux lignes courbes. Cette découverte inattendue, installée dans un village de trois mille habitants, m'a donné un visage nouveau de cette région peu attrayante (car trop plate) à mes yeux de "sudiste" basque et alpine... J'ai terminé ma soirée dans une ferme champenoise à trente kilomètres de Chalons et la propriétaire m'a conseillé un restaurant de qualité, "O délices des papilles", au milieu des champs de blé où j'ai savouré un excellent repas... Cette parenthèse renaissante m'a permis d'oublier pendant deux heures le but familial de mon voyage... Les visites culturelles me paraissent indispensables pour comprendre l'identité d'une région que je ne connaissais vraiment pas et souvent, je me réconcilie avec le lieu qui, au premier abord, me semblait dénué de charme.

lundi 3 juillet 2017

Escapade à Dijon

La semaine dernière, je me suis arrêtée à Dijon car je devais accompagner mon fils à Chalons en Champagne pour son CAPES d'histoire et de géographie. J'en ai profité pour découvrir Dijon que je ne connaissais pas. J'avais aussi un but : découvrir la collection du XXe siècle au Musée des Beaux arts de la ville. Et dans cette collection, je voulais retrouver mon peintre préféré : Vieira da Silva. Mais, je n'ai pas pris mon téléphone pour me renseigner et le site du musée évoquait la rénovation des espaces en précisant que les collections étaient accessibles. J'ai donc vécu une "cruelle" déception en constatant que l'aile consacré à l'art moderne n'ouvrirait qu'en... 2019. J'ai quand même arpenté la partie "art médiéval en Europe et en Bourgogne" avec quelques tableaux intéressants. La ville m'a semblé calme, assez silencieuse et non saturée de voitures. Se promener dans la zone piétonne procure des surprises architecturales avec de belles façades à colombages, des hôtels particuliers, des monuments historiques. Je suis rentrée dans une cour intérieure très belle où des colonnes sculptées dormaient dans une quiétude sereine. J'ai aussi découvert le charmant musée Magnin, installé dans un hôtel particulier où les tableaux, les meubles et les sculptures forment un ensemble esthétique très réussi. Je ne suis restée que trois heures dans le centre ville mais cela m'a suffi pour me dire que j'y retournerai en 2019 pour admirer "mes" Vieira da Silva... Après ce passage rapide, je me suis rapprochée de Chalons en Champagne et j'ai découvert une région où dans les hameaux que je traversais, je constatais que beaucoup de commerces et de maisons étaient à vendre... La crise économique se remarque beaucoup plus qu'en Rhône-Alpes. On parle de la France périphérique, France des marges. Nos responsables politiques parisiens connaissent-ils ces régions oubliées ? Ma chambre d'hôte étant située dans un village champenois, je me suis arrêtée presque par hasard à Joinville, dans la Haute Marne et là, dans ce lieu du bout du monde, une surprise m'attendait. J'ai visité un des plus beaux endroits de la région : le château du Grand Jardin, édifié entre 1533 et 1546, par Claude de Lorraine, duc de Guise. La suite, demain.