mardi 1 septembre 2020

"Un de Beaumugnes"

 Je continue ma relecture de Jean Giono. Me plonger dans la prose incroyablement poétique de cet aède provençal ressemble à un bain de jouvence. La nature magnifiée et inquiétante demeure le sujet central de la trilogie de Pan avec "Colline", "Un de Beaumugnes" et "Regain". Ecrit en 1929, ce roman raconte une histoire d'amour dans le monde rural de l'époque. Le narrateur, Amédée, se loue de ferme en ferme comme ouvrier agricole. Il rencontre Albin, ouvrier agricole lui aussi, qui relate dans un bar un incident dont il a été témoin. Il avait connu un homme prénommé Louis, qui avait séduit une jeune femme, Angèle, et l'avait entraînée à Marseille pour se prostituer. Albin n'avait pas osé aborder Angèle. Amédée décide alors de retrouver cette jeune femme et se fait embaucher dans la ferme des parents de la fugitive à la Douloire. Il règne une ambiance délétère dans cette ferme où le patron, Clarius, montre une agressivité particulière. Un jour, le narrateur aperçoit une jolie tasse bleue et il comprend qu'Angèle est séquestrée par sa famille. La honte ronge les parents qui ne supportent pas le déshonneur provoqué par le comportement de leur fille et de son bébé, Pancrace. Le narrateur retrouve Albin et le prévient de sa découverte. Celui-ci veut libérer Angèle et l'emmener à Beaumugnes, son village natal. Les deux compères vont alors atteindre la ferme pendant la nuit pour récupérer la jeune femme. Mais, quand ils arrivent à la Douloire, le père se réveille et arrive avec son fusil. Amédée réussit à le désarmer. Ils partent tous les quatre à Beaumugnes. Quelques années plus tard, Amédée retourne à la Douloire, il rencontre une petite fille. Elle lui raconte qu'elle vit chez son "pépé" Clarius. Il comprend que la famille déchirée s'est réconciliée. Cette belle fable dans une Provence ancienne se lit avec un intérêt quasi anthropologique avec les us et coutumes de ces paysans, leur sens de l'honneur, du travail, de l'amitié mais aussi de l'intolérance (Angèle, fille légère est séquestrée). L'histoire de famille reste une trame romanesque d'un souffle quelque peu "antique" mais j'aime surtout chez Giono son style inimitable, sensuel, poétique. Je cite quelques phrases : "Il coulait entre les arbres un torrent de silence qui noyait tout", "La lune sauta par-dessus la colline". La métaphore ou l'image est à la base de l'écriture lyrique de l'écrivain-aède de Manosque. On peut ne pas apprécier cette déferlante de mots imagés mais, comme Marguerite Duras qui a tout osé dans le langage, Jean Giono à son époque s'est saisi de la langue française à sa façon surtout dans la Trilogie de Pan. Un Virgile du XXe siècle.