mercredi 28 juin 2023

"L'eau du lac n'est jamais douce", Giulia Caminito

 Pour l'Atelier Littérature de juin, j''avais choisi le thème de l'eau car l'été est une saison chaude et vivre au bord de l'eau, ou prendre ses vacances au bord de la mer, symbolisent la fraîcheur souhaitée. Cet élément célébré par Gaston Bachelard dans son ouvrage, "L'eau et les rêves" m'a guidée dans cette liste sur l'eau. Je reviens sur ce roman très apprécié par Pascale dans l'Atelier Littérature pour prolonger le plaisir de la découverte. "L'eau du lac n'est jamais douce" de Giulia Caminito explose sous nos yeux : un roman colère, un roman volcanique. Cette histoire familiale se déroule à Rome dans les années 2000 et raconte l'esprit de révolte des "gens de peu" comme le disait un sociologue, Pierre Sansot. La mère, Antonia, ressemble à Anna Magnani au cinéma, une matriarche survoltée, fière et têtue, droite et honnête, ne capitulant jamais. Elle cherche un logement décent pour abriter sa famille. Sa détermination l'emporte et elle obtient un appartement social. Il lui faut un sacré courage pour assumer sa famille dans une pauvreté extrême : un mari handicapé et quatre enfants. Sa fille, Gaia, la narratrice du roman, relate dans ce texte les péripéties de cette famille en difficultés. Suivant les conseils de sa mère, (ne faire confiance à personne et se méfier de tout le monde), la jeune adolescente affronte les tourments de son âge impossible dans une solitude qui rappelle celle du personnage de Carson McCullers dans "Frankie Adams". Ces deux adolescentes vivent mal ce passage de l'enfance à l'adolescence et Gaia subit une telle pression que ses colères rentrées l'étouffent et la brident dans son élan vital. Sans estime de soi, elle ne fait que s'enfoncer dans un rejet des autres, ses amies comme son amoureux. Pourtant, elle a compris qu'il fallait étudier, lire des livres, apprendre à grandir. Mais sa colère intérieure prend le dessus jusqu'à quand ? Le lac dans le récit tient un rôle stratégique dans la vie de l'adolescente, celui de ses rencontres sociales et amicales. La misère sociale est un terreau de violence sociale autant que les inégalités et Giulia Caminito  suit les traces de son aînée, Elsa Morante, qui décrivait aussi le monde des "perdants", de ceux qui n'arrivent pas à vivre une vie digne et sécurisante. Pour un deuxième roman, l'écrivaine italienne, Giulia Caminito, fait preuve d'un talent certain et désormais, son troisième roman porte une grande promesse.