mercredi 2 août 2017

Eloge de la marche, 2

Dans le deuxième article, Martine Segalen, sociologue et professeur émérite à l'Université de Paris-Nanterre, s'interroge sur les coureurs et les marcheurs. La course à pied ou running (l'anglais a conquis ce milieu) est devenue à la mode depuis les années 70 et pour ma part, je croise souvent ces sportifs de tous âges (plutôt jeunes...) quand je marche au bord de la mer ou du lac. Pour la sociologue, il existe deux esprits : celui de la marche et celui de la course. Les uns portent des tenues adéquates, des appareils électroniques pour mesurer leur performance, des chaussures hauts de gamme. Les autres préfèrent des tenues confortables, des baskets solides et des cartes pour s'orienter. Ils se distinguent aussi par l'âge et leur situation sociale car la plupart profite de la retraite, une retraite active. Les "pressés" font des marathons, des courses d'endurance, bref, ils cherchent avant tout la compétition... D'un côté, la vélocité, de l'autre, la lenteur...Mais la course a commencé son influence sur les marcheurs tranquilles. Voilà maintenant, la marche nordique qui exige huit kilomètres à l'heure, des bâtons d'appui, le silence dans les rangs et la cadence infernale au rendez-vous. Il n'est pas question de flâner, d'observer la nature et d'écouter les oiseaux chanter. Dans le troisième article, Frédéric Gros, philosophe et auteur de "Marcher, une philosophie" rappelle l'aspect politique de la marche, le dynamisme volontariste (les marcheurs de notre nouveau président, un slogan démagogique et un peu ridicule...). Gandhi, Mao Tsé-Toung, Martin Luther King ont utilisé la marche comme une protestation, voire une révolution. La marche est vécue comme une rupture avec le passé. Il évoque aussi ses valeurs éthiques : la lenteur, la déconnexion, le retour sur soi, la simplicité, la gratuité... "Fatigue apaisante contre énervement citadin", cette activité tranquille relève de la "désobéissance civile" si chère à Thoreau. Je me demande si la pratique de la lecture correspond mieux aux marcheurs qu'aux coureurs... J'opte pour les petits marcheurs modestes, flâneurs, observateurs de ciel et de terre, attentifs à la présence des oiseaux, des lapins sauvages, des arbres remarquables. Lire la nature, lire un livre, une même attention au monde...