vendredi 29 septembre 2023

Escapade italienne, Baïes

 Mon séjour s'est bien révélé une plongée dans l'Antiquité, partout présente dans la Campanie. J'avais vu sur Arte un reportage sur Baïes et j'ai programmé ce site dans mon escapade italienne. Baïes ou Baia, domine la mer et ce site archéologique de grande importance n'attire aucun touriste ! Une aubaine pour moi et j'ai profité de cet espace incroyable quasi seule avec ma famille. Situé près de Bacoli dans les Champs Phlégréens, beaucoup d'empereurs romains dont César et Pompée ont séjourné à Baïes pour ses sources thermales. Près de Misène et de Pouzzoles, ce lieu magique pour la santé et pour la douceur du climat a attiré de nombreuses célébrités de l'époque comme Cicéron. J'ai aussi appris que l'empereur Hadrien, si cher à Marguerite Yourcenar, est mort à Baïes. Quand j'ai pénétré dans les ruines de ces thermes, j'ai pensé aux thermes célèbres de Caracalla, près de Rome. La partie haute de la ville antique concerne ses édifices thermaux car la majeure partie de la cité se trouve sous le niveau de la mer et il aurait fallu que je m'équipe en plongeuse pour voir les villas romaines submergées ! Le site est constitué de terrasses qui forment des gradins desservis par des escaliers. J'ai surtout remarqué les Thermes de Mercure avec sa salle circulaire dénommée le temple de l'Echo en raison de la réverbération des sons. Couverte d'une coupole en béton, révolutionnaire pour l'époque, de 21 mètres de diamètre, elle est percée par un oculus à son sommet, ce qui rappelle la forme d'architecture du Panthéon à Rome. Comme pour la fontaine de Trévise, si le visiteur lançait une pièce de monnaie, son vœux était exaucé ! Ce que j'ai réalisé, bien sûr ! J'ai respecté la tradition. Après cette déambulation émerveillée dans ce parc archéologique désert, j'ai repris mon chemin pour découvrir le musée archéologique des Champs Phlégréens, installé dans une forteresse aragonaise du XVIe siècle. Statues en marbre, morceaux d'édifice, vases grecs, objets de la vie quotidienne, bijoux, armes, casques, ce musée présente une collection d'une richesse inouïe, découverte dans la région. Une terrasse sur le toit du musée offre un panorama grandiose sur la mer et sur la baie. Une bonne surprise pour moi car ce musée présente avec une pédagogie intelligente ces traces artistiques de l'Antiquité grecque et romaine. Ce qui me ravit toujours car j'ai un penchant très fort pour les musées archéologiques, des lieux essentiels, uniques, magnifiques qui racontent notre passé et aussi notre avenir ! 

jeudi 28 septembre 2023

Escapade italienne, Pompéi

 Pompéi, la ville maudite, a disparu sous les cendres du Vésuve lors de l'éruption en 79 apr. J-C. et s'est endormie pendant des siècles. Des milliers de morts ensevelis dans le sol de Pompéi. Puis, au XVIIIe siècle, les fouilles démarrent et cette cité commerciale renaît de ses cendres millénaires. Quand je suis arrivée sur le site dès 9h du matin, ma visite s'est bien déroulée. Il faut un plan, une bouteille d'eau et de bonnes chaussures de marche. C'était la deuxième fois que je venais à Pompéi et mon goût de l'Antique allait se revivifier en présence des lieux que j'allais traverser. Une des rues les plus importantes se nomme rue de l'abondance car le cœur de la ville populaire se situait à cet endroit. Il faut de l'imagination pour revoir en pensée tous les habitants et toutes les habitantes de la petite cité florissante qui vaquaient à leurs occupations quotidiennes comme se nourrir, se laver, se loger, prendre soin de sa famille, avoir un métier, faire de la politique et tant d'autres actes humains. J'ai remarqué en particulier les thermopolium, des petites tavernes populaires pour la vente de nourriture chaude. Les artisans et les commerçants habitaient dans les étages supérieurs. Des vasques rondes étaient placées dans un comptoir à l'air libre et une fresque montre les propriétaires du lieu. Au fil de la visite, il suffit de détecter les villas ouvertes au public. J'ai revu avec beaucoup d'admiration certaines fresques comme celles de la Vénus dans sa coquille, un Botticelli de l'époque. La fresque très bien conservée saisit les visiteurs par sa beauté sans que l'on connaisse le nom de l'artiste. J'en ai visité une bonne dizaine mais je retiendrai surtout la Maison des Vettii, appartenant à deux riches frères, affranchis de l'esclavage. La maison compte deux atriums, un grand impluvium, des chapiteaux cubiques à l'entrée. Les fresques révèlent la passion des Pompéiens pour la mythologie grecque. Une autre villa a retenu mon attention se nomme la Maison du Laraire d'Achille qui présente une décoration picturale très riche L'une des fresques montre deux énormes éléphants ! Je me suis intéressée particulièrement à la Villa de Julia Felix, une esclave affranchie, était devenue très riche et possédait un domaine près de l'amphithéâtre. Que de romans pourraient s'écrire avec ces personnages hauts en couleurs et au destin surprenant. Je pourrai citer d'autres villas visitées sans avoir la foule devant soi comme la Fullonica de Stephanus, la Maison des Ceii, la Maison de Ménandre, la Maison du Fruitier (magnifiques natures mortes), etc. Quand nous nous sommes rapprochés du Forum, la foule des touristes a gonflé et j'ai décidé de quitter Pompéi pour éviter ces troupes guidées par leur animateur tonitruant. Il faudrait revenir à Pompéi de décembre à février. Peut-être que je croiserai moins de monde. C'est la seule solution pour visiter ces sites grandioses et exceptionnels ! 

mercredi 27 septembre 2023

Escapade italienne, Sorrente

 Sorrente, ce nom me faisait rêver et il fallait que je vois de mes propres yeux, cette ville réputée dans le Sud de l'Italie dominée par la splendide silhouette du Vésuve. Cette péninsule surnommée "golfe des sirènes", est une allusion mythologique d'Ulysse, envoûté par les chants irrésistibles de ces femmes-poissons. De penser au passé glorieux de Sorrente en compagnie d'Homère m'attirait aussi fortement. Dès que je me suis approchée du centre ville, une image frappe l'esprit : les falaises qui surplombent les plages, ces plages italiennes qui ne ressemblent en rien à nos plages françaises. Pour la majorité de ces lieux de villégiature, elles appartiennent au domaine privé, donc payantes. A Sorrente, il faut prendre un ascenseur pour les atteindre. Cette accumulation de chaises longues et de parasols, les douches et les restaurants appartiennent à cette notion de la dolce vita, si chère au pays. J'ai vérifié cet état des lieux en me rendant dans un restaurant situé sur des pontons dans le creux d'une baie. Je pense qu'en France, ce serait inimaginable. J'ai visité le centre historique l'après-midi et comme c'était dimanche, la ville était prise d'assaut comme les plages. Partout, j'ai remarqué la présence du citron car Sorrente a inventé le limoncello, boisson nationale par excellence. Comme dans chaque cité italienne, les églises méritent une visite et j'ai surtout apprécié le cloître de San Francesco, un havre de paix dans cette ville si fréquentée. Le soir, j'ai assisté à un très beau coucher de soleil sur la baie toute rougeoyante en sirotant un spritz au limoncello succulent ! Le poète Le Tasse de la Renaissance est né à Sorrente et la ville lui a dédié sa place et un monument à son honneur. Ce panorama de la mer avec ses voiliers, le Vésuve au loin et Capri que l'on devine toute proche donnent à l'air que l'on respire une douceur particulière si chère à de nombreux écrivains qui découvraient la ville comme Musset, Goethe, Byron, Leopardi. Cette halte plutôt reposante avant d'affronter la "folie" pompéienne s'est avérée bien bénéfique et je garderai cette image des hautes falaises en tuf surplombant toute la marina de la ville. 

mardi 26 septembre 2023

Escapade italienne, la Côte amalfitaine

Après Paestum, j'ai enfin découvert la célèbre route de la Côte amalfitaine de Salerne à Ravello. Je n'avais pas pensé que j'entreprenais cette escapade un samedi ! Et le samedi, il vaut mieux rester dans un lieu discret et cette Côte si connue perd son charme tellement la foule est compacte dans ces petites villes si typiques. Première déception à Amalfi car les parkings étaient saturés. J'ai aperçu de loin ce village de pêcheurs, coloré et imbriqué dans une petite baie surmontée de montagnes. Les scooters sortaient de partout et cavalaient avec une imprudence bravache et inconsciente. Les files des voitures formaient des formes de chenilles avec des embouteillages monstrueux. Je rêvais de voir Positano grâce à Goliarda Sapienza dans son roman, "Rendez-vous à Positano" qui décrivait ce petit port charmant comme un havre de paix et de sérénité. Finie la paix et envolée la sérénité ! Soixante ans après, la planète s'est enrichie de milliards d'humains ! Une preuve à Positano et ailleurs. J'ai persévéré pour ce village "authentique" en trouvant un parking mais qui se situait au sommet de la colline. Pour descendre vers le port, aucun souci mais quand je suis repartie, mes mollets ont subi un choc traumatique ! Je ne suis décidément pas une montagnarde ! La vérité du lieu s'avère un peu décevante. Avec la foule de touristes, je ne vois rien et le maire de Portofino a décrété qu'il ne fallait plus s'arrêter pour contempler le paysage ! Je n'évoquerai pas ces deux ports malgré la beauté des panoramas. Nous avons pris une route directe pour Ravello, un village plus éloigné de la Côte amalfitaine. L'hôtel était perché sur une colline à Scala et notre terrasse avait une vue sur Ravello que nous avons visité dans l'après-midi. Le Duomo, la Villa Rufulo adorée par Wagner et les ruelles méritent le détour mais je voulais surtout voir la Villa Cimbrone, réputée par ses clients illustres comme André Gide, Italo Calvino, Noureev et surtout Virginia Woolf. En arpentant le chemin étroit qui menait à l'hôtel, j'ai vu une pancarte maudite : "Fermée ce dimanche pour réception" ! Revenant à l'hôtel, j'ai scruté le parc de la Villa en imaginant la déambulation lente et méditative de l'écrivaine anglaise avec ses amis de Bloomsbury. En Italie, il ne faut pas s'étonner de leur passion pour les réceptions somptueuses même dans les musées ! Après Positano, j'ai escaladé les marches de la Tour de la Villa Rufolo pour admirer la vue splendide de la Côte avec la mer, les pins parasols, les clochers d'église, les voiliers, les jardins suspendus ! La meilleure chose à faire en fin de soirée pour éviter les embouteillages : organiser un apéritif "Prosecco" en observant la nuit tomber et se ressourcer pour vivre au mieux la journée suivante avec la découverte de Sorrente ! 

lundi 25 septembre 2023

Escapade italienne, Paestum

Je suis partie à Naples la semaine dernière mais avant d'arriver dans cette cité volcanique dans tous les sens du terme, j'ai effectué quelques chemins de traverse. De Paestum à Cumes en passant par la Côte amalfitaine, j'ai parcouru quelques centaines de kilomètres pour découvrir des lieux encore inconnus. Il y a six ans, j'avais pourtant visité le site de Paestum à 80 kilomètres de Naples qui m'avait impressionnée par la beauté de ses temples grecs. Le soir de mon arrivée, du restaurant jouxtant le site archéologique, j'ai observé le crépuscule s'allongeant sur les colonnes et le spectacle de l'illumination des colonnes a apporté une dose de magie supplémentaire. Dès l'ouverture matinale, j'ai arpenté Paestum quasiment sans groupe organisé avec l'animateur en tête de file agitant son drapeau ! Effets du tourisme de masse ! Les trois temples peuvent se visiter même à l'intérieur, baptisés par les noms de dieux grecs : Héra, Apollon et Athéna. Colonie grecque fondée en 600 av. J.-C. au sud de Salerne, elle est devenue romaine en 273 av. J.-C. et a pris le nom de Paestum après Poséidonia. Le temple d'Héra, très bien conservé, mesure plus de 50 mètres de long sur 24 mètres de large. D'architecture dorique, ces édifices religieux dégagent une poésie d'un passé profond. Imaginons ces centaines d'années pendant lesquelles les autochtones n'ont pas jeté un regard sur ces drôles de bâtiments, composés d'un toit et de colonnes comme si des extraterrestres avaient édifié comme à l'île de Pâques des espaces religieux surdimensionnés. L'esprit du sacré règne dans ce lieu mythique. Après ma promenade rêveuse et songeuse sur les sentiers menant aux temples grecs, conservés dans un état exceptionnel, j'ai terminé ma visite au musée de Paestum qui présente les célèbres fresques d'un banquet et du plongeur, découvertes dans une tombe de la nécropole. Ces panneaux peints sur calcaire dites fresques lucaniennes montrent des scènes de bataille, des chevaux, des guerriers. Ces témoignages picturaux demeurent les seules traces de cette civilisation perdue dans les limbes du temps. La Tombe du Plongeur a inspiré un roman de Pascal Quignard, "Boutès" et l'écrivain archéo-nostalgique imagine la vie de cet homme, compagnon d'Ulysse et ne pouvant résister à l'appel mélodieux d'une sirène au large de la baie de Naples. Ce plongeon vers la mort ou l'éternité symbolise la finitude de la vie sur terre avec ce mystère insondable : et après ? Dans ce musée, cette vision du Plongeur et des banquets constitue une plongée vers ce passé inconnu, mystérieux et fascinant pour tous ceux et celles qui aiment voyager dans le temps si lointain et pourtant si proche de nous.

vendredi 15 septembre 2023

"La Chartreuse de Parme", Stendhal, 2

 Notre Fabrice Del Dongo se voit contraint de fuir Parme pour échapper à la prison. Le comte Mosca, l'amant de sa tante Gina, le protège car il est fou amoureux de sa tante. A Bologne, Fabrice s'entiche d'une chanteuse d'opéra, La Fausta, qui est en couple avec le comte M. Après quelques péripéties d'un nouveau combat où il blesse le comte, Fabrice se réfugie de nouveau à Parme. Mais, il est rattrapé par sa naïveté et se retrouve emprisonné dans une forteresse au sommet de la tour Farnèse. Le roman prend alors une dimension passionnelle car le jeune homme aperçoit la fille du commandant de la forteresse, Clélia Conti. Cet enfermement lui procure en fait une douceur particulière car il parvient à communiquer avec la jeune fille en utilisant des codes. Avec son aide et celle de sa tante, il parvient à s'échapper. Le commandant a pris une dose de laudanum qui le met en danger de mort. Prise de remords, Clélia se promet de ne plus revoir Fabrice. Pour satisfaire son père, elle se marie avec un marquis qu'elle n'aime pas. Fabrice se réfugie avec sa tante à Locarno en Suisse. Mais il se languit de Clélia et après quelques accommodements politiques arrangés par le comte Mosca, plus puissant que jamais à Parme, il apprend le mariage de Clélia et fou de désespoir, il retourne en prison. Après des mois de détention et de nouveau libre, il devient prédicateur. Sa réputation grandit au fil du temps et Clélia finit par le retrouver tellement ils s'aiment depuis toujours. Comme elle a promis de ne jamais le voir, ils se rencontrent dans l'obscurité. Un fils naît de cette union clandestine. Alors que Fabrice est privé de ce fils, il l'enlève pour le voir grandir mais Sandrino tombe malade. L'enfant meurt quelques mois plus tard. Clélia en apprenant cette perte, décède elle aussi. Et Fabrice retiré dans une chartreuse, meurt de chagrin à son tour. Cette fin tragique se voulait d'un romantisme absolu où l'amour vrai n'a pas sa place en société. "La Chartreuse de Parme" se lit presque comme un thriller policier, mais aussi comme un traité de politique, et surtout comme un roman d'amour sublime. Je l'ai relu avec une admiration grandissante car j'avais oublié beaucoup d'évènements et à l'époque, je ne devais pas saisir l'arrière-plan historique. Stendhal a écrit un chef d'œuvre en deux mois en juxtaposant une série d'histoires rocambolesques avec deux héros majeurs : Fabrice et Clélia. Leur histoire d'amour qui finit pourtant très mal illumine cette histoire. Ce texte classique foisonnant et complexe sur les intrigues politiques raconte une comédie humaine en Italie et le charme italien opère à merveille. Stendhal ou le génie littéraire français. Dorénavant, je l'inscris dans mon programme de relectures avec en tête de liste "Le chroniques italiennes", "Le Rouge et le Noir", surtout son journal intime et ses écrits sur voyages en Italie. Il n'y a pas de meilleur guide que lui pour visiter l'Italie ! 

mercredi 13 septembre 2023

"La Chartreuse de Parme", Stendhal, 1

 Quand je suis partie en Italie du Nord en avril dernier, j'ai choisi quelques cités les plus belles comme Bergame, Mantoue, Ferrare, Parme et Pavie. Avant de partir, je me "conditionne" comme un sportif en prenant des vitamines et mes vitamines à moi portent le nom de livres. Comment préparer mon approche de Parme par exemple ? En lisant tout simplement, le chef d'œuvre de notre cher Stendhal, "La Chartreuse de Parme". Avant de partir, j'ai relu avec une certaine appréhension ce classique que je n'avais pas fréquenté depuis mes études de lettres. J'en gardais un souvenir émerveillé et je craignais d'être déçue avec cette deuxième lecture. Publié en 1839 en deux volumes, Stendhal l'a composé en 52 jours !  Il avait dédicacé son roman aux "To the Happy Few", car son livre sera peu lu en dehors de quelques critiques et des amateurs de littérature. L'intrigue stendhalienne démarre à Milan en 1796 quand Napoléon Bonaparte mène sa campagne d'Italie contre la domination autrichienne. Le marquis Del Dongo, partisan de l'Autriche, est contraint d'accueillir les soldats français. Fabrice, le personnage central, serait né d'une idylle entre le lieutenant Robert et la jeune marquise Del Dongo. Le jeune homme vit près du lac de Côme entre sa mère et sa tante, Gina, mariée au comte Pietranera. Les armées napoléoniennes sont vaincues et Milan tombe dans les mains des Autrichiens. Fabrice rencontre un abbé nommé Blanès qui lui donne une éducation politique. Il décide de retrouver l'empereur à Paris en passant par Lugano, Pontarlier et Paris. En vain, l'empereur ne sera pas au rendez-vous. Il part rejoindre les troupes de Napoléon à Waterloo mais sa participation à la bataille tourne au fiasco. Stendhal dénonce à sa façon la guerre non pas héroïque mais absurde. Fabrice ne comprend rien au déroulement des combats. Il revient chez lui mais son père le chasse et il s'installe alors, après quelques escapades, à Parme chez sa tante Gina, devenue veuve et remariée avec le duc Sanseverina. Il renonce à une carrière militaire et se tourne du côté des affaires religieuses en passant trois ans à Naples dans une académie ecclésiastique. Mais Fabrice, le protégé de l'archevêque de Parme, vit quelques aventures amoureuses dont celle avec une comédienne. L'amant de la jeune femme, acteur comique de la troupe, attaque Fabrice mais celui-ci se défend à l'épée et tue cet homme trop jaloux. A partir de ce crime, le destin de Fabrice va changer. (La suite, demain)

mardi 12 septembre 2023

Le S.O.S. des librairies françaises dans le monde

 Je lis régulièrement l'excellent blog de Pierre Assouline, "La République des Livres". Cet écrivain vient de constater l'éventuelle disparition programmée des librairies françaises qu'il qualifie d'expatriées. Il existe 250 librairies françaises dans le monde mais elles souffrent beaucoup pour plusieurs raisons : loyers trop élevés, l'inflation, la crise de l'énergie, la concurrence des ventes en ligne. Ces commerces ont subi la crise sanitaire et depuis, elles ont du mal à remonter la pente. Le covid les ont fragilisées. Sans parler des frais de port, de douane et d'autres charges. Pierre Assouline écrit : "Les libraires français du bout du monde sont à bout et mettent la clef sous la porte". A Tokyo, à Jérusalem, à Beyrouth, à Shangaï et dans d'autres endroits de la planète, ces librairies s'éclipsent et laissent un champ libre pour d'autres commerces plus rentables. Dans ces grands métropoles étrangères, la langue française se sera plus représentée. Ces espaces francophones et francophiles symbolisaient des petites "France". Je me souviens de celle de Rome, proche de l'ambassade française, et portant un beau symbole, "La librairie Stendhal". J'avais remarqué son fonds exceptionnel qui mettait à l'honneur le patrimoine littéraire et proposait des animations de qualité. J'étais repartie avec un livre, évidemment ! Quel plaisir de trouver sur son chemin cette librairie fréquentée par des Italiens amoureux de notre pays et par des touristes comme moi. L'auteur du blog ajoute : "Je puis témoigner du dévouement quasiment militant des ces libraires qui sont autant d'ambassadeurs de la France un peu partout dans le monde. Ils y portent la parole, la langue et la culture française autrement que les institutions". Plus loin, il regrette cet état de fait : "Voir disparaître une seule de ces librairies est un crève-cœur". Je suis allée voir le site internet des librairies francophones et certaines sont baptisées ainsi : "Clair du monde", "Folies d'encre", "Le paradis des livres", "Le temps retrouvé", "Mille feuilles", etc. Partout en Amérique, en Afrique, en Asie, en Europe, il existe ces espaces "France", ces îlots d'excellence de culture française et sans tomber dans un patriotisme exacerbé, je ne comprends pas l'attitude de notre pays qui devrait "sanctuariser" ces librairies souvent peu rentables. La vague internet va peut-être condamner à moyen terme ces commerces magnifiques et irremplaçables. Dommage et regrettable ! Mais, elles n'ont pas dit leurs derniers mots, nos courageuses librairies à l'étranger. Un jour, elles rentreront en résistance. 

lundi 11 septembre 2023

"Stupeur", Zeruya Shalev, 2

Atara est mariée avec Alexandre et ils ont un fils, Eden. Le jeune homme revient chez lui après quatre ans de service militaire. Il traverse une crise existentielle et sa mère craint le pire pour lui car elle a aperçu sur l'écran de son ordinateur des informations sur le suicide. Elle aussi analyse sa situation maritale avec un  mari, Alexandre, professeur à la retraite, parfois compliqué à comprendre. Atara, architecte de profession, spécialisée dans le patrimoine, s'absente souvent du foyer familial pour son travail passionnant. Mais, une obsession la taraude : elle veut rencontrer Rachel pour comprendre le passé de son père. Cette femme l'obsède car elle cache un secret concernant son passé militant avec son père qui s'est montré toujours très sévère avec elle. Alors qu'elle se dirige en voiture au domicile de cette femme qui l'attire comme un aimant, son mari tombe malade et avec l'aide de son fils, ils vont à l'hôpital. Atara, prévenue de cet incident, poursuit sa route et finit par voir Rachel. La rencontre avec elle s'avère décevante et elle repart sans véritables informations sur son père. Quand elle retourne chez elle, son mari est revenu des urgences de l'hôpital mais il ne sent pas bien. Au fil des heures, son état se détériore et Atara ne mesure pas la gravité de la situation. Au petit matin, il s'effondre et meurt sous ses yeux. Cette catastrophe intime la tétanise et seul, son fils assume l'organisation de la semaine de deuil. Alors qu'elle reçoit tous ses proches et toutes ses relations, elle fait connaissance du fils ultraorthodoxe de Rachel qui a conduit sa mère chez elle pour lui présenter des condoléances. Cette présence l'apaise subitement. Que deviendra Atara ? Comment va-t-elle vivre son deuil ? Les monologues intérieurs d'Atara s'intensifient sur le couple qu'elle formait avec Alex, sur les relations avec son fils perdu, avec son père sévère, avec Rachel qu'elle veut mieux connaître. Malgré toutes les perturbations qu'elle traverse, Atara garde le cap, serre les dents et assume sa vie perturbée avec un instinct de vie, propre aux personnages de Zeruya Shalev dans tous ses romans. L'écrivain parle à travers Atara sur Israël, sur la guerre menaçante, sur les paysages urbains chaotiques et surtout sur l'emprise de la religion dans ce pays pourtant laïque à sa naissance. Cette héroïne du quotidien, pourtant pétrie de regrets et de remords, illustre aussi un désir d'avenir plus serein et plus stable. Zeruya Shalev pose cette question au cœur des ses œuvres : qui sommes-nous ? Comment connaître ses parents, ses enfants, ses proches ? Il y aura toujours des "points aveugles", dit l'écrivaine israélienne dans une émission sur France Culture. Quel roman coup de poing ! Un des meilleurs de la rentrée littéraire, le meilleur peut-être ? Oui, pour moi, c'est une évidence. 

vendredi 8 septembre 2023

"Stupeur", Zeruya Shalev, 1

 Dès que je pénètre dans l'univers romanesque de Zeruya Shalev, je ne quitte plus ses pages tellement elle a le don de capter l'attention de chaque lectrice (et lecteur). Tous ses romans ensorcellent, envoûtent, nous entraînent dans un tourbillon de réflexions sur son pays, Israël, sur les relations familiales, sur le couple, sur la vie, tout simplement. L'écrivaine est née en 1959 dans un kibboutz et sa famille compte plusieurs écrivains dont son cousin, Meir Shalev, et son propre mari. Elle a donc baigné toute petite dans cet océan de mots et d'idées. En 2004, elle est victime d'un attentat suicide dans un bus à Jérusalem. Elle en réchappe miraculeusement alors que dix personnes sont mortes dans l'attentat. Elle restera immobilisée plusieurs mois. Quand elle parle de son écriture, elle précise : "J'ai l'impression d'écrire comme un poète, en refusant de trop planifier, en portant une grande attention au rythme, aux métaphores, à la musique de la phrase". De "Vie amoureuse" à "Théra", en passant par "Mari et femme" et "Douleur", je ne pourrais pas choisir le meilleur d'entre eux. Puis, je me souviens de son chef d'œuvre, "Ce qui nous reste de nos vies", publié en 2014, son roman le plus abouti, le plus profond, le plus fort. J'attendais son dernier roman depuis 2017 et le voilà arrivé dans la vague de la rentrée littéraire : "Stupeur", titre bref, cassant, coupant et inquiétant, publié chez Gallimard dans la collection "Du Monde entier". Le personnage principal, Atara, se pose souvent la question de l'origine de son prénom. Au chevet de son père mourant, elle entend des propos confus sur sa première épouse, Rachel, alors qu'il ne l'évoquait jamais. A partir de cette énigme familiale, elle retrouve la trace de cette mystérieuse femme, très âgée aujourd'hui. Le père d'Atara et Rachel appartenaient à la branche armée des Combattants pour la liberté et agissaient avec violence contre l'autorité britannique qui gérait la Palestine dans les années 40. Rachel, la révolutionnaire, a aimé passionnément Mano, le père de Rachel mais cet amour fou s'est interrompu brutalement quand Mano a disparu sans laisser de traces. Toute sa vie, elle se posera la question lancinante de son abandon. Elle a refait sa vie avec un mari et deux fils en conservant le silence sur ses activités politiques clandestines de l'époque. De son côté, Mano a suivi un chemin conventionnel en renonçant à ses idéaux et en devenant un professeur d'université très reconnu. Les destins de Rachel et d'Atara vont enfin se croiser. (La suite, lundi)  

jeudi 7 septembre 2023

Il y a cent ans, naissait Georges Perros

 Comme j'écoute les podcasts littéraires sur France Culture, j'ai découvert une émission sur un écrivain français très peu connu et même oublié de nos jours. Il s'appelle Georges Perros et il représente un "OVNI" non identifié dans le panorama des lettres françaises. Pourtant, quel style ! Il se veut inclassable en composant des poèmes, des fragments, des correspondances, du théâtre et des essais. Je l'ai lu dès les années 80 et je conserve toutes ses œuvres dans ma bibliothèque.  Cet écrivain singulier et attachant se lit encore un peu et il faut découvrir ses "Papiers collés" en trois volumes, publiés chez Gallimard. Le Book Club (encore un anglicisme sur la radio nationale !) a reçu le chanteur Miossec et l'écrivain Thierry Gillyboeuf pour évoquer l'écrivain, né en 1923 et mort en 1978. Les deux invités ont évoqué la "Correspondance 1968-1978" avec Pierre Pachet et le recueil de poèmes, "J'habite près de mon silence". Le poète écrivain a entamé sa carrière dans l'art dramatique à la Comédie-Française et il travaille aux côtés de Gérard Philippe, Jean Vilar, Maria Casarès, Maurice Jarre. Il commence à publier en 1963 dans la Nouvelle Revue française et traduit Tchekhov et Strinberg. Georges Perros se lasse du milieu parisien et se refugie à Douarnenez dans le Finistère. Avec son épouse, Tania, ils auront trois enfants ensemble. En 1961, paraît le premier volume de "Papiers collés", des notes et des réflexions qu'il griffonne sur des bouts de papier et qu'ils retravaillent après. La littérature est à l'honneur dans ses écrits avec des évocations de Kafka, Rimbaud, Hölderlin, Kierkegaard. Comment qualifier sa démarche créatrice ? Il se met au service d'une langue à la fois "dense et dépouillée" sans utiliser un vocabulaire précieux. Cet écrivain se voulait modeste, "un journalier des pensées", proche des grands moralistes comme Chamfort, Joubert ou Cioran. Sa poésie remarquable, concise et précise se lit encore avec admiration, en particulier son recueil, "Une vie ordinaire", un roman poème où il exprime le sens du quotidien poétisé. Dans ses "Papiers collés", il écrit cet aphorisme : "La mémoire est comme le dessus d'une cheminée. Pleine de bibelots qu'il sied de ne pas casser, mais qu'on ne voit plus". Humour, ironie, simplicité, culture littéraire, lucidité, Georges Perros est aussi un grand ami d'écrivains avec lesquels il correspondait comme Michel Butor, Jean Grenier, Jean Roudaut, Anne Philippe. Il est mort d'un cancer du larynx dans un hôpital parisien et il était contraint au silence après une opération des cordes vocales. Je me rendrais un jour prochain à Douarnenez pour découvrir sa ville et me recueillir sur sa tombe pour lui rendre hommage. J'aime ses "discrets" de la littérature française, des cachottiers qui nous susurrent des vérités douces et amères toujours teintées de mélancolie et d'une certaine tendresse pudique. 

mercredi 6 septembre 2023

"Leçon d'anatomie", Philip Roth

Un critique littéraire définissait la saga Zuckerman de "Recherche du temps perdu canularesque, écartelée entre la tradition yankee et la tradition juive". Le troisième volet de la série romanesque s'appelle "La leçon d'anatomie", publié en 1985, après "L'écrivain des ombres" et "Zuckerman délivré". Le double de Philip Roth, Nathan, auteur d'un livre fameux, "Carnovsky", a reçu autant de louanges que de messages haineux. Il a perdu son père, se sent même libéré par cette perte car il désapprouvait les romans de son fils écrivain. Dans ce récit, on le voit cloué sur le tapis de son bureau par une douleur du dos qui l'empêche de mener une vie normale. Il consulte beaucoup de médecins qui ne trouvent aucun remède à ce mal mystérieux, une douleur insupportable sur la nuque et sur l'épaule. Il décrit ses consultations avec un humour féroce. Ses liaisons éphémères se succèdent sans enthousiasme de sa part : Diana, Gloria, Jaga, Jenny qu'ils alternent selon ses états d'âme. Cette situation quasi donjuanesque ne le rend pas du tout heureux. Ecriture en panne, amours en panne, vie en panne, Nathan Zuckerman écrit : "Il n'avait jamais eu autant de femmes à la fois, ni tant de médecins, ni d'ailleurs autant de vodka, abattu si peu de travail, ou connu un désespoir de proportions aussi cruelles". En plus, il a des problèmes avec un critique connu, Milton Appel, qui n'apprécie pas son meilleur roman. Celui-ci lui demande d'écrire une tribune à propos d'Israël. A cette époque, en 1973, la guerre du Kipour a eu lieu et l'écrivain ne désire pas se mêler de ce conflit : "Je ne suis pas un expert à propos d'Israël. Ma spécialité, c'est Newark. Et encore, pas même Newark. Le quartier de Weequaehic".  Un de ses amantes lui conseille de se consacrer à un autre livre qui ne soit pas "sur les Juifs". Une autre catastrophe surgit dans sa vie car sa mère meurt en quelques semaines d'une tumeur foudroyante. Comme il manque d'imagination, il décide, dans un délire maladif, de se reconvertir en médecin obstétricien et de commencer des études dans un hôpital où il retrouve un ancien camarade, chirurgien de métier. Celui-ci aura un rôle majeur dans sa décision d'abandonner son projet irréaliste. Le ton constamment ironique de Philip Roth se manifeste dans ce personnage convulsif et pathologiquement malheureux. Ce portrait loufoque et ubuesque d'un écrivain raté constitue une prouesse littéraire unique dans la littérature américaine. Nathan Zuckerman, le double fictif et négatif de Philip Roth révèle la question essentielle de l'identité : qui sommes-nous au fond ? La littérature tente souvent d'apporter une réponse à ce doute existentiel.  

mardi 5 septembre 2023

Le Tsundoku

Dans mes pratiques de lecture, j'ai appris un nouveau mot, issu de la culture japonaise, le Tsundoku. Que veut donc dire cette expression ? Un nouveau jeu de mots ou de chiffres ? Non, c'est une manie d'accumuler des livres chez soi... sans les lire ! Quand on arrive à un certaine étape de la vie, il faut mettre un peu d'ordre dans sa bibliothèque : donner, jeter, vendre, recycler. Un geste écologique pour désencombrer le monde. J'ai fait un petit tour à Emmaüs récemment et quand j'ai vu cet amoncellement d'objets obsolètes partout dans tous les coins de l'espace, j'ai pensé à un tsunami de matières plastiques, de métal, de bois me submergeant en une fraction de seconde. Il serait temps de "déconsommer" pour faire le vide. Ce geste de modération peut aussi s'appliquer à nos chers bouquins. Donc, j'ai consacré quelques moments à l'amaigrissement de mes bibliothèques en me posant la question : vais-je le relire, le feuilleter à nouveau, le conserver ? J'observe mes bibliothèque et je me rends compte que j'ai accumulé des ouvrages sans les avoir tous lus. Suis-je une bibliomane ? La réponse me semble positive. Ce défaut se révèle bien pardonnable pour une ancienne libraire et bibliothécaire... Je pose mon regard sur mes murs "enlivrés" et je vois un paysage de couleurs et de formes, presque de sons et d'odeurs. J'ai toujours aimé la présence des livres dans les maisons et je me méfierai presque des espaces de vie sans ces objets de papier si intelligents. En rangeant cet été mes étagères, j'ai sorti tous les livres non lus pour les mettre à part afin que je commence enfin à les découvrir ou pas. Pourquoi ai-je gardé ce roman sans l'avoir ouvert ? Cet essai ? Ce catalogue d'art ? Le Tsundoku s'appelle aussi la manie des piles de livres sur sa table de chevet. Une attente de lecture. Des promesses de lecture. Des désirs de lecture. Dans un ouvrage d'Umberto Eco, "N'espérez pas vous débarrasser des livres !", le philosophe italien propose une vision originale de cette accumulation d'ouvrages délaissés. Il considère cette accumulation comme une provision de lectures à venir, des compagnons "accompagnateurs" que l'on apprivoise petit à petit : "Un jour ou l'autre, nous finissons par prendre ces livres en main et vous réalisez que nous les connaissons déjà". J'avais une pile à lire et après mon rangement, ma pile a doublé de volume. Des "heures heureuses" dédiées à la lecture comme le dirait Pascal Quignard (titre de son dernier livre).  

lundi 4 septembre 2023

"Les deux cœurs de Bloomsbury", Angelica Garnett

 Cet été, j'ai retrouvé la douce et mélancolique Virginia Woolf en relisant pour la troisième fois "Mrs Dalloway" et plus je lis ses œuvres, plus je l'apprécie. C'est peut-être une effet de l'âge car certains grands classiques ne se savourent qu'après soixante ans ! Comme le monde de l'écrivaine anglaise me fascine, j'aime bien découvrir des témoignages sur elle et sur son époque. Sa nièce, Angelica Garnett, a écrit plusieurs ouvrages sur l'environnement familial de sa tante en particulier dans ce récit autobiographique, "Les deux cœurs de Bloomsbury", publié en 2001 chez Le Promeneur-Gallimard. La légende de Bloomsbury concerne un cercle londonien composé d'intellectuels, amis de l'écrivaine : Lytton Strachey, J.M. Keynes, Clive Bell, Roger Fry. Ils étaient pionniers dans leurs façons de penser et de créer dans toutes les formes d'expression. Virginia Woolf a baigné dans cette aventure culturelle, une avant-garde audacieuse aussi dans leurs comportements libres sur le plan sexuel. Angelica Garnett est la fille des deux peintres du groupe : Vanessa Bell, la sœur de Virginia, et Duncan Grant. Quand on naît dans un milieu aussi privilégié, le don d'écriture s'avère essentiel pour reconstituer un univers disparu à tout jamais. Elle analyse en profondeur les liens affectifs et esthétiques de ses parents et parfois elle mentionne sa tante adorable selon elle qui se mettait à la portée des enfants. Les artistes mentionnés dans son récit traversent aussi des turbulences intérieures provoquées par leur non-conformisme, leur originalité provocante. Briser les conventions sociales victoriennes a laissé des traces et les parents d'Angelica ont vécu eux-mêmes des crises conjugales. La narratrice raconte son enfance avec des parents fabuleusement doués pour l'art au quotidien car ils décoraient leur maison avec des couleurs vives et des meubles bricolés. Ils aimaient voyager surtout en France dans le Midi, à Cassis où ils avaient des amis peintres impressionnistes. L'enfance d'Angelica Garnett ressemblait à un conte de fée et elle se souvient de ce temps-là avec beaucoup d'émotion. Des accents proustiens traversent parfois sa prose. Fourmillant d'anecdotes et de portraits, ce récit révèle une époque merveilleuse entre voyages, maisons, hôtels et personnages "fabuleux". Un monde évidemment "bobo", bohème-bourgeois comme on dirait aujourd'hui qui n'est pas offert au premier venu...  

vendredi 1 septembre 2023

"L'amour d'Erika Ewald", Stefan Zweig

 Mes charmantes amies de l'atelier Littérature m'ont offert une Pléiade de Stefan Zweig et de temps en temps, je lis une nouvelle de ce recueil pour retrouver le génie de cet écrivain autrichien qui s'inscrit dans une intemporalité nostalgique. Il faut absolument découvrir son chef d'œuvre, son dernier récit autobiographique, "Le monde d'hier", avant son suicide au Brésil, La nouvelle en question, "L'amour d'Erika Ewald", publiée en 1904, raconte l'histoire d'une jeune fille à Vienne. Elle éprouve une passion pour la musique, vivant dans un milieu familial très protecteur. Elle donne des cours de piano et accompagne de temps en temps, un violoniste virtuose, un jeune homme talentueux. Une amitié d'affinités naît entre eux et se transforme peu à peu en amour platonique de la part d'Erika. Mais le musicien ne veut pas se contenter de ce sentiment trop pudique et lui avoue ses projets lors d'une promenade dans le Prater. Il lui dédie une mélodie inspirée d'un chant tzigane. Mais Erika le rejette quand il tente de l'embrasser car elle ne se sent pas prête pour une relation physique. Ils cessent de se voir après cet échec mais, elle n'arrive pas à l'oublier et commence à être attirée par lui sur le plan physique. Elle sait qu'elle peut le retrouver dans un de ses concerts. Elle assiste alors à une de ses prestations musicales, et quand elle se dirige vers sa loge pour le féliciter de sa prestation musicale, celui-ci est accompagné d'une cantatrice à son bras et il lui sourit avec une légère moquerie. Erika s'effondre de désespoir et pense même au suicide. Peu après, la jeune femme, révoltée par cette trahison cynique, décide de s'offrir au premier venu, un jeune militaire, rencontré par hasard. Cette malheureuse expérience l'isole et elle renonce définitivement à l'amour. Erika se consacrera à ses élèves mais, elle n'oubliera jamais la mélodie lancinante du jeune violoniste quand elle pensera à son passé : "Elle avait désormais conscience de cette réalité profonde : la grande paix sacrée pour laquelle elle avait lutté ne peut s'obtenir qu'à l'issue d'une douleur intense et purificatrice, le bonheur n'existe pas pour celui qui n'a pas parcouru le chemin de la souffrance".  Une atmosphère envoûtante se dégage du texte empreint de poésie. Stefan Zweig, un grand ami de Freud, savait sonder les âmes à travers ses personnages. Le musicien symbolise la force brute pulsionnelle et Erika, pure et naïve, possède une âme romantique, peu adaptée à une réalité bien complexe. Une belle nouvelle à lire pour retrouver l'atmosphère viennoise au début du XXe siècle.