lundi 10 décembre 2018

L'usage des mots

Le pays s'enlise dans une crise sociale, politique, civilisationnelle. Personne ne sait encore comment va se terminer cette "révolution citoyenne" comme disent certains. Des gilets jaunes, cette expression courante que l'on entend des milliers de fois, commencent à se transformer en bataillons d'électrons libres qui rejettent les représentations traditionnelles, les corps intermédiaires, le Parlement, les élections, la vie démocratique. Au départ, la pression fiscale et l'écrasement des taxes déclenchent la révolte populaire, le ras le bol généralisé et la sympathie des Français. J'ai écouté depuis trois semaines les paroles de ces Français en colère, voire désespérés qui ne bouclent plus leur fin de mois. Ce qui me frappe le plus dans toutes ces interventions, c'est la haine que notre Président attire. Tous ces hommes et toutes ces femmes évoquent le mépris et l'arrogance de ce trop bon élève de la classe. Un gouffre d'incompréhension s'installe, se creuse entre le Président et le peuple. Les mots ont tout gâché. Le vocabulaire a tout emporté comme une vague de fond. Pour une fois que nous avions un homme "littéraire" au sommet de l'Etat, j'imaginais qu'il utiliserait le langage pour se faire comprendre. Mais, les mots blessants qu'il a prononcés sur les "gens qui ne sont rien", "traverse la rue pour trouver un travail", "un pognon de dingue", "je suis fier d'avoir recruté B", ces mots ne peuvent plus s'effacer dans la mémoire de ceux qui se sont sentis humiliés, relégués, suspectés. Monsieur Macron a fait preuve de légèreté, d'insouciance et de frivolité dans sa prise de parole. Lui, le surdoué, n'a rien compris à la mentalité des gens modestes. Sa position de "financier" n'arrange rien à l'affaire. Lui, le premier de la cordée sait tout, maintient son cap alors que les autres se trompent. De l'autre bord, les Français pauvres ou qui s'appauvrissent présentent des solutions qui semblent économiquement difficiles à appliquer. La radicalité de certains gilets jaunes commence à m'alerter sur la fragilité de notre République. Quand j'ai entendu qu'il fallait marcher sur l'Elysée, sur Bercy, où est la raison dans toute cette hystérie collective ? Les Yaka se multiplient comme des petits pains. La violence dans les manifestations s'intensifie et va finir mal. Dans quel pays vivons-nous en ce moment ? J'ai entendu un gilet jaune qui, croyant au complot mondialiste, s'imaginait qu'il allait finir dans une favella… Dissolution, référendum, démission, assemblée citoyenne, proportionnelle, extrême droite, ultragauche, le vocabulaire politique s'enflamme dans les esprits. A l'heure de l'allocution de notre Président, je me demande si cette crise violente va cesser à deux semaines de Noël. Il faudrait un miracle pour que la paix et la raison reviennent des deux côtés… C'est bientôt le passage du Père Noël, Monsieur Macron va-t-il l'accompagner avec sa hotte ? On verra ce soir…