jeudi 10 mars 2011

La vie très privée de Mr Sim

Le titre du dernier Jonathan Coe résume à merveille l'histoire de ce personnage Monsieur Sim, employé de commerce au début du roman. Il est en "dépression" car sa femme l'a quitté et il se retrouve seul, sa fille ayant choisi sa mère. Il trouve un travail de représentant de brosses à dents "durables"... Ce roman se lit avec une certaine jubilation. C'est un livre qui marquera mon année de lectures en 2011. Max Sim se met en quête d'un peu d'intimité dans sa vie personnelle. Il veut vivre de vraies relations humaines et le roman est parsemé de rencontres cocasses. Il fera le point sur son mariage raté, découvrira la face cachée de son père exilé en Australie, dialoguera avec un GPS dont il tombe quasiment amoureux car cette voix humaine mécanisée le fascine. Jonathan Coe a ce talent immense de nous parler de cette dérive "numérique" dans nos sociétés contemporaines "facebookées" à outrance... Je relève ce passage qui donne ce ton si ironique au roman. Sa volonté de vouloir communiquer "naturellement" se transforme sans cesse en échec. Il souhaite comme tout un chacun de la compagnie pour amortir le choc de la solitude. A l'heure des nouvelles technologies, plus personne ne communique vraiment. Le roman décrit cette donnée nouvelle : "En cet instant d'ailleurs, je me sentais sans doute plus seul que jamais dans ma vie, et ce qui m'en avait fait prendre conscience, c'était le spectacle de cette Chinoise avec sa fille, en train de jouer aux cartes à leur table. Elles semblaient si heureuses en compagnie l'une de l'autre, il y avait une telle complicité entre elles. Elles ne parlaient pas beaucoup, et quand elles parlaient, c'était de leur partie de cartes, autant que je pouvais en juger. Mais peu importait, tout se passait dans leur regard, leur sourire, cette façon de rire tout le temps, de se pencher l'une vers l'autre. A côté d'elles, aucun des dîneurs n'avait l'air de profiter de l'instant. Certes, ils parlaient et riaent, eux aussi. Mais ils ne paraissaient pas absorbés les uns dans les autres comme la Chinoise et sa fille. Il y avait un couple assis en face de moi, manisfestement sorti en amoureux : le type n'arrêtait pas de regarder l'heure à sa montre, et la fille les textos de son mobile. Derrière moi se trouvait une famille de quatre personnes : les deux petits garçons jouaient sur leurs consoles Nitendo, et le mari et la femme ne s'étaient pas adressé la parole depuis dix minutes."
Ce passage pourrait rejoindre le titre du roman : cette intimité recherchée est un lien précieux qu'il a perdu et qu'il ne retrouve que dans cette relation entre la mère et sa fille qui jouent aux cartes. Jonathan Coe dénonce avec un humour vivifiant cette "inattention" aux autres, dans le cadre familial ou amical.
De la première à la dernière page, ce roman nous "charme" et nous éprouvons de la sympathie envers ce Max Sim, qui se met à parler à un GPS, faute de compagnie.
Va-t-il s'en sortir ? Rencontrera-t-il quelqu'un, un humain et non une machine ?
Je ne dévoile pas la fin du roman... A vous de la découvrir... Un grand roman !